Quand il a été annoncé, le Conseil Présidentiel de Transition (CPT) devait incarner une nouvelle ère : une sortie de crise, une promesse d’ordre et de stabilité. Mais très vite, l’illusion est tombée. Le CPT s’est révélé être ce qu’Haïti connaît trop bien : un arrangement de coulisses, un partage du gâteau entre une classe politique discréditée et un secteur privé obsédé par ses privilèges.
Rien de nouveau sous le soleil : depuis des décennies, les élites haïtiennes excellent dans l’art du « compromis » qui n’a qu’un but — protéger leurs intérêts. Le CPT n’a pas fait exception. Derrière les beaux discours sur l’inclusion et le renouveau, la réalité est brutale : les syndicats, les mouvements de femmes, les paysans, les jeunes ont été écartés. Une fois encore, le peuple est spectateur d’une pièce écrite par et pour les mêmes acteurs.
Là où le CPT choque le plus, c’est dans son rapport ambigu avec les gangs. Dans un pays où les groupes armés contrôlent des quartiers entiers et dictent la vie quotidienne, difficile de croire que certains politiciens et entrepreneurs liés au CPT n’ont pas leurs « arrangements » avec eux. En vérité, cette proximité — qu’elle soit électorale, financière ou sécuritaire — vide le CPT de toute crédibilité. Comment prétendre restaurer l’ordre quand on pactise, directement ou indirectement, avec ceux qui plongent le pays dans la terreur ?
Le patronat haïtien aurait pu être un moteur de changement, en soutenant des réformes et des investissements pour relancer l’économie. Mais il a choisi une autre voie : l’argent sale. Tant que ses privilèges sont préservés, il peut cohabiter et codiriger la honte avec un CPT faible et avec des gangs qui « sécurisent » les routes commerciales, disons de la drogue. Résultat : l’économie reste otage d’un statu quo où la violence est devenue une variable de gestion.
Pendant que les élites négocient et que les gangs prospèrent, la population sombre. Les familles vivent la peur au quotidien, l’exode s’accélère et la confiance dans les institutions s’effondre encore un peu plus. Pour beaucoup, le CPT n’est pas un outil de transition mais une mascarade, un simulacre de pouvoir qui n’apporte ni pain ni sécurité ni avenir.
Un bluff de trop
Le CPT restera comme un symbole : celui d’un pays pris en otage par des élites incapables de se réinventer. Un bluff politique, économique et sécuritaire, qui prolonge le cercle vicieux de l’instabilité. Tant que la classe politique continuera à pactiser avec les gangs, tant que le secteur privé préférera ses profits immédiats à l’intérêt collectif, et tant que la population restera exclue des décisions, Haïti restera piégée dans ce cycle infernal.
Le CPT devait incarner l’espoir. Il n’aura été qu’une nouvelle poudre aux yeux.
Edy Fils-Aimé
Maitre ès Science du Développement