Dix ans plus tard: 17 novembre 2015 -17 novembre 2025. Retour sur la belle aventure interrompue de ce que fut le principal centre d'attraction qui tentait de garder en vie les restes et vestiges de l'ancien centre-ville de la capitale Port-au-Prince, le Centre de Convention et de Documentation Antonio André (CCDAA).
Dans le prochain chapitre de l'histoire d'Haïti qui abordera les contours de la capitale délabrée, désacralisée et abandonnée, il faudra mentionner cet équipement multifonctionnel, parmi les nombreuses initiatives et les contributions de la banque centrale, dans une forme de résistance institutionnelle et de résilience urbaine.
Dans la fiche technique de ce complexe étalé sur une superficie de plus de 6000 mètres carrés, qui repose sur 360 pieux en acier, et construit selon les normes parasismiques et paracycloniques, pour reprendre les propos des responsables, on retient que ce local peut accueillir plus de 1500 personnes.
Dix ans plus tôt, le chef de l'État, Michel Martelly, accompagné du premier ministre Evans Paul, coupait le ruban, en présence des membres du conseil d'administration de l'époque, présidé par Charles Castel.
D'une pierre plusieurs coups, les principales fonctions du bâtiment CCDAA, ne se limitent pas au centre de convention, disposant des structures d'accueil modulables et d'autres équipements modernes, en passant par la sonorisation, et du centre de documentation qui assure la gestion et la conservation d'un plan important du patrimoine institutionnel.
Des bureaux accueillaient également, une partie du personnel administration de l'institution, en particulier des Ressources humaines. Impossible de pénétrer l'entrée principale du CCDAA, sans prendre le temps de saluer la mémoire des employés disparus lors du séisme du 12 janvier 2010, à travers l'imposante sculpture réalisée par l'ancien professeur de sculpture de l'Ecole nationale des Arts(ENARTS) feu Ludovic Booz.
Dans le voisinage de cette œuvre mémorielle, il était possible de profiter des produits et services de l'un des restaurants de qualité, qui fonctionnait au Centre-ville.
Des archives médiatiques consultées sur le CCDAA, entre 2015 et 2020, autant que certaines publications de bilan des activités publiqued des plus importantes institutions publiques, des collectivités territoriales, des entités locales et internationales mentionnent cet espace, devenue en peu de temps une référence dans plusieurs secteurs et milieux.
Difficile de ne pas rappeler également la présence occasionnelle ou conjoncturelle, de certains leaders populaires et membres des mouvements et organisations populaires qui profitaient de l'entrée ou de la sortie des officiels dans des rencontres au CCDAA pour faire passer certaines revendications ou pour nourrir des attentes immédiates.
Dans l'histoire politique du pays, au sommet de l'État, autant que dans l'évolution du secteur économique et financier, parallèlement avec les secteurs de l'éducation, les collectivités, la culture, et pratiquement dans les multiples formes de la société civile, elles sont nombreuses les images et les messages qui portent les empreintes ou l'héritage du CCDAA.
Des discours officiels et des décisions importantes, notamment des mesures prises par la BRH, dans le cadre de ses principales missions, des salles étaient toujours disponibles pour accueillir les opérateurs autant que la presse pour définir les grandes lignes du sujet, discuter des enjeux, et définir ensemble les responsabilités et les pistes de solutions durables.
Du nombre des initiatives réalisées, en termes d'actions à la fois salutaires et solidaires associées à la dynamisation du Centre-Ville, et á la mémoire de ce lieu, encore fonctionnel et sécurisé, mais inaccessible au grand public, on a pu comptabiliser plus d'une centaine d'activités partagées entre des rencontres de travail, des réunions, des commémorations, des célébrations, des présentations, des lancements, des assises, des formations, des cérémonies et d'autres contenus politiques, techniques, administratifs, économiques, financiers, culturels, entre autres.
Dans le rétroviseur sociographique, on peut voir les images et apprécier l'héritage du CCDAA, comme une tentative réussie mais solitaire, valorisant mais isolée qui a servi de prétexte pour reconquérir le centre-ville. Pour certaines personnes c'est peu comme investissement significatif, mais pour d'autres ce fut un pas ambitieux dans la bonne direction.
Dix ans plus tard, l'attraction au Centre-ville n'est plus, mais le CCDAA existe et résiste encore dans ce décor abandonné. Comment mesurer l'impact de cet équipement dans l'espace public et architectural du pays ? Comment la majorité des activités organisées dans les différentes salles de rencontre du CCDAA ont elles influencées réellement l'histoire politique, économique, culturelle et intellectuelle du pays ?
De la présentation des projets finalistes du concours pour la reconstruction du palais national le 7 janvier 2020, en passant par la tenue du forum national sur le pacte de gouvernabilité du mardi 22 janvier 2019, qui engageait le premier ministre Jean Henry Céant et le président Jovenel Moïse, l'organisation des assises de la coopération décentralisée franco-haïtienne du 4 au 6 décembre 2017, en dehors dizaines de cérémonies de remises de bourses d'études, des expositions d'artisanat et de produits locaux, le centre a pratiquement été au centre de la vitalité urbaine, et une aubaine pour le Centre-ville.
De la continuité dans la vision et la gouvernance du centre, depuis son inauguration par le gouverneur Charles Castel, succédé par le gouverneur Jean Baden Dubois, et suivi par l'actuel gouverneur l'économiste Ronald Gabriel, des observateurs avisés confient, et des voix autorisées confirment que toute la force de cet équipement réside avant tout, en dehors des investissements consentis et la continuité dans les actions, dans la politique de gestion mise en place par l'institution pour assurer une maintenance responsable et durable en permanence des lieux, par la mobilisation des ressources compétentes, expérimentées et engagées autour des valeurs du bien commun et du service á la population.
Dommage que la BRH n'avait pas pensé à la dégradation accélérée des violences urbaines des cinq dernières années, dans son voisinage immédiat, afin d'anticiper, jusqu'á ajouter des vitres blindées dans ce bâtiment moderne, en dépit qu'il soit une construction en béton armé. Face aux risques élevés pour certaines réparations, il est possible d'observer des traces de projectiles tant sur les murs, que des trous dans les vitres.
De la mémoire des victimes suite à la destruction des vies et des villes, à la construction de l'un des bâtiments symboliques, inscrits dans le renouveau architectural, dans la reconstruction de l'espace physique du pays, et dans la résistance sociale face au chaos urbain, le CCDAA, qui porte le nom du premier gouverneur de la Banque de la République d'Haïti, Antonio André. Un nom qui symbolise autant l'esprit institutionnel á travers le temps.
Demain, si rien n'est fait par les autorités du pays pour reprendre totalement le contrôle de cette zone stratégique dans la capitale haïtienne, on devra pratiquement se contenter des images et des souvenirs de cet espace témoin.
Dans les premières notes musicales de Wooly Saint-Louis Jean, qui accompagnaient l'ouverture symbolique des lieux, le 17 novembre 2015, le CCDAA allait prendre son envol malgré tout le poids du décor délabré tout autour.
Dix ans partagé entre deux segments. La fonction visible et publique durant la première moitié portée par le centre de convention, et la mission invisible, sacrée et permanente du centre de documentation qui continuer et conserver et de protéger la mémoire institutionnelle multidimensionnelle.
Dominique Domerçant
