Après plusieurs années de reports successifs, le Conseil présidentiel de transition (CPT) s’apprête à promulguer le nouveau code pénal et le code de procédure pénale haïtiens, dont l’entrée en vigueur est prévue pour le 24 décembre prochain. Ces textes, censés moderniser le système judiciaire, suscitent toutefois des réserves au sein du Réseau national des magistrats haïtiens (RENAMAH).
Contacté par téléphone, le président du RENAMAH, Loubens Élysée, plaide pour un nouveau report de la mise en application. Selon lui, ni les professionnels du droit y compris la population n’ont eu le temps de s’approprier ces textes, qui ne constituent pas une simple modification de l’ancien code pénal de 1835, mais bien une refonte complète du système répressif haïtien.
« Ce n’est pas une simple adaptation de l’ancien code pénal haïtien daté de 1835 mais plutôt un chambardement du système répressif. On remplace un système par un autre, avec de nouveaux codes, de nouvelles lois », affirme le magistrat, qui redoute une mise en œuvre précipitée.
Le magistrat souligne que plusieurs dispositions des nouveaux codes semblent étrangères aux réalités culturelles haïtiennes. « Dans d’autres pays, ce sont les coutumes qui influencent les lois. Alors que chez nous, ce sont les lois qui risquent de transformer nos coutumes, nos modes de vie et nos comportements », déplore-t-il.
Parmi les changements souligné par le magistrat, figurent la hiérarchisation des parquets: Le commissaire du gouvernement sera désormais désigné comme procureur général à la cour d’appel, mettant fin à l’autonomie actuelle des parquets. Le procureur général deviendra le supérieur hiérarchique des parquets de première instance.
À titre d’exemple, le cas de Hinche illustre cette nouvelle organisation. La ville sera dotée de trois juridictions à savoir Hinche, Mirebalais et bientôt Belladère, toutes placées sous l’autorité du parquet de Hinche. Les commissaires du gouvernement ne pourront plus classer un dossier sans suite ou engager des recours sans l’aval du procureur général de Hinche.
« Ce sont des pratiques qui ne font pas partie de nos traditions judiciaires. Il faudra du temps pour les assimiler », insiste Magistrat Élysée.
En outre, l’introduction de deux régimes d’incarcération notamment l’un en milieu fermé et un autre en milieu ouvert. Ce qui donnera une possibilité à un détenu de purger une partie de sa peine sous surveillance électronique comme un bracelet électronique. Or, le pays souffre de coupures d’électricité, d’une mauvaise connexion internet, et d’un manque d’adresses fixes dans plusieurs quartiers, rendant difficile l’application de telles mesures. “Donc, ces mesures seront difficile à adoptées”, souligne-t-il.
Le RENAMAH ameute sur le risque d’une application des lois à plusieurs niveaux. «Certains textes pourraient fonctionner pour une partie de personnes, mais pas pour d’autres », prévient Élysée. Il appelle les autorités à organiser des formations, des campagnes de sensibilisation, des émissions et même des films pour informer les citoyens.
Par contre, le RENAMAH reconnaisse le caractère révolutionnaire de ces deux nouveaux codes, il estime que les structures nécessaires à leur mise en œuvre ne sont pas encore en place. Le magistrat propose un report d’au moins sept à huit mois, suggérant une rentrée en vigueur à partir du mois d’avril ou mai, à condition que les préparatifs commencent dès maintenant tout en sollicitant la collaboration de la population avec la justice haïtienne.
Likenton Joseph