Face au génocide en cours à Gaza, où des milliers d’enfants palestiniens meurent sous les balles et les bombes de l’armée israélienne, l’humanité semble avoir atteint un point de non-retour moral. Les images circulent en boucle, insoutenables. Elles ne documentent pas seulement une guerre : elles révèlent, au-delà du fracas des armes, un effondrement global de la conscience collective. Les États membres des Nations Unies sont, une fois de plus, aux abonnés absents. Comme souvent, ça gesticule à tire-larigot, ça produit des déclarations creuses, mais ça ne prend aucune position ferme, surtout lorsqu’il s’agit de contester le camp des puissants. La plupart des pays, Haïti en tête, semblent tétanisés à l’idée de décevoir le « grand maître américain » dont la tutelle, aujourd’hui encore, pèse lourd et repose sur des illusions plus que sur une véritable solidarité stratégique.
Haïti, pourtant membre fondateur de l’ONU, et forte d’un passé révolutionnaire qui aurait dû l’immuniser contre toute forme d’alignement passif, se montre docile, presque muette, comme un enfant sage que la peur a privé de parole. Le pays qui, jadis, osa braver les empires semble aujourd’hui réduit à une diplomatie d’obéissance et servile à souhait.
Les réactions sont rares. Molles. Parfois hypocrites. Les Nations Unies, paralysées, n’osent pas nommer le crime. La plupart des pays arabes se taisent irrémédiablement. Les États-Unis, loin de jouer le rôle attendu d’arbitre, s’affichent comme des complices explicites du massacre, une posture amorcée sous l’administration Biden, mais poursuivie avec une cohérence glaçante avec Trump.
Égale à elle-même et fidèle à son héritage de luttes et à son positionnement historique, l’Algérie reste à l’avant-garde des lignes diplomatiques du tiers-monde, portée par une mémoire de résistance, une cohérence stratégique, et une parole qui n’attend pas l’autorisation de Washington pour se faire entendre.
Le droit international comme boussole
C’est dans ce vide diplomatique et éthique que s’élève une voix, ferme et limpide : celle de l’ambassadeur Amar Bendjama, représentant permanent de l’Algérie auprès de l’ONU. Depuis sa nomination en avril 2023, Bendjama est devenu, sans fracas médiatique, l’une des consciences diplomatiques les plus puissantes de cette crise. Il ne parle pas pour meubler les tribunes mais pour rappeler le droit, pour désigner l’oppression, pour nommer ce que d’autres contournent. Face à l’ambassadeur israélien, Edouardo Munoz, les échanges sont tendus, clairs, frontaux mais jamais démagogiques. Le diplomate algérien incarne une rigueur diplomatique rare par les temps qui courent : ses phrases sont ciselées, ses gestes sobres, son ton ferme, ses silences stratégiques. Il ne débat pas pour la forme ; il combat avec la conviction de ceux qui savent que les mots peuvent encore écrire l’histoire.
Cette autorité ne surgit pas de nulle part. Elle est le fruit d’un parcours forgé dans les plus hauts foyers de la diplomatie contemporaine. En 2010, Amar Bendjama est nommé ambassadeur en Belgique et au Luxembourg, tout en assumant les fonctions de chef de délégation auprès de l’Union européenne et de représentant auprès de l’OTAN. De 2013 à 2017, il est ambassadeur en France, poste hautement stratégique pour des raisons que l’on sait même si aujourd’hui certains furieux ont mis à bas les relations entre les deux pays, il faut garder l’espoir que les données objectives de l’histoire finissent par triompher des démagogues en touts genres.
En 2017, l’ambassadeur Amar Bendjama rejoint le cabinet du Ministre des Affaires étrangères Algérien en tant que conseiller principal. Chaque étape de son itinéraire l’a préparé à ce rôle actuel, central, où il conjugue compréhension fine des rapports de force et maîtrise parfaite du langage diplomatique à la sauce onusienne. Face à cette tuerie de masse à Gaza filmée en direct, la voix de l’Algérie se fait entendre de manière incandescente et l’ambassadeur Amar Bendjama charge son homologue israélien avec le droit toujours le droit international comme boussole.
Ce n’est pas un diplomate de protocole plutôt un stratège diplomatique aguerri. Un sniper qui a une analyse fine de la charte de San Francisco, il sait que celle-ci va à l’encontre de ce qui se passe à Gaza et il s’en donne à cœur. C’est un stratège de la parole internationale, un diplomate humaniste que ce massacre de masse en cours à Gaza meurtrit au plus haut point.
Amar Bendjama incarne un certain type de diplomatie, celle qui ne trahit ni l’histoire, ni les principes. Il rappelle que la parole internationale peut encore avoir du sens, de la tenue, du poids. Il démontre que la diplomatie n’est pas condamnée à la neutralité, ni au cynisme d’Etat , mais qu’elle peut être une forme de lutte, une résistance de haut niveau, une mémoire active. Il demontre que, dans les ténèbres, une voix humaine, ferme et juste, peut encore faire face aux vampires.
Mais surtout, Bendjama parle au nom d’un pays dont la ligne diplomatique est restée remarquablement constante : l’Algérie ne reconnaît pas l’existence d’Israël, une position assumée, souvent jugée radicale, mais d’une clarté stratégique absolue. Cette boussole diplomatique, héritée des luttes anti-coloniales et d’une histoire de résistance, confère à la parole algérienne une singularité : elle ne tremble pas. Elle ne se renie pas. Elle s’inscrit dans une mémoire, dans une cohérence, dans une fidélité au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
Haïti, lui, se tait
C’est là que le contraste devient douloureux, car il fut un temps où Haïti parlait, elle aussi, avec cette dignité. Il fut un temps où la première république noire du monde osa reconnaître la légitimité du combat algérien pour l’indépendance, quand d’autres se taisaient par prudence ou par soumission. Haïti, autrefois, savait se tenir du côté des justes. Elle était cette voix noire, libre, fière, qui honorait son histoire révolutionnaire en défendant les peuples opprimés. Elle fut, dans les années 1950, l’un des rares pays à soutenir officiellement la cause algérienne contre la France.
Aujourd’hui ? Haïti se tait. Elle n’a plus de ligne. Plus de vision. Plus de diplomatie active. Elle s’efface des forums internationaux, réduite à des lectures de discours sans souffle, à des gestes creux, à une présence symbolique sans pouvoir réel. Ses ambassadeurs ne portent plus rien. Ses représentants s’installent dans la neutralité, alors même que les grands enjeux du monde exigeraient courage, positionnement, mémoire.
Pendant que l’Algérie tient tête à Israël dans les arènes les plus sensibles de la diplomatie mondiale, Haïti s’est retiré. De l’histoire. Du monde. De sa propre promesse.
Et pourtant, cette Algérie debout, cette diplomatie claire, c’est Haïti qui, un jour, l’a soutenue. Aujourd’hui, c’est l’Algérie qui renvoie à Haïti l’image inversée d’un sursaut. Un rappel silencieux : la mémoire, quand elle est trahie, se venge par l’oubli.
La diplomatie n’est plus un art du protocole. Elle est désormais un champ de bataille symbolique, un lieu de récit, un espace où la communication précède l’action, où les mots pèsent plus lourd que les alliances temporaires. Celui qui refuse de voir cette transformation est soit dépassé, soit complice. Aujourd’hui, Amar Bendjama est plus qu’un diplomate : il est une leçon. Et Haïti ferait bien de l’écouter.