S’est-on réellement posé des questions sur la raison de la destruction systématique par les gangs de certains quartiers de la capitale ? On a vu l’image du saccage rageur de certaines demeures, qu’elles soient celles de pauvres, de citoyens moyens ou de citoyens relativement fortunés. Des écoles, des facultés, des bibliothèques ont été vandalisées. On a vu des bandits, dans l’espace d’une faculté, parader avec des toges, comme des esprits dérangés voulant fouler au pied tout ce qui représentait une quelconque valeur. C’est comme dans certains rituels sataniques où on récite à l’envers des prières, qu’on pisse ou on chie sur un crucifix.
Ce qu’on a vu dans ces quartiers n’est pas l’expression d’une quelconque velléité révolutionnaire. C’est l’expression d’une haine portée à son paroxysme nourrie d’une frustration alimentée depuis des décennies par un État pratiquant sans le dire un apartheid kokoratisé. Car, dans l’apartheid sud-africain, les quartiers noirs avaient quand même le minimum et étaient surtout quadrillés par un dispositif militaire. Et puis l’appareil politique était aux mains de gens qui savaient où était leur intérêt et qui, surtout, savaient gérer leur propre sécurité.
Chez nous, c’est la pulsion de tout réduire en cendres. Comme l’État a voulu pour eux la boue, les détritus – et c’est vrai- ils veulent que toute la République soit transformée en détritus. Mais, le drame pour ces milliers de jeunes recrutés par les gangs sur la base de leurs frustrations et de leur haine, ils ne sont que des marionnettes aux mains de fous qui rêvent de pouvoir et qui ont la piteuse outrecuidance de croire qu’ils peuvent reconstruire quelque chose. Et puis des affairistes sur le terrain et de la diaspora profitent de cette situation chaotique, main dans la main avec les dominicains trop heureux de déverser chez nous leurs produits de mauvaise qualité et d’empocher en même temps des millions pour leur trésor national. Le pire, les chefs des gangs se comportent comme ceux d’entre nous qui accèdent souvent par la fraude ou par la violence à la richesse. On en profite. On en jette plein la vue sur la canaille, c’est-à-dire les soldats à sapat qui risquent leur vie sur le pavé pendant que les chefs se la coulent douce.
Wòch nan dlo pral konn doulè wòch nan solèy ! Ce slogan satanique peut résumer le chaos et la folie actuelle. Les individus qui alimentent cette violence, que ce soit de l’intérieur ou de la diaspora, sont les cas les plus extrêmes de troubles mentaux que ce pays ait jamais connus, bien qu’il en ait connu plusieurs !
Peut-on se sortir de cette mélasse ou va-t-on encore cheminer longtemps dans cette boue ?
Gary Victor