François Bayrou est tombé. Emmanuel Macron demeure aux commandes grâce à la pilule bleue de la République : le fameux article 16.
La classe politique française était en ébullition depuis quelques jours avec la question de confiance posée par le Premier ministre François Bayrou aux députés, parmi lesquels, il ne disposait même pas d’une majorité relative pour gouverner. Poser une telle question relevait du suicide politique.
La réponse est tombée lundi 8 septembre, sans appel, par un vote sans tâche et incontestable : le gouvernement Bayrou, avec son inénarrable chef en la personne du président de la République, a chuté lourdement, victime d’une audace devenue témérité. Avec 364 votants contre et 194 pour, le premier ministre n’a même pas fait le plein de voix de ses partisans.
Le rideau vient de tomber sur le dernier gouvernement et emporte avec lui, le fameux ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau , lequel voit en chaque étranger en France un potentiel ennemi de la France. Ainsi la seconde présidence d’Emmanuel Macron tourne à la catastrophe avec quatre premiers ministres en deux années et demie : Élisabeth Borne, Gabriel Attal, Michel Barnier et François Bayrou.
La quatrième équipe au pouvoir n’a pas résisté aux secousses d’un pouvoir devenu instable, tel un navire qui change de capitaine à chaque tempête. Ce naufrage politique, inattendu pour certains, inévitable pour d’autres, a pris une tournure singulière : Bayrou, dit-on, avait sollicité un « curé de confiance » pour inscrit un symbole moral au sein de son équipe et donner une âme à son projet.
Mais ce gage de loyauté, de morale et d’ancrage dans une France fatiguée des marchandages politiques, lui a été refusé et avec lui s’est effondrée toute la structure fragile d’un exécutif déjà ébranlé. Ce refus a sonné comme un glas, et le gouvernement est tombé, emporté par le souffle glacé d’une République qui vacille sur ses propres fondations.
Valse ininterrompue de Premiers ministres
Cette chute, loin d’être un simple accident de parcours, illustre le malaise profond de la Cinquième République. Comme un vieux chêne fendu par la foudre, elle tient encore debout, mais ses fissures sont visibles. Reste à savoir si elle sera consolidée, ou si la tempête emportera définitivement ses branches, laissant place à un autre arbre institutionnel, planté dans un sol politique qui réclame désormais de nouvelles racines.
La Cinquième République, pourtant née en 1958 pour conjurer le spectre de l’instabilité ministérielle, semble aujourd’hui trahir la mission que lui avaient confiée de Gaulle et Debré. Le général voulait bâtir une forteresse contre les vents contraires qui avaient balayé la Quatrième République, incapable de maintenir plus de quelques mois un gouvernement debout. En rationalisant le parlementarisme, en limitant les motions de censure, en donnant au chef de l’État le pouvoir de dissolution, il pensait avoir forgé une armure indestructible. L’élection du Président au suffrage universel direct en 1962 devait même transformer cet arbitre en pilier inébranlable de la stabilité nationale.
Mais voilà que, soixante-cinq ans plus tard, les murs craquent. Le Président, censé être l’arbitre, est devenu le joueur principal, le stratège qui concentre les cartes et les atouts. L’hyper-présidentialisme, ce monstre engendré par la pratique du pouvoir, a transformé le Premier ministre en simple fusible, sacrifié au premier court-circuit politique.
Emmanuel Macron, tel un chef d’orchestre qui change sans cesse de violonistes pour masquer la fausse note, en est déjà à son cinquième gouvernement. La valse des Premiers ministres et des ministres donne l’impression d’une République qui trébuche, hésite et recommence, sans jamais trouver la cadence juste.
La chute de Bayrou n’est donc pas seulement l’histoire d’un homme privé de son « curé de confiance ». Elle symbolise une mécanique usée : un Président qui choisit, impose, écarte, et des Premiers ministres qui passent comme des étoiles filantes dans un ciel obscurci par la défiance. La République ressemble de plus en plus à un théâtre d’ombres où les silhouettes se succèdent, mais où le spectateur le peuple peine à distinguer un sens à la pièce.
Macron a quand même de beaux jours devant lui
Faut-il y voir un retour à la Quatrième République ? Pas tout à fait. La Cinquième reste debout, plus solide que sa devancière, car le Président conserve la clé de voûte du système et la majorité parlementaire obéit, même de mauvaise grâce. Mais la lassitude ronge les fondations. Les Français, spectateurs d’une scène politique qui tourne en rond, évoquent déjà l’idée d’une Sixième République, d’une nouvelle architecture où le Parlement serait renforcé, où le Premier ministre retrouverait un rôle clair, où le chef de l’État cesserait d’être ce monarque républicain omniprésent.
Cependant Emmanuel Macron a encore de beaux jours devant lui car la cinquième république était taillée pour et par le président de la République. Au cœur de cette solidité réside dans les prérogatives présidentielles, dont l’article 16 de la Constitution constitue le point culminant.
Cette clause taillée sur mesure pour de Gaulle, prévoit que « lorsque les institutions de la République, l’indépendance de la Nation, l’intégrité de son territoire ou l’exécution de ses engagements internationaux sont menacés d’une manière grave et immédiate ». Et si le fonctionnement régulier des pouvoirs publics est interrompu, le Président peut se saisir de tous les pouvoirs nécessaires. Concrètement, cela lui permet de gouverner seul, au-dessus du Parlement et du gouvernement, jusqu’au retour à une situation normale.
De Gaulle lui-même n’y a eu recours qu’une seule fois, en 1961, lors du putsch des généraux à Alger. Depuis, aucun Président n’a osé franchir ce Rubicon, car l’article 16 reste perçu comme une « arme nucléaire institutionnelle », un dernier recours dont l’usage risquerait d’apparaître comme un coup de force.
Dans le contexte actuel, certains rappellent cette disposition comme un symbole : quoi qu’il arrive, la Cinquième République offre toujours au chef de l’État une clé survie, un pouvoir quasi monarchique en cas de péril. Emmanuel Macron, même affaibli par les crises et les changements successifs de gouvernement, demeure ainsi le garant suprême d’un système pensé pour lui donner la main jusqu’au bout de son mandat.
Maguet Delva
Paris, France