Sans agitation médiatique ni recherche de visibilité, M. Ricarson Dorcé s’est imposé comme l’un des acteurs culturels les plus discrets mais les plus déterminants de la Haïti contemporaine. Alors que beaucoup cherchent à exister dans l’immédiateté des réseaux sociaux, lui a choisi la voie silencieuse, celle du travail profond, sérieux, dépouillé d’ornements.
Natif de Petit-Goâve, ville historique nourrie de traditions vivantes, M. Dorcé porte en lui la sensibilité d’un pays qui sait transformer la douleur en création, et le passé en force. Son engagement culturel ne relève ni de l’apparat ni de l’ambition personnelle, mais d’un attachement profond à l’identité haïtienne.
C’est dans cette discrétion assumée qu’il a entrepris un travail considérable : accompagner deux symboles majeurs de notre culture jusqu’à leur reconnaissance mondiale. Les dossiers du soupe joumou et du konpa dirèk, aujourd’hui inscrits sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO, doivent beaucoup à son implication.
Loin d’être un simple exercice administratif, ce travail demande une connaissance fine des communautés, une compréhension du sens historique, ainsi qu’une capacité à traduire une mémoire collective dans un langage institutionnel universel. M. Dorcé a su faire cela avec rigueur et humilité.
L’inscription du soupe joumou au patrimoine immatériel est un acte profondément symbolique. Ce mets, né d’un moment fondateur de notre histoire la conquête de la liberté devient ainsi un message universel. Grâce à ce geste, Haïti ne partage pas seulement une recette, mais une philosophie de dignité et d’émancipation.
De même, l’inscription du konpa dirèk consacre un genre musical qui, depuis plus de six décennies, accompagne nos joies, nos luttes et notre quête de modernité. Le konpa n’est pas seulement un rythme : c’est une manière d’être au monde, un langage affectif et social que l’UNESCO reconnaît désormais comme contribution majeure à la créativité humaine.
En permettant à ces deux expressions culturelles d’atteindre cette reconnaissance, M. Dorcé a posé un acte essentiel pour la mémoire nationale. Il a rappelé que la culture n’est pas un luxe, mais un pilier de résistance et de construction identitaire. Un pays qui protège son patrimoine se donne les moyens d’exister pleinement.
Cette réussite n’est pas seulement individuelle : elle engage la nation tout entière. Elle montre qu’en Haïti, malgré les turbulences, il existe des femmes et des hommes capables de défendre avec intelligence et courage ce qui constitue le cœur de notre existence collective.
Pour Petit-Goâve, cette contribution représente également un motif de grande fierté. Voir l’un de ses fils porter si haut le flambeau culturel d’Haïti est un honneur et un encouragement pour les générations futures. Cela rappelle que les villes ne grandissent pas seulement par leurs infrastructures, mais par la grandeur de ceux qui les représentent.
Aujourd’hui, M. Ricarson Dorcé devient, sans le chercher, l’exemple d’une démarche culturelle authentique. Il montre qu’on peut influencer le destin d’un pays tout en restant dans la sobriété et la profondeur. Son œuvre est le témoignage qu’un travail discret peut transformer durablement la perception internationale d’un peuple.
Haïti lui doit gratitude pour cette avancée majeure. En portant notre culture jusque dans les espaces les plus prestigieux du monde, il a contribué à renforcer notre dignité collective. Ce geste restera un repère important dans l’histoire de notre patrimoine.
Ainsi, sans bruit et sans prétention, M. Dorcé s’inscrit désormais dans la mémoire culturelle du pays comme l’un de ses artisans les plus précieux. Et dans le silence qui entoure son nom, on entend vibrer la force d’un acte qui nous honore tous.
Aterson-N SAINVAL
