Le dialogue social haïtien reste à construire. Au sein de la société civile, une multitude d’organisations se proclament porteuses de changement. Pourtant, la fragilité du tissu social haïtien demeure manifeste. Malgré leurs élans patriotiques, ces acteurs n’ont pas encore su forger une vision commune capable de transformer des réalités nationales figées dans une immobilité mortifère. Ce constat n’est pas nouveau : déjà, feu Marcel Gilbert, grand théoricien haïtien, appelait à la constitution d’une « unité historique du peuple » face à la « classe traditionnelle du pouvoir d’État ».
Malgré des initiatives prometteuses, il reste encore beaucoup à faire pour faire émerger une société civile forte, constituée d’organisations crédibles, à même de renouveler les paradigmes politiques en Haïti. Plus que jamais, il est nécessaire de voir naître des offres politiques viables, capables de s’attaquer à la corruption systémique qui mine le pays et de proposer un véritable projet de société permettant enfin un décollage économique. Car, comme le disait l’autre, une démocratie ne peut survivre dans la crasse. Même saint Augustin, en son temps, rappelait qu’il ne saurait exister de vertu dans la misère.
À cet égard, les Haïtiens et leurs leaders gagneraient à s’inspirer des expériences réussies de pays qui, naguère, présentaient comme nous les pires pathologies du sous-développement. Il faut rompre, plus que jamais, avec la répétition du même pour ouvrir de nouvelles avenues de progrès, dans un pays sans cesse menacé d’effondrement.
Mais rien ne changera sans une véritable conversion morale : celle qui pousse chacun à faire passer le pays avant sa chapelle. Tant que régnera la culture du profit immédiat et du clan, Haïti restera prisonnière de ses constats au lieu d’écrire enfin son destin.
Roody Edmé
