Par Hancy PIERRE
le 24 décembre 1960, « par lettre du président A vie, le Dr François DUVALIER, il a été passé des instructions au parquet du Tribunal Civil de Port-au-Prince de transférer les mineurs se trouvant au Pénitencier National au Centre d’Accueil de l’Institut de Bien Être social et de Recherches (IBERS). 65 ans après , le discours dominant fait prévaloir le modèle d’internement sujet a des remises en question par les organismes internationaux.L’Etat haïtien a emboité le pas dans le même en sens au regard de ses engagements pris pour explorer des modèles d’accueil alternatif. Il a eu des expériences pilote en ce sens de l’IBERS à Petit Goave et d’autre institutions dont le SOS village d’Enfants qui promeut l’approche de renforcement familial. effet, les centres d’internement constituent un foyer qui prépare dans beaucoup de cas des jeunes à la violence. Bien souvent l’insertion est ratée et les jeunes, devenus suragés restent dépendants. En dehors du bien fondé du principe de l’intérêt supérieur de l’enfant dans des situations concrètes de prise en charge, les centres d’accueil devront être remis en question. Il est un fait que l’imaginaire haïtien est ancré dans la tradition des centres fermés apparentés aux prisons.
De nos jours, l’Etat haïtien se prête à récidiver dans l’expérience de centre d’accueil par sa décision de la généraliser dans le pays dont l’implantation de la première maison d’accueil récemment dans les Cayes (sud d’Haïti) pour être dupliquée par la suite. Ce qui tient lieu d’approche de prévention par rapport à la tendance à recruter des jeunes dans les gangs armés.
Le Centre d’Accueil est né d’une opération de façade du pouvoir d’alors vis-à-vis des organisations internationales dont l’UNICEF, qui par opportunisme, a donné l’impression de respecter les dispositions adoptées par cette organisation. C’est ainsi que 35 mineurs extraits du Pénitencier ont été internés le jour même de son inauguration.35 ans plus tard, en 1985, Monferrier DORVAL dans son mémoire de licence en Service social soutenu à la Faculté des Sciences Humaines de l’Université d’Etat d’Haïti amis en exergue des contrastes de l’expérience du Centre d’Accueil DUVAL DUVALIER alors. En effet, loin de recruter des délinquants, le Centre a hébergé des enfants plutôt concernés par des cas de vol, meurtre, larcin, vagabondage, incendie, viol .Des délinquants, ils ne sont au nombre de 7. Ce qui donne 15%. 5% des internés sont en danger moral.75% correspondent à des internés qui sont des non délinquants. Ce qui est généralement une dérive dans les projets qui donnent lieu à la pratique de clientélisme. Les bénéficiaires objectifs y sont souvent peu représentés.
Herve VOLCY (2004), actuel directeur de Défense Sociale à l’IBERS ne manquait pas l’occasion pour apprécier l’intervention dans le cadre du Centre d’Accueil de Carrefour comme un modèle assistanciel qui ne saurait garantir la réinsertion des jeunes dont la finalité est l’autonomie. De plus en plus , ce modèle d’internement présente ses limites et obstacles à l’insertion des jeunes en difficulté. Ce qui n’interpelle pas les autorités étatiques qui saurait s’installer dans un laxisme en ignorant les avancées dans la revue de littérature sur la prise en charge des enfants et des jeunes en difficultés qui remet en question le modèle d’internement , en dehors de la préservation du principe de l’intérêt supérieur de l’enfant. Alors Thony CHERILUS (2015) avait poursuivi l’objectif qui s’agit de déterminer les facteurs conditionnant le retour des enfants/des jeunes dans les rues après leur sortie du centre. En effet “les jeunes continuent à être en quête des avantages et des services percus disponibles dans les rues. Ce qui pousse à croire en l’impossibilité pour des institutions de faire face au défi de la présence croissante d’enfant dans les rues”.
Les centres publics ne sont pas les seuls mauvais gestionnaires tel que le perçoit la rhétorique du néolibéral , des recherches sur des centres privés dénotent aussi l’incapacité de garantir l’insertion et la pris en charge des enfants et des jeunes dans le cadre des maisons d’accueil qui soient le dada à l’heure actuelle des autorités étatiques haïtiennes.
65 ans après l’implantation du Centre d’Accueil de Carrefour nous sommes enclins a rééditer les mêmes échecs liés au modèle d’internement par manque de créativité et d’autonomie par rapport aux organismes internationaux qui souvent suggèrent des projets à l’Etat Haïtien. Il y a lieu à l’IBERS d’approprier ces projets en vue d’un renforcement institutionnel. Ce que nous attendons d’un projet de réinsertion des enfants de rue de Delmas et Pétion Ville en perpective.
Repères bibliographiques
-Monferrier DORVAL (1985), Le centre d’Accueil Duval Duvalier, situation, diagnostic et proposition. Faculté des Sciences Humaines, Université d’Etat d’Haïti, Port-au-Prince. Non publié.
-Hervé VOLCY (2004) Asssitance sociale au centre d’accueil de carrefour (une aproche de travail social) mémoire de licence en service social, Université d’Etat d’Haïti, Port-au-Prince .Non publié.
-Junior AMAZAN (2011) “ Vers une compréhension du phénomène des enfants de rue de la cité des Cayes”Mémoire de licence en Service social , Faculté des Sciences Humaines, Université d’Etat d’Haïti, Port-au-Prince. Non publié.
-Enel ANDRE , Etude de l’inadéquation de la prise en charge des enfants en difficultés dans les Maisons d’Enfants des Cayes : cas de deux Maisons d’Enfants (2012-2014), Mémoire de licence en Service social , Faculté des Sciences Humaines, Université d’Etat d’Haïti, Port-au-Prince .Non publié.
-Thony CHERILUS (2015), Quelques causes de l’échec de la réinsertion des enfants de rue ayant un certain temps de vécu dans les centres Lakay et Caritas Saint Antoine à Port-au-Prince .Mémoire de licence en Service social, Faculté des Sciences Humaines,Université d’Etat d’Haïti, Port-au-Prince.Non publié
-Hancy PIERRE (2015) “L’insertion sociale des jeunes enrôlés dans les institutions d’internement en Haïti: enjeux et perspectives” in Cahiers du CEPODE, Port-au-Prince, Presses Nationales pp179-206.
-Hancy PIERRE (3 septembre 2021) “ABCedaire de malathion d’une tranche d’histoire d’Haïti 1957-1986. La question de la protection de l’enfant durant le régime des Duvalier”. in Le Nouvelliste.
-Hancy PIERRE (10 décembre 2025) “ Les enfants embrigadés dans les gangs armés : entre discours politiques fascinants et trébuchement d’une Politique de protectionsociale ”, in Le National.
-Jean Almando FRANCOIS (2016) Mineurs, prise en charge et rééducation. Regards sur le processus de rééducation des mineurs délinquants pris en charge au niveau du Centre de Rééducation des Mineurs en Conflit avec la Loi de Delmas (CERMICOL) .Mémoire de licence, Faculté des Sciences Humaines, Université d’Etat d’Haïti, Port-au-Prince. Non publié.
