Petite fleur de lune

Partie 2

Des faux semblants qui savent quoi prononcer. Pour toucher la vie privée pénible. Des misérables qui veulent transformer l'eau en beurre. Un défi allant au-delà de la capacité humaine. Je ne sais comment trier le bon grain de l'ivraie.

Inimaginable. Misérable. Une honte surmontée d'une frustration au troisième degré. Je me sens coupable. Condamnée. Mal aimée.  Raide. Trahie. Abusée. Pointée du doigt. J’ai mal au dos la nuit. Apeurée de me retrouver seule un matin. Sans un homme à mes côtés sur ce grand lit froid. Au cours de mes soirées d'insomnie, je repense à ma jeunesse perdue dans les yeux fermés d’Arthur.  Avant la naissance Rashid. J’étais au sommet de ma beauté. Je négligeais des hommes de grande carrure, des hommes politiques et je me faisais apporter des cadeaux que je remettais à celui qui me plaisait, ce malade Arthur. J'ai souvent regretté mes choix et c’est idiot est celui qui m'a le plus déçu. Un destin mal construit, gâché d'avance. L’argent ne fait pas le bonheur d'après ceux qui ont en, je l’admets bien, j'en avais eu, bien plus qu’avant d’Arthur  ne pourrait imaginer. Je déteste Arthur,  mais je n’ai jamais eu honte de mes enfants ni renoncé à les aimer parce que leur père m'a fait subir un véritable enfer. Ils sont ma lumière et je ne vis que pour eux. Je les regarde et je sens courir en moi ce sentiment de bonheur que seules les mères ressentent. Ils sont têtus parfois et c'est ce qui fait leur charme. La chance. Ils ne ressemblent pas à ce maudit Arthur. Ce paresseux qui ne se débrouille jamais pour trouver de quoi se nourrir. Je paie ses cigarettes et la fumée m'empêche de faire valoir mes droits de femme battante. L'amour rend faible et ma faiblesse m'a tellement aveuglée que je ne distingue pas les rouges à lèvres dans ses caleçons, les traces de sperme dans ses pantalons qu'il semble oublier d'enlever dans ses moments de tromperies. Le chômage crée des vices qui demeurent avec l'habitude.  Après la naissance de mes quatre enfants, ce crétin Arthur  tombe malade et trouve la mort sur son lit d'hôpital. Il est mort d’une hémorroïde héréditaire, diagnostiqué il y avait quatre ans. Une immense parole pour pourrir le vent sur ma tête. Un peu tard selon le médecin, car il nous a annoncé,  le visage abattu. Que Rimbaud  ne quittera ce lit que raide mort. J'ai passé ses derniers jours à son chevet. Il pleurait, me suppliait de ne pas me remarier pour ne pas offusquer sa mémoire. Il regrettait mon corps, ma chair, pas trop mon cœur. 

Il était toujours peu bavard. On dirait qu'il priait pour racheter son âme damnée. Carrément. Je disais en mon cœur à l’instant où il rend son dernier souffle que sa délivrance  se pointe enfin. Avant de vomir mes tripes devant la lâcheté de cet être humain qui dominait ma vie, mon temps  et mes rêves. Il avait trop peur de la seule vérité, qu'il n'était pas immortel. Mais en pensant à mes enfants, les larmes chutaient avec une vitesse démesurée sur mes joues. Je pleurais parce que ce moment me rappelait de mon fils Rashid, mon fils ainé qui a vécu un moment similaire. Il était allongé sur un lit et puait le mort. Son long corps chétif s'amaigrissait à vue d'œil. Il trépassait. Peut-être avec l’âge il se repose cette question, celle sur sa sensualité.  Mes entrailles s’arrachaient lentement comme une longue corde tendue que je ramenais à moi, saignait mes mains et découpait mes doigts. Je sentais le sang couler de mes narines, mes pieds s'affaiblissent et je m'évanouissais par intermittence. Souvenirs douloureux. Grincement de dents en signe de remords.  Je n’ai jamais su que la nature repousse le mal que nous faisons après nous. Certains l'appellent le karma et d'autres l'enfer. Ils prétendent même que l'enfer est sur la terre et que tout se paie ici-bas. Un jour ou l'autre. C'est pour cela que j'ai supporté Arthur jusqu'à son dernier soupir. En ce moment. Je n'attends que ma récompense parce que si l'enfer est si proche, le paradis est quelque part au milieu de nous.  J'ai jamais rêvé de faire de la politique ni de devenir une policière au service de ma patrie, de mes sœurs d’armes. Foutaise, honte ? Une mouche sur ma tête. Parce que la sécurité n’a jamais été publique. Elle est effacée de la charte constitutionnelle, paraît-il. On protège les gens odieux.  Qui n'ont rien à perdre à part leur argent vu leur personnalité prête à équivoque. Bien que nous soyons armés dans la cité, cela n'empêche pas qu'une fusillade soit éclatée en plein milieu de la nuit. Le lendemain, un innocent recroquevillé dans un coin, trois trous dans le crâne. Un matin glacial. Un crétin est mort. Un pauvre jeune homme venu visiter un parent. Qui rentrait un peu tard,  paraissait suspect, dépouillé de ses pièces et du contenu de ses poches. Arrogant de surcroît, il a suscité sa mort en essayant de tenir tête aux individus. La cité, apaisée depuis une semaine, annonce une vengeance longue, périlleuse et sanglante. Je n’étais pas ivre ce jour-là, pourtant je buvais une bouteille de vodka nommé la Mahonne, très  bon, fraîchement venu des régions froides de l'Antarctique. Seule, mon ombre derrière moi. Une nuit de pleine lune. Dans un ciel rayonnant. Éclairant les vastes plains qui longent la capitale. Je me suis mise à pleurer comme une marmotte en me rappelant comment j'ai gâché ma vie à suivre un homme qui n'en avait rien à faire de moi, j'ai vécu à ses yeux tel un insignifiant.  

 

Godson Moulite ( à suivre)

LAISSEZ UN COMMENTAIRE

0 COMMENTAIRES