Régime présidentiel et séparation stricte des trois pouvoirs de l’État: une voie vers la stabilité démocratique en Haïti

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NB : Cet article fait partie de la rubrique Les Cahiers de la Refondation, il a été rédigé dans le but de donner une vision plus claire de l’article 9 et 10 de l’Avant-projet de Constitution de juin 2025 proposée par l’Assemblée Nationale de la Jeunesse (ANJ)

Résumé

Depuis l’adoption de la Constitution de 1987, Haïti vit sous un régime mixte marqué par un exécutif bicéphale et des tensions récurrentes entre les institutions. Conçu pour éviter une dérive autoritaire, ce système a au contraire produit instabilité, blocages et rivalités constantes entre le Président, le Parlement et le Premier ministre. Face à cet échec structurel, l’Assemblée Nationale de la Jeunesse (ANJ), à travers les articles 9 et 10 de son Avant-projet de Constitution, propose l’instauration d’un régime présidentiel fondé sur la séparation stricte des pouvoirs. Ce modèle, inspiré des expériences internationales mais adapté au contexte haïtien, vise à clarifier les responsabilités, renforcer les mécanismes de contrôle mutuel (checks and balances) et rétablir la confiance citoyenne dans les institutions. Il ne s’agit pas simplement d’un changement formel, mais d’une véritable refondation politique pour stabiliser durablement la démocratie haïtienne.

Cliquez ici pour voir l’Avant-projet : https://www.assembleenationaledelajeunesse.com/nos-travaux/2520032_proposition-par-l-anj-d-avant-projet-de-constitutio n-de-la-republique-d-hayti-2025

Introduction
Le régime politique est la manière dont le pouvoir politique s’est exercé. C’est le mode d’organisation et le fonctionnement des pouvoirs de l’État. D’une manière générale, on distingue deux grands régimes politiques en fonction de la nature du pouvoir politique et le degré de liberté et de droit accordés aux citoyens. On a d’une part, les régimes démocratiques dans lesquels le peuple choisit ces dirigeants à travers des élections libres, et le pouvoir politique s’exerce dans le respect des droits fondamentaux de l’homme; d’autre part, on a les régimes dictatoriaux dites autoritaire ou totalitaire qui se caractérise par la concentration des pouvoirs entre les mains d’une personnes ou d’un groupe dans le mépris du respect des droits de l’homme (Xavier Crettiez, Jacques de Maillard et Patrick Hassenteufel, 2015).

En fait, tous les régimes démocratiques n’ont pas les mêmes caractéristiques. En fonction des relations qu’entretiennent les trois pouvoirs, on distingue: les régimes présidentiels, les régimes parlementaires et les régimes mixtes.
Le régime présidentiel est la séparation stricte des trois pouvoirs et le régime parlementaire est un régime dans lequel il y a une forte collaboration entre le gouvernement et le parlement. D’une manière générale, le chef du gouvernement est issu dans le parti qui obtient plus de siège dans le parlement. Enfin, pour le régime mixte ou semi-présidentiel, on retrouve les caractéristiques du régime présidentiel c’est-à-dire on a un président élu au suffrage universel, doté d’une large prérogative politique. Néanmoins, il partage certains caractéristiques du régime parlementaire parce que le président de la République doit nommé un premier ministre pour mettre en œuvre ses politiques publiques. Ainsi donc, le premier ministre est responsable par devant le parlement et par devant le président de la République.

En effet, depuis 1987, la politique Haïtienne est régule par la constitution de 29 mars 1987, qui fut adoptée dans un contexte post-dictatorial où la méfiance envers le pouvoir exécutif était à son comble. Cette constitution prévoit dans ces dispositions un régime mixte inspiré du régime français, d’une part on un président élu au suffrage universel, d’autre par le président doit nommer un premier ministre qui doit mettre en œuvre ses politiques publiques après avoir été ratifié par les deux chambres du parlement. (Article 133, 134 156 et 158 de la constitution)
L’objectif de cette constitution était de prévenir toute dérive autoritaire en fragmentant le pouvoir exécutif pendant qu’il renforce le rôle du Parlement. Cependant, cette structure a produit l’effet inverse: instabilité gouvernementale, blocages institutionnels, paralysie politique et crises récurrentes.
En comparaison, le régime présidentiel, où le Président est à la fois le chef de l’État et le chef du gouvernement, offre une clarté institutionnelle et un équilibre par les << checks and balances >>. L’expérience d’autres nations montrent que ce modèle, adapté à la réalité politique haïtienne, pourrait renforcer l’État de droit et stabiliser la démocratie.

I. Un régime mixte déséquilibré et source d’instabilité
Le régime instauré par la Constitution de 1987, été Pensée pour éviter le retour d’un exécutif fort qui pourrait se transformer en dictature. Il a multiplié les contre-pouvoirs. Mais, au lieu de garantir un équilibre entre les pouvoirs, ce choix a conduit une instabilité structurelle où les institutions se bloquent mutuellement.
D’abord, en Haïti la Constitution de 1987 instaure un exécutif bicéphale, composée du Président de la République et du Premier ministre. En théorie, ce modèle vise un équilibre des pouvoirs, une collaboration entre les deux chefs de l’exécutif pour garantir la stabilité de l’État.
Sur le papier, cela peut apparaître comme un compromis démocratique. Mais en pratique, ce système engendre souvent des conflits de pouvoir, des rivalités de légitimité, et une paralysie institutionnelle. Le Président et le Premier ministre sont censés travailler ensemble pour exécuter les lois et servir l’intérêt général (comme le prévoit l’article 137 de la Constitution), mais cette coopération est rarement effective.
Le président, élu au suffrage universel, revendique une forte légitimité démocratique. Pourtant, il doit partager son pouvoir avec un-Premier ministre nommé en accord avec le Parlement. Cette dualité entraîne des rivalités permanentes: le président élu sur un programme, tandis que le Premier ministre, souvent choisi sous la pression parlementaire, est perçu comme un contrepoids imposé. Les résultats sont clairs: succession rapide de Premiers ministres avec plus d’une quinzaine en deux décennies, gouvernements instables et programmes politiques abandonnés avant même leur mise en œuvre.

Ensuite, le Parlement, loin d’être un partenaire de gouvernance, se comporte comme un adversaire du pouvoir exécutif. La Constitution de 1987, fondée sur une méfiance extrême vis-à-vis du président, a renforcé le rôle du pouvoir législatif. Mais cette logique a ouvert la voie à des rapports de force incessants. Par exemple, sous le mandat de René Préval (1996-2001), plusieurs blocages sont apparus autour de la nomination du Premier ministre, plongeant le pays dans une longue crise institutionnelle. De même que, durant la présidence de Michel Martelly (2011-2016), les tensions avec un-Parlement hostile ont paralysé plusieurs initiatives, forçant parfois le président à gouverner par décrets. Plus récemment, le mandat de Jovenel Moïse a été marqué par une absence de gouvernement effectif durant de longs mois, faute d’accord sur la ratification d’un Premier ministre, aggravant l’instabilité politique et sociale.
Enfin, cette confusion des rôles et cette rivalité permanente empêchent toute responsabilité claire. Le président accuse le Parlement de bloquer ses réformes, le Parlement reproche à l’exécutif son autoritarisme, et le Premier ministre sert souvent de bouc émissaire en cas d’échec. Cette dilution des responsabilités fragilise la confiance citoyenne dans les institutions et nourrit la perception d’un État incapable de gouverner.

II. Le régime présidentiel: un modèle cohérent fondé sur la séparation des pouvoirs

Considérant que la constitution de 1987 favorise des dérive et blocages, un régime présidentiel est la voie idéal pour sortir de la crise du gouvernance que subit l’État depuis 1986.
Contrairement aux régimes mixtes, le régime présidentiel offre un équilibre dans la mesure où le Président, une fois nommé, dispose une autonomie qui lui permettent de constituer son gouvernement et mettre en œuvre ses politiques publiques sans avoir besoin l’accord du parlement. Par ailleurs, le président n’a pas de pouvoir pour dissoudre le parlement et ce dernier ne peut pas destituer le président sauf en cas forfaiture, dans ce cas la loi prévoit une procédure pour arriver à cette fin. Sur le fait que ce régime nous permettra de maintenir une stabilité dans les relations entre les trois pouvoirs car il établit une distinction claire entre l’exécutif, le Législatif et le Judiciaire. Ainsi, dans l’avant-projet de la Constitution de l’Assemblée Nationale de la Jeunesse (ANJ), en son article VI, prévoit à la fois la séparation stricte des pouvoirs et un système de contrôle mutuel (checks and balances). D’une part, on a prévu que << le Pouvoir législatif élabore et vote les lois, le Pouvoir exécutif conduit l’administration et applique les lois, tandis que le Pouvoir judiciaire veille à leur respect >>, d’autres part on a proposé des mécanismes de contrôle et de forme de pression que chacun des trois pouvoirs pourraient s’exercer sur l’autre en cas de blocage institutionnelle. En ce sens, ce modèle nous permettra de palier les problèmes de gouvernance liés à la fonction du premier ministre établi par la Constitution de 1987.

Dans ce sens, la vision d’un régime présidentiel se retrouve clairement exprimée dans l’avant-projet constitutionnel de l’ANJ. Ce projet en ses articles 9 et 10 montre que le régime présidentiel n’est pas une simple construction théorique ou doctrinale, mais bien une réponse juridique et politique concrète, adaptée au contexte haïtien. Il vise à remédier à la crise de gouvernance chronique que traverse le pays depuis des décennies. L’avant-projet propose un système qui garantit à la fois l’autonomie organique des pouvoirs et leur contrôle réciproque, tout en assurant un meilleur équilibre institutionnel. Ce modèle cherche à prévenir les crises récurrentes, à renforcer la stabilité politique, et à replacer la responsabilité au cœur de l’action gouvernementale. Ce mode d’organisation du pouvoir a déjà démontré son efficacité dans plusieurs pays, notamment aux États-Unis, en République dominicaine et dans plusieurs États d’Amérique latine. En l’adaptant à notre réalité historique, sociale et juridique, il pourrait offrir une alternative solide au système bicéphale actuel, souvent source de blocage.
Ainsi, adopter un régime présidentiel, dans le respect des particularités haïtiennes, représenterait une voie réaliste et durable pour sortir des crises institutionnelles qui freinent le développement du pays.

 

Auteur : Stanley Sthawanthes Chereste & Éditeur web : Godson Moulite

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