Haïti n'est plus un territoire perdu. C'est un pays perdu, abandonné par ceux-là mêmes qui prétendaient le sauver. Pendant que l'Organisation des États Américains (OEA), l'élite politique haïtienne et une société civile largement silencieuse observaient, le pays a basculé dans un abîme. Cette descente aux enfers est le fruit d'échecs accumulés, de trahisons et d'une incompétence qui frise la complicité.
L'OEA : architecte d'une catastrophe annoncée
L'OEA porte une responsabilité écrasante dans le naufrage haïtien. Depuis des décennies, cette institution accumule les échecs avec une constance remarquable, répétant les mêmes erreurs tout en espérant des résultats différents.
Le Conseil Présidentiel de Transition (CPT), dernière création de l'OEA, incarne cette faillite. Censé ramener la stabilité et préparer des élections crédibles, ce conseil n'a été qu'une structure fantoche, gangrenée par les luttes de pouvoir et la corruption qui ont paralysé toutes les tentatives précédentes.
Comment l'OEA peut-elle promettre d'organiser des élections crédibles alors qu'elle n'a jamais réussi à le faire? Ses interventions ont systématiquement débouché sur des scrutins contestés, des gouvernements illégitimes et une aggravation de l'instabilité. Les déclarations sur "l'engagement de la communauté internationale" sonnent comme des mensonges. Les Haïtiens ont appris à ne plus croire ces promesses creuses.
Une élite politique criminellement irresponsable
Si l'OEA est coupable d'incompétence, l'élite politique haïtienne est coupable de trahison. Ces hommes et femmes se sont livrés à une compétition obscène pour le pouvoir et l'argent. Ils ont détourné l'aide internationale, pillé l'État, négocié avec les gangs et sacrifié l'avenir de millions d'Haïtiens.
Ces politiciens qui défilent dans les conférences internationales sont les mêmes qui ont transformé Haïti en État failli. Ils parlent de "dialogue inclusif" alors qu'ils ont divisé le pays pendant des décennies. Leur participation au CPT n'était qu'une opportunité de se repositionner, pas une tentative sincère de sauver leur pays.
Sans justice, aucune reconstruction n'est possible.
Une société civile complice par son silence
La société civile haïtienne porte sa part de responsabilité. Beaucoup ont continué à se battre au péril de leur vie. Mais trop d'autres ont choisi le silence par peur ou par calcul. Combien d'intellectuels, de leaders religieux, de représentants d'ONG ont cautionné des processus qu'ils savaient viciés? En jouant le jeu de l'OEA et de l'élite politique, une partie de la société civile est devenue complice du système qu'elle prétendait combattre.
La communauté internationale : témoin passif
Les États-Unis, la France, le Canada, l'Union européenne ont observé la descente aux enfers avec une indifférence à peine masquée. Ils ont envoyé des émissaires, organisé des conférences, publié des communiqués exprimant leur "profonde préoccupation". Mais quand il s'est agi d'agir concrètement, d'imposer des sanctions réelles, ils ont brillé par leur absence.
La mission multinationale d'appui à la sécurité arrive trop tard avec des moyens dérisoires. C'est une opération cosmétique pour donner l'illusion que quelque chose est fait.
Peut-on encore croire aux promesses d'élections?
Comment prendre au sérieux les promesses d'élections "libres et crédibles"? L'OEA prétend pouvoir organiser un scrutin dans un pays où l'État n'existe plus, où les gangs contrôlent la capitale, où des millions vivent sous la menace permanente.
Les conditions minimales n'existent pas : pas de sécurité, pas de registre électoral fiable, pas d'institutions fonctionnelles, pas de confiance. Organiser des élections maintenant serait une mascarade destinée à légitimer un pouvoir sans légitimité réelle. Pire, ces élections précipitées risquent de consacrer le pouvoir des mêmes acteurs qui ont détruit le pays.
Le temps des comptes
Haïti est à la croisée des chemins. Cette renaissance ne pourra pas venir de l'OEA, de l'élite actuelle ou des formules magiques internationales. Elle ne peut venir que d'une refondation complète basée sur trois piliers :
La justice. Tous ceux qui ont contribué au désastre doivent répondre de leurs actes. Sans justice, pas de réconciliation. Une commission vérité dotée de véritables pouvoirs doit être créée comme instance judiciaire effective.
La sécurité. Le monopole de la violence légitime doit être restauré. Cela implique une refonte complète de la Police Nationale, l'élimination des réseaux de collusion et une intervention internationale robuste et de longue durée.
Un nouveau leadership. L'élite politique actuelle doit être écartée. Elle a eu sa chance, elle a échoué. Un nouveau leadership doit émerger de la diaspora, de la jeunesse, de la société civile authentique.
Les Haïtiens méritent la vérité sur les responsabilités. Ils méritent que l'OEA admette ses échecs. Ils méritent que leur élite soit jugée pour ses crimes. Ils méritent que la communauté internationale cesse de faire semblant.
Haïti n'a plus besoin de conférences, de plans fantaisistes ou d'élections bidonnées. Haïti a besoin de justice, de sécurité et d'un nouveau départ radical.
L'histoire retiendra que pendant qu'Haïti agonisait, l'OEA pontifiait, l'élite pillait et la communauté internationale regardait ailleurs. Il est temps que les responsables répondent de leurs actes devant le peuple haïtien et devant l'histoire.
Pierre Richard Raymond
14/12/2025
New York, USA
