Les fameuses feuilles de route de l’OEA

Qui détient les feuilles de route de l’OEA dans leur intégralité ? Qui les lit ? Certainement pas nos chers diplomates, inoculés d’une paresse tenace, doublée d’un mépris affiché pour la presse et la communication. Pourtant, l’un des leurs les avait avertis : la diplomatie, c’est 90 % d’information et 10 % de diplomatie.

Bref, personne n’en prend vraiment connaissance : on se contente de cocher des cases administratives ou réciter, comme des perroquets dociles, le catéchisme imposé depuis Washington.

D’ailleurs, ces textes ne sont pas faits pour être lus, mais pour être publiés ; non pour éclairer la réalité haïtienne, mais pour être brandis en conférences comme des simulacres d’action. Ils sont des armes rhétoriques, des talismans diplomatiques, des rideaux de fumée.

Ce qu’on appelle « feuilles de route » ressemble moins à un document de travail qu’à une homélie technocratique, une sorte de messe blanche où chaque phrase est un encensoir qui dissimule l’odeur de sang et de misère. Ils y parlent de droits de l’homme avec la solennité d’un juge antique, mais chaque fois que ces droits surgissent dans un pays réel Chili 1973, Haïti 1991, Venezuela 2017 l’OEA les massacres par omission, par complicité, ou par son silence.

Avis de décès d’un peuple

L’OEA mène une véritable campagne d’information, destinée à faire croire à l’opinion publique qu’Haïti, en tant qu’État, n’existe plus. Ce message suinte à chaque page, dissimulé derrière un voile de formulations convenues et de messages subliminaux. Le peuple haïtien, lui, n’y a jamais trouvé une ligne qui parle de sa dignité, de sa souveraineté, de ses luttes séculaires.

En vérité, les « feuilles de route » de l’OEA sont des pierres tombales écrites à l’avance : elles annoncent la mort lente d’un peuple sous couvert de « stabilisation ». Lire intégralement ces textes, ce serait comme contempler froidement son propre avis de décès. C’est se plonger dans les labyrinthes des arrières pensées de celles et ceux qui ont déjà effacé l’Etat haïtien dans leur organigramme machiavélique. 

Les « phraséologies toutes faites » de l’OEA ressemblent à des oraisons funèbres récitées d’avance : froides formules bureaucratiques dissimulant une idée inavouée – Haïti est condamné à disparaître comme État souverain. Tout ce cirque diplomatique n’est qu’un accompagnement vers le tombeau.

Chaque mot choisi – « feuille de route », « appropriation nationale », « stabilité durable » – sonne comme une insulte voilée, un code poli pour dire : vous n’êtes pas capables, nous piloterons votre lente agonie. C’est une rhétorique de fossoyeurs qui, au lieu de brandir des pelles, exhibent résolutions et communiqués de presse.

Haïti, une manne pour l’OEA

La permanence du chaos haïtien est devenue la manne de l’OEA. Sans ce pays « problème », l’organisation se réduirait à ses murs ternes de Washington, traversés de couloirs vides où ne résonnerait que l’écho de discours creux. Haïti est le « cas » qui justifie budgets, réunions et missions « d’observation » : une proie indispensable pour donner l’illusion que cette machine a encore une raison d’exister.

Et dans ce jeu sinistre, notre pays n’est qu’un enfant transformé en jouet. L’OEA, les États-Unis, la République dominicaine et leurs complices locaux le tirent vers le haut quand il s’agit de l’exhiber comme exemple de « coopération internationale ». « Regardez, nous aidons, nous guidons, nous stabilisons ». Puis on le laisse retomber lourdement, brutalement, sa tête cognant le sol des humiliations, des crises organisées, des faillites répétées.

Cet enfant, c’est la nation haïtienne, arrachée à son histoire, dépouillée de sa souveraineté, utilisée comme objet de démonstration pour prouver que ces organisations internationales servent encore à quelque chose. On l’élève et on le rabaisse non pas pour son bien, mais pour le divertissement stratégique des puissants, pour que les couloirs vides de Washington ne deviennent pas un désert inutile.

Ce n’est plus de la diplomatie, c’est du dressage. Ce n’est plus de l’aide mais une mise en scène. Ce n’est plus de la coopération, c’est une maltraitance ritualisée où l’on joue avec le destin d’un peuple comme on joue avec un jouet bon marché, toujours prêt à être remplacé quand il casse.

Traites locaux

Le plus terrible, dans ce processus de mise à mort de notre pays, c’est que les mains qui serrent la corde autour de notre cou ne sont pas seulement étrangères. Ce sont aussi celles de nos propres compatriotes, complices zélés d’un enterrement programmé. Quant au secrétaire général de cette obscure organisation, il n’est pas aveugle : il est simplement cynique, car ignorant le corps du patient, il prescrit malgré tout une saignée.

Chaque feuille de route n’est pas une simple humiliation passagère : c’est un clou planté dans le cercueil de notre souveraineté. Et ceux qui prétendent représenter Haïti sur les estrades internationales applaudissent pendant que la planche se referme. Ils osent encore parler d’« appropriation nationale », alors qu’ils ont eux-mêmes renoncé à toute idée de nation.

L’OEA et ses alliés distribuent le scénario, mais ce sont des Haïtiens, affublés des titres de ministres, de diplomates ou de responsables, qui montent sur scène pour le réciter avec un zèle servile. Inversion des rôles : ce ne sont plus les colonisateurs qui nous imposent leur domination, mais nos propres dirigeants qui, par leur servilité, la rendent possible. Nos colonisateurs nous imposent la férule, et nos « élites » qui, tel un bourreau masqué, enfoncent la lame en répétant les mots d’ordre venus de Washington, Bruxelles ou de l’OEA. Haïti est sacrifiée sur l’autel de la duplicité, et ceux qui devraient la défendre tiennent la torche qui brûle son drapeau.

Chaque fois que résonnent dans l’air les sigles cyniques de l’OEA et de l’ONU accolés au nom de mon pauvre pays, c’est comme une gifle répétée, une blessure rouverte. On dit « coopération », « stabilisation », « feuilles de route », mais derrière ces mots vernis se cache la mécanique froide de l’humiliation. À force, ces acronymes ne sonnent plus comme des institutions, mais comme des balles sifflant au-dessus de nos têtes et j’ai envie de prendre mon revolver.

Maguet Delva

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