L’organisation Médecins sans frontières (MSF) déplore les graves perturbations, depuis quelques temps, de ses opérations médicales, à cause de la criminalité croissante en Haïti. MSF dit être le témoin de l’augmentation du nombre de victimes civiles arrivant dans ses structures et la diminution de l’offre de soin dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince.
En effet, 60 à 80 % des structures de santé de Port-au-Prince sont fermées, ou inopérantes, à cause de l’insécurité et de la violence généralisée. Depuis la fin du mois de Février 2024 , Port-au-Prince est en proie à une violence sans précédent, isolant la capitale haïtienne du reste du monde suite à la fermeture de l’aéroport et des ports, et le système de santé est l’un des secteurs le plus toucher , laissant la population sans accès aux services de soins dans ce contexte de violence.
Une réalité qui impacte grandement les opérations médicales de Médecins Sans Frontières MSF, qui a du mal à s’approvisionner en intrant depuis quelque temps. Alors que l’approvisionnement se raréfie , la population fait face à des besoins médicaux et humanitaires urgents. Les personnes souffrant de maladies chroniques , telles que la tuberculose et le Vih , risquent d’en payer le prix.
Entre Janvier et Juin de cette année, les équipes de MSF ont pris en charge 2600 survivants et survivantes de violences sexuelles, admis 13 000 patients aux urgences et soigné près de 2300 victimes de violence. Une violence qui touche de plus en plus les enfants, majoritairement âgés de moins de 15 ans. 26 % de ces victimes de violence sont des mineurs, majoritairement âgés de moins de 15 ans, contre 11% en 2024. Parmi ces victimes mineures, un tiers étaient des filles et 30% présentaient des blessures par balle.
« Ces chiffres reflètent l’évolution alarmante de la situation en Haïti, où les civils, y compris des femmes et des enfants, sont chaque jour exposés au danger », déclare Mumuza Muhindo Musubaho, Chef de mission MSF en Haïti.
Cette guerre de territoire place la population au milieu des lignes de front, prise au piège entre la menace des drones explosifs et le déchaînement de violence des groupes armés.
Le 20 septembre 2025, 17 blessés ont été pris en charge au sein de l’hôpital MSF de Drouillard, à la suite d’une attaque par drone menée le même jour dans le quartier de Cité Soleil. La majorité de ces blessés (10) étaient des femmes, dont une est décédée lors de son transfert vers l’hôpital traumatologique de MSF à Tabarre. Trois enfants n’ont malheureusement pas survécu à leurs blessures et trois hommes sont morts. Deux femmes sont également décédées à la maternité voisine d’Isaïe Jeanty, où MSF intervient.
Les groupes armés pillent et brûlent les maisons, détruisent des quartiers, terrorisent les communautés et utilisent de plus en plus la violence sexuelle comme arme de contrôle, de punition et d'extorsion. La population est terrorisée et a peu d’option pour accéder à des soins de santé.
Environ 18 % des patients suivis par les équipes MSF dans les quartiers sous contrôle de groupes armés, déclarent ne pas emprunter les transports publics pour se rendre dans des structures de soins situées en dehors de ces zones par crainte d’être pris pour cible. De plus, de nombreux établissements hospitaliers ont fermé en raison d’attaques armées, de pillages, d’exode du personnel médical, ou encore de difficultés d’approvisionnement en médicaments.
Entre la réduction des mouvements des habitants et le peu de structures disponibles, une part importante de la population de Port-au-Prince n’a plus accès des services vitaux.
Cette situation exerce une pression extrême sur les structures encore opérationnelles. C’est le cas pour l’hôpital traumatologique MSF de Tabarre qui a augmenté sa capacité d’accueil de 50 % et dont 26 % des cas pris en charge aux urgences traumatologiques sont dus à la violence. L'hôpital universitaire de la Paix demeure le seul grand établissement public encore actif dans la capitale, il est lui aussi régulièrement saturé.
« Ce contexte nourrit chez les Haïtiens un profond sentiment d’abandon. Et, il faut le dire, la terrible diminution d’offre de soins engendre également chez les quelques acteurs humanitaires et médicaux présents, l’impression d’être dépassés par des besoins toujours plus importants », conclut Mumuza Muhindo Musubaho.
Malgré les conditions extrêmement précaires et insécures à Port-au-Prince, MSF reste pleinement engagée auprès de la population haïtienne et collabore étroitement avec le ministère de la Santé et de la Population. Il est impératif que les civils, les soignants et les structures de santé soient protégés.
Gerard H. Resil