Baton m se kinanm

Le samedi 23 octobre, se tiendra au Royal Oasis un événement culturel assez particulier : la présentation sur invitation du film documentaire « Bazilik Patikola, le voyage d’Esther » réalisé par Jean-Claude Bourjolly sur une idée de Lyonel Trouillot. Le National a rencontré Lyonel Trouillot pour un entretien.

Le National : Bazilik Patikola, de quoi s’agit-il et pourquoi un film ?
Lyonel Trouillot : Merci de nous accorder cet entretien. L’événement ne se limite pas à la présentation du film, nous présentons aussi au public un vaste programme de promotion et de valorisation du Bazilik. Le film est un élément du programme. Le Bazilik et un jeu d’adresse et un art martial haïtien qui s’est développé et perpétué dans la région de l’Artibonite. Il se pratique avec un bâton. Le film est un hommage aux maîtres, deux en particulier, le Capois Léo Cartright qui a contribué à faire connaître cet art hors de l’Artibonite, et Jonas Daniel, un des grands maîtres. Une pratiquante nous raconte son parcours, la place prise par la pratique du Bazilik dans son rapport à elle-même et aux autres.


L. N. : Votre implication dans le projet ?
L. T. : Personnellement j’ai été l’élève de Léo Cartright puis de Jonas Daniel jusqu’à obtenir le grade de maître. Nous enseignons le Bazilik au Centre culturel Anne-Marie Morisset que ma sœur Évelyne et moi dirigeons bénévolement. Au nom du centre, j’ai donc contacté Jean-Claude Bourjolly pour la réalisation du film dans le cadre d’un vaste programme que nous appelons « Baton m se kinan m ». Le taekwondo, la capoera, tant d’arts martiaux sont devenus comme des marques déposées par des pays auxquels on les identifie. Nous pouvons faire cela si nous y mettons le respect et l’énergie qu’il faut. Et le Bailik tel qu’il est enseigné par des maîtres comme Léo, Jonas, moi-même et la majorité des maîtres basés dans l’Artibonite, est porteur de valeurs éthiques pouvant contribuer à développer chez le pratiquant, la pratiquante le respect de la nature, de l’autre, la maîtrise de soi. Il y a bien sûr en plus l’acquisition d’un outil de défense personnelle et les bienfaits d’une pratique sportive.


L. N. : Pourquoi « le voyage d’Esther » ?
L. T. : J’ai voulu, dans la conception du film, ce à quoi le réalisateur a adhéré, éviter toute vision ethnologisante qui pourrait venir d’un regard « neutre » ou étranger à la pratique. Pour ce faire, il nous semblé plus efficace de partir d’une relation individuée : l’intériorité d’une pratiquante, une femme qui n’est pas de l’Artibonite. C’est elle qui (se) raconte. J’ai donc réalisé le texte narratif à partir d’une entrevue qu’elle a accordée pour le film au jeune chercheur Théophilo Jarbath que je remercie ici. Mais, sur le film, il y a des questions qu’il faudrait plutôt poser à Esther ou surtout au réalisateur. Bourjolly et son complice Eddy Cinéus ont abattu un travail qui est fait d’ordinaire par toute une équipe. Cela a aidé à résoudre le coût de la production. Sur les affaires de droits et autres aspects matériels , je me contenterai de dire que, sauf le travail technique et les droits réclamés par le réalisateur, tout, y compris le texte narratif que j’ai écrit, a été fait sur la base d’un engagement bénévole. Et toutes les éventuelles recettes, hors les droits réclamés par le réalisateur, seront utilisées pour la réalisation de ce vaste programme de promotion du Bazilik. Dans cette aventure, le seul gain pour le CCAMM, les pratiquants, les maîtres, les personnalités et experts intervenant dans le film, c’est de contribuer à faire connaître un élément de notre patrimoine. Je remercie les institutions et les amis qui, sans exigence de visibilité sur le mode du chantage publicitaire, ont contribué financièrement à la réalisation du film et du programme.


Le National : Justement, parlez-nous un peu de ce programme
Lyonel Trouillot : « Baton m se kinanm », programme conçu et piloté par le centre culturel Anne-Marie Morisset, c’est le film que nous comptons faire voyager dans le pays en privilégiant les écoles et les lieux d’animation culturelle. C’est aussi l’introduction de l’enseignement du Bazilik dans les écoles, nous avons déjà une dizaine d’écoles partenaires. Et, un programme particulier pour accompagner chaque année une vingtaine de femmes pour un apprentissage complet. Ces femmes n’auront pas à payer, leur apprentissage jusqu’au grade de maître sera totalement pris en charge avec l’aide d’amis et d’institutions partenaires. Un grand nombre de femmes commence le Bazilik, mais les exigences de la vie font qu’elles n’arrivent pas jusqu’au bout. Nou bezwen fanm mèt.
Sur le film, comme je vous l’ai dit, il y a des questions qu’il faudrait poser au réalisateur Jean-Claude Bourjolly, c’est lui qui signe le film, il est donc la personne la plus autorisée pour en parler du point de vue de la création, et à Esther Mompoint.


La Rédaction

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