Il y a des rencontres qui nous marquent. Et puis il y a celles qui nous refondent entièrement, qui redessinent les contours de notre âme. Wilbert Eloi a été cette rencontre pour moi. Trente ans plus tard, je suis là, enseignant à mon tour, et chaque battement de mon cœur d'éducateur porte son empreinte.
Si je ferme les yeux, je peux encore le voir. Sa patience infinie. Ce sourire qui disait "Tu peux le faire" même quand j'étais certain du contraire. Cette voix douce mais ferme qui refusait de me laisser abandonner. Monsieur Eloi n'était pas simplement mon tuteur. Il était le premier adulte à me regarder vraiment, à voir au-delà du garçon que j'étais, à percevoir l'homme que je pourrais devenir.
Le jour où quelqu'un a cru en moi
J'étais un enfant ordinaire. Peut-être même moins que cela. J'avais des doutes, des peurs, ce sentiment sourd que le monde n'était pas fait pour des gens comme moi. Et puis il est arrivé.
Je me souviens de la première fois qu'il m'a dit : "Tu as quelque chose de spécial en toi." Je me souviens avoir ri nerveusement, avoir détourné le regard. Mais lui n'a pas détourné le sien. Il a continué à croire. Semaine après semaine, leçon après leçon, il a sculpté en moi une conviction que je ne possédais pas.
Ce n'étaient pas seulement les mathématiques ou le français qu'ils m'enseignait. C'était quelque chose de bien plus profond : la dignité. La valeur de l'effort. L'idée révolutionnaire qu'un enfant, n'importe quel enfant, mérite qu'on investisse en lui notre meilleur.
Quand j'avais mal aux yeux de lire, il rallumait la lampe. Quand ma main fatiguait d'écrire, il m'encourageait pour une ligne de plus. Quand mon esprit voulait abandonner, il trouvait les mots pour rallumer la flamme. Il ne m'a jamais laissé tomber. Jamais.
Les larmes que je retiens encore
Il y a des moments où je me retrouve devant ma propre classe, face à un élève découragé, et je sens ma gorge se serrer. Parce que je vois dans ses yeux la même peur que j'avais dans les miens. Le même doute. La même certitude silencieuse qu'il n'est pas assez.
Et c'est là que Monsieur Eloi revit. À travers moi. À travers mes mots. À travers ma main qui se pose doucement sur l'épaule d'un enfant qui veut fuir. "Essaie encore une fois," je lui dis, et c'est la voix de Monsieur Eloi qui résonne dans la pièce.
Pendant trente ans, j'ai essayé de rendre ce que j'ai reçu. Pas parce que c'était mon travail. Pas pour un salaire. Mais parce qu'un homme m'a sauvé, et que le seul moyen de l'honorer était de sauver d'autres enfants à mon tour.
Chaque élève que j'ai encouragé, c'était mon merci à Monsieur Eloi. Chaque succès d'un étudiant, c'était son triomphe autant que le mien. Car il ne m'a pas seulement formé comme élève. Il m'a formé comme être humain.
À vous qui l'avez connu
Si vous avez eu la bénédiction d'avoir Wilbert Eloi dans votre vie, même brièvement, vous savez de quoi je parle. Vous vous souvenez de cette façon qu'il avait de vous faire sentir important. Visible. Capable.
Je vous en supplie, du plus profond de mon cœur : ne laissez pas ces mots mourir dans votre poitrine. Dites-lui. Appelez-le. Écrivez-lui. Même un simple "Vous avez compté pour moi" peut illuminer le cœur d'un homme qui a donné sa vie pour éclairer les nôtres.
Ces héros de l'éducation marchent souvent dans l'ombre, ne sachant jamais vraiment l'ampleur de leur impact. Ils se demandent parfois si cela valait la peine. Si leurs sacrifices ont servi à quelque chose. Nous devons leur dire que oui. Mille fois oui.
Et si vous ne pouvez pas le faire, si les mots sont trop difficiles ou si la vie vous a éloignés, alors je le fais pour vous aujourd'hui. Pour nous tous qui devons notre parcours à cet homme extraordinaire.
Monsieur Eloi, au nom de tous vos élèves, de tous ceux dont vous avez changé le destin : MERCI. Vous avez marqué ce monde de votre empreinte lumineuse, et nous ne l'oublierons jamais.
Aux enfants qui cherchent leur chemin aujourd'hui
Mon cœur se brise et s'élève à la fois quand je pense à toi, jeune élève qui lis ces lignes. Toi qui te bats dans des conditions que personne ne devrait endurer. Toi qui étudies dans une lekól kraze, sur un banc bancal, avec des livres en lambeaux.
Écoute-moi bien, car je te parle avec toute la sincérité de mon âme : ton Wilbert Eloi existe.
Il ou elle est peut-être ce professeur qui te semble trop exigeant. Cette tutrice qui insiste pour que tu restes après les cours. Cet enseignant dont tu ne comprends pas encore pourquoi il croit tellement en toi.
Ne passe pas à côté de ce cadeau. Il y a trente ans, j'aurais pu ignorer Monsieur Eloi. J'aurais pu résister à ses encouragements, me détourner de sa foi en moi. Et ma vie aurait été tellement différente. Tellement plus petite.
Ouvre ton cœur. Laisse-les t'atteindre. Laisse-les te transformer. Parce que dans notre pays, où l'école est souvent le seul pont entre la pauvreté et l'espoir, ces éducateurs ne sont pas seulement des professeurs. Ce sont des gardiens de nos rêves collectifs.
Ils voient en toi ce que tu ne vois pas encore. Fais-leur confiance. Car un jour, tu regarderas en arrière et tu comprendras : ils ne t'enseignaient pas seulement des leçons. Ils te construisaient un avenir.
À mes frères et sœurs éducateurs
Je sais. Je sais comme c'est dur. Je connais le poids de la craie quand elle pèse aussi lourd que le découragement. Je connais la fatigue qui s'installe quand tu as tout donné et qu'il faut donner encore.
Je connais les nuits où tu te demandes si tu fais vraiment une différence. Les moments où tu regardes les murs écaillés de ta classe et tu te demandes comment tu peux inspirer dans un lieu qui respire le manque.
Mais laisse-moi te dire quelque chose que j'ai mis trente ans à vraiment comprendre : tu es un miracle en mouvement.
Chaque jour où tu te présentes malgré la fatigue, tu es un héros. Chaque fois que tu expliques une leçon encore une fois avec patience, tu plantes une graine d'espoir. Chaque regard encourageant que tu donnes à un enfant découragé, tu changes peut-être le cours d'une vie entière.
Tu es le Wilbert Eloi de quelqu'un. Peut-être que cet enfant timide au fond de la classe écrira, dans trente ans, un hommage à ton nom. Peut-être que cette fille qui a du mal avec les mathématiques deviendra ingénieure et se souviendra de ta patience. Peut-être que ce garçon rebelle trouvera sa voie grâce à ta persistance.
Tu ne le sauras peut-être jamais. C'est la nature cruelle et magnifique de notre vocation : nous plantons des arbres dont nous ne verrons jamais l'ombre. Mais ils pousseront. Oh, comme ils pousseront.
Ne renonce pas. Surtout pas maintenant. Surtout pas quand c'est difficile. Car c'est précisément dans ces moments que tu deviens inoubliable.
L'acrostiche d'une gratitude éternelle
*W - Vous m'avez ouvert les yeux sur un monde de savoir
*I- Influençant mon destin avec amour et dévotion
*L - L'enseignement est votre passion, votre flamme
*B - Bâtissant mon avenir avec une patience inspirante
*E - Éclaireur de mon esprit, vous avez allumé ma lumière
*R- Refuge de sagesse où j'ai trouvé mon chemin
*T- Témoignage vivant de votre dévouement sincère
*E - Éternel merci pour votre soutien indéfectible
*L - L'héritage que vous laissez est un trésor précieux
*O- Ouvrant les portes de l'avenir avec générosité
*I- Infiniment reconnaissant pour tout ce que vous êtes
Ce que je lui dirais aujourd'hui
Monsieur Eloi, si je pouvais vous voir une dernière fois, voici ce que je vous dirais, les larmes aux yeux et la voix tremblante :
Vous ne m'avez pas seulement appris à lire et à écrire. Vous m'avez appris à me tenir debout. Vous m'avez appris que ma vie avait de la valeur, que mes rêves n'étaient pas ridicules, que je méritais de prendre de la place dans ce monde.
Quand personne ne croyait en moi, vous avez cru. Quand j'étais prêt à abandonner, vous avez refusé de me lâcher la main. Quand le monde me disait que je n'étais pas assez, vous avez murmuré que j'étais plus que suffisant.
Pendant trente ans, j'ai porté votre flamme. Pas parfaitement. J'ai trébuché. J'ai douté. Mais je ne l'ai jamais laissée s'éteindre. Parce que vous me l'aviez confiée avec tant d'amour que la laisser mourir aurait été une trahison.
Vous avez fait de moi un éducateur. Mais plus que cela, vous avez fait de moi un homme qui croit que chaque enfant mérite qu'on se batte pour lui. Un homme qui refuse de laisser le découragement avoir le dernier mot. Un homme qui sait que l'éducation n'est pas un travail, c'est un sacerdoce.
Je ne serai jamais aussi bon que vous. Mais chaque jour, je me réveille et j'essaie. Pour vous. Pour mes élèves. Pour cet enfant que j'étais et que vous avez sauvé.
Merci, Monsieur Eloi. Merci d'avoir vu en moi ce que je ne voyais pas. Merci d'avoir planté un jardin dans mon âme. Merci d'avoir changé ma vie.
L'appel d'un cœur reconnaissant
J'ai eu mon Wilbert Eloi. Il a transformé ma vie de manière si profonde que même après trois décennies, je ressens encore sa présence dans chaque classe que j'enseigne.
Et je vous le dis avec toute la conviction de mon être : le vôtre existe aussi.
Peut-être est-il devant vous en ce moment, attendant que vous reconnaissiez son amour déguisé en rigueur, sa foi déguisée en exigence, son espoir déguisé en patience
Aux élèves: Laissez-vous transformer. Ouvrez votre cœur à ceux qui veulent vous élever. N'attendez pas trente ans pour comprendre que quelqu'un croyait en vous.
Aux éducateurs : Continuez. S'il vous plaît, continuez. Même quand c'est difficile. Surtout quand c'est difficile. Vous êtes en train de sauver des vies, même si vous ne le voyez pas encore.
Aux anciens élèves : Revenez. Remerciez. Dites à ceux qui vous ont porté qu'ils n'ont pas donné en vain. Ces mots peuvent les soutenir pour les années à venir.
Car dans un pays où l'éducation demeure notre dernier rempart contre le désespoir, chaque tuteur dévoué, chaque enseignant passionné est un gardien de l'avenir. Et chaque vie qu'ils touchent est une victoire de l'espoir sur la résignation.
Monsieur Eloi, où que vous soyez, sachez ceci :
Vous avez réussi.
Au-delà de toute mesure, au-delà de tout doute, vous avez réussi.
Votre vie a compté. Votre travail a porté ses fruits. Votre amour a multiplié.
À travers moi, vous avez touché des centaines d'autres vies.
À travers eux, vous en toucherez des milliers.
Votre héritage est éternel.
Je ne suis qu'un homme parmi tant d'autres que vous avez élevés.
Mais je voulais que vous sachiez, que le monde sache :
Vous avez changé ma vie.
**Vous avez fait de moi qui je suis.
Et je passerai le reste de mes jours à essayer d'être pour d'autres ce que vous avez été pour moi.
C'est cela, l'immortalité d'un grand éducateur.
C'est cela, Monsieur Eloi, votre victoire éternelle.
Merci. Du plus profond de mon âme.
Merci.
Professeur Pierre R Raymond New York, USa.
9 Novembre 2025
