Au CEPAT-H, la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel abordée à travers le prisme du genre

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Le Centre d’études sur le patrimoine et le tourisme en Haïti (CEPAT-H), de concert avec la coordination du programme de Maîtrise en Histoire, Mémoire et Patrimoine de l’Institut d’études et de recherches africaines d’Haïti (IERAH/ISERSS) de l’Université d’État d’Haïti (UEH), a organisé, le 15 avril, une conférence-débat autour du thème « Patrimoine et genre en Haïti ». Cette conférence-débat, modérée par Jose Esther Charles, visait à identifier le parcours et la contribution des femmes haïtiennes dans l’histoire d’Haïti, ainsi qu’à analyser les causes de leur invisibilité.

L’enseignante-chercheuse Sabine Lamour, docteure en sociologie intervenant à cette conférence-débat, a abordé un problème sensible et complexe : la place assignée aux femmes dans la société haïtienne largement dominée par les hommes. Par conséquent, le domaine culturel, comme tous les autres, est assujetti au mode de fonctionnement de cette forme d’organisation sociale centrée sur les figures masculines, déclare d’entrée de jeu la professeure Lamour. « Certes, le patrimoine culturel immatériel est un facilitateur qui tisse des liens sociaux et favorise le vivre-ensemble, mais il peut conforter les stéréotypes, la discrimination et l’exclusion », renchérit-elle.

En s’appuyant sur des recherches bibliographiques et d’une étude de cas – Suzanne Sanite Bélair –, Sabine Lamour a évoqué la contribution de plusieurs femmes à l’Indépendance d’Haïti. Malheureusement, celles-ci sont en grande partie invisibles et/ou peu visibles dans le domaine du patrimoine culturel haïtien. Cette invisibilisation, pense-t-elle, est le résultat de la domination masculine.

Au même titre que les hommes, les femmes haïtiennes, peu visibles, sont aussi gardiennes du PCI comprenant les savoir-faire, les coutumes, les traditions, la musique, les connaissances médicinales... À cet égard, la professeure Lamour se positionne favorablement à un processus de réflexion critique et non discriminatoire pouvant contribuer à patrimonialiser les grandes figures féminines.

Pour ce faire, elle ajoute que des stratégies qui promeuvent la visibilité de la contribution des femmes doivent s’inscrire dans une perspective de genre. « Ni la parité ou l’égalité entre les femmes et les hommes dans les domaines socioculturel et politique ni le principe du quota de 30 %, par exemple, des femmes dans les postes politiques en Haïti ne suffisent pas pour résoudre le problème », tranche la co-auteure de Déjouer le silence. Contre-discours sur les femmes haïtiennes (2018) qui semble opter de préférence pour une « approche intégrée ». Sans chercher à promouvoir la discrimination positive, elle recommande que les femmes doivent participer à la prise de décision dans tous les domaines de la société où elles évoluent. Pour y parvenir, la sociologue suggère un nouveau récit national qui prend à la fois en compte les femmes et les hommes.

Un cours sur le binôme patrimoine et genre bientôt à l’UEH ?

Les problèmes liés au genre en Haïti ne vont pas être seulement abordés au stade de conférences-débats occasionnellement organisées dans l’espace universitaire haïtien. Selon l’enseignant-chercheur Jean Rony Gustave, coordonnateur du programme de Maîtrise en Histoire, Mémoire et Patrimoine de l’IERAH/ISERSS de l’UEH, un cours intitulé "Matrimoine et genre en Haïti" sera dispensé, sous peu et pour la première fois, par la professeure Sabine Lamour au niveau dudit programme. « L’objectif de ce cours, explique M. Gustave, sera de valoriser et de pérenniser les travaux des femmes haïtiennes dans les métiers du patrimoine culturel. »

Créé en janvier 2011 et coordonné par Jean Rony Gustave, docteur en ethnologie et patrimoine, le CEPAT-H est un centre de recherche en patrimoine et tourisme qui offre un espace de réflexion intra et interdisciplinaire portant sur les aspects patrimoniaux et touristiques liés aux enjeux de la mondialisation. Ses axes de recherche sont articulés autour de grands domaines suivants : patrimoine, tourisme et communautés locales en Haïti, patrimonialisation et mémoire de l’esclavage en Haïti, savoirs locaux, tourisme et développement local en Haïti.

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