De nombreux habitants se retrouvent dans l’impossibilité de rejoindre leurs villes de en province afin de voir leurs familles. Une tradition autrefois bien ancrée, celle de retrouver parents et grands-parents en milieu rural, tend à disparaître, étouffée par l’insécurité croissante qui gangrène le pays notamment les routes nationales qui sont désormais occupés par les groupes armés.
Depuis plusieurs années, les axes routiers menant vers les zones rurales sont sous la menace constante de groupes armés. Ces derniers implantent des postes de péage, un peu partout sur les axes routiers et rendent les déplacements périlleux, voire impossibles. Comme résultat, une grande partie de la population reste confinée à Port-au-Prince, incapable de se rendre dans les provinces pour célébrer les fêtes en famille.
Le voyage vers les régions devient un parcours semé d’embûches. Certains, malgré les risques et les tarifs exorbitants du transport terrestre, tentent l’aventure. D’autres, faute d’alternative, se tournent vers la mer pour atteindre leur destination. Les plus fortunés optent pour la voie aérienne, notamment vers le Cap-Haïtien ou les Cayes, malgré le coût prohibitif des billets.
Selon Jacques Desroche, syndicaliste, la situation s’est considérablement détériorée ces quatre dernières années. Il dénonce la prolifération de postes de péage illégaux sur les routes nationales, en particulier sur la RN1, bloquée par des gangs armés, et la RN3, menant à Mirebalais, devenue quasiment impraticable. La route nationale #2, quant à elle, est presque totalement inaccessible. Sur seulement la route nationale #3, pas moins de sept postes de péage sont implantés par les gangs armés.
« Je n’ai pas de mots pour décrire la détresse de la population civile », désole Jacques Desroche, qui se dit indigné face à la situation actuelle fait face le peuple haïtien. Il précise que les commerçants doivent débourser entre 7 500 à 15 000 gourdes pour acheminer leurs marchandises vers le Grand Sud. Les produits agricoles de première nécessité, cultivés en province, ne peuvent plus être transportés vers la capitale, aggravant une crise alimentaire déjà précaire.
Face à l’insécurité routière, l’option aérienne reste l’unique alternative pour certains. Mais elle demeure inaccessible pour la majorité, car un billet pour le Cap-haïtien coûte au minimum 700 dollars américains. « La fête, désormais, est réservée aux membres du Conseil présidentiel de transition (CPT), aux membres du gouvernement et aux élites économiques », déplore le syndicaliste Jacques Desroche.
Il dénonce également la complicité de l’État haïtien, qu’il accuse d’inaction face à la montée de l’insécurité. « La vie humaine est banalisée, la criminalité s’exerce en plein jour. La situation est bien plus précaire que les années précédentes », affirme-t-il.
Même constat du côté de Méhu Changeux, président de l’Association des propriétaires et chauffeurs haïtiens (APCH). Il estime que le secteur du transport est aujourd’hui totalement décapitalisé. « Chaque année, des milliers de citoyens se rendaient en province pour retrouver leurs proches. Cette tradition est en train de disparaître à cause de la violence armée », regrette-t-il.
Méhu Changeux pointe du doigt sur les autorités politiques, qu’il accuse de connivence avec les groupes armés. Il déplore l’absence de mesures concrètes pour garantir la libre circulation des citoyens et des marchandises. « Les commerçants doivent payer des frais exorbitants pour pouvoir passer dans certains poste de péage érigé par les gangs armés», ajoute-t-il.
Face à cette situation alarmante, les syndicalistes lancent un appel pressant à l’État haïtien. Ils jugent qu’il est urgent de rétablir la sécurité, l’ordre et la paix dans le pays afin que les habitants puissent circuler librement sur l’ensemble du territoire national.
Likenton Joseph
