Une douzaine d'États ont signé, à Belém, un texte inédit contre la prolifération de fausses informations amplifiées par les algorithmes. Pour les Nations Unies, la bataille contre la désinformation est devenue une condition essentielle du succès des négociations climatiques.
Alors que les négociateurs réunis à Belém, au Brésil, s’efforcent d’arracher des avancées à la 30ᵉ Conférence des Nations Unies sur le changement climatique (COP30), une autre menace plane sur leurs travaux : la désinformation climatique, devenue un obstacle majeur à la mobilisation mondiale.
Dès l’ouverture, lundi, le président Luiz Inácio Lula da Silva avait donné le ton, appelant à faire de la COP30 « une nouvelle défaite pour les négationnistes du climat ».
12 pays s’engagent pour l’intégrité de l’information
Mercredi, 12 États – dont la France, l’Allemagne, le Canada et le Brésil – ont signé la Déclaration sur l’intégrité de l’information en matière de changement climatique. Le texte appelle à lutter contre les contenus mensongers diffusés en ligne et à mettre fin aux attaques visant journalistes, scientifiques et chercheurs diffusant des données vérifiées.
L’annonce a été faite dans le cadre de l’Initiative mondiale pour l’intégrité de l’information sur le changement climatique, portée par le gouvernement brésilien, le département de la communication de l’ONU et UNESCO – l'agence onusienne chargé de promouvoir la science. João Brant, secrétaire brésilien aux politiques numériques, a salué une volonté commune de « créer une vague de vérité ».
La désinformation sapent la confiance dans le réel
Pour les Nations Unies, l’alerte est devenue centrale. Charlotte Scaddan, conseillère principale sur l’intégrité de l’information, décrit un environnement informationnel profondément fragilisé : « La désinformation, le harcèlement des voix expertes, les bulles d’écho polarisantes et l’effondrement du journalisme indépendant sapent la confiance dans ce qui est réel. Dans le même temps, des intérêts puissants instrumentalisent le changement climatique pour freiner et saboter l’action ».
Elle rappelle que la désinformation ne se limite plus au déni : « Elle sape l’action climatique en attaquant les chercheurs et les journalistes, en remettant en cause le consensus scientifique et en créant de faux récits autour des solutions ».
Elle décrit également un phénomène de « blanchiment informationnel » : « de fausses affirmations recyclées sur plusieurs plateformes pour paraître crédibles ».
L’Initiative mondiale repose sur trois piliers – financement de la recherche, production de preuves et intégration du sujet dans les processus de la COP. Pour la première fois, l’intégrité de l’information intègre l’agenda d’action de la conférence.
« Nous ne pouvons pas atteindre l’action climatique ni un avenir vivable sans intégrité de l’information », affirme Mme Scaddan, pour qui « les mois à venir détermineront si nous sommes capables de préserver l’environnement informationnel indispensable à la décision démocratique et à la coopération mondiale ».
Une menace pour les négociations
« La désinformation, portée par des visions obscurantistes, alimente l’extrémisme politique et met des vies en danger », a prévenu Frederico Assis, envoyé spécial de la COP30 pour l’intégrité de l’information. Selon lui, elle pourrait « affecter et compromettre tous les volets du processus de la COP – qu’il s’agisse des négociations diplomatiques, du programme d’action ou des mobilisations ».
Il s’inquiète notamment des algorithmes qui amplifient les contenus « complotistes et manipulateurs », diffusés à l’aide de « tactiques sophistiquées ». Sa mission : maintenir la question au cœur du débat public et mobiliser responsables politiques, religieux et sociaux, mais aussi médias et société civile.
Décrypter les mécanismes de la désinformation
Pour la première fois, la question de l’intégrité de l’information figure à l’ordre du jour officiel d’une COP. Guilherme Canela, directeur à l’UNESCO pour l’inclusion et la transformation numériques, y voit une étape majeure.
« Nous savons encore très peu de choses sur ce qui se cache derrière ce phénomène », explique-t-il. « Qui finance ces publications ? Pourquoi se propagent-elles plus vite que d’autres ? Si nous ne comprenons pas ces mécanismes, il est très difficile de concevoir des stratégies efficaces ».
Le Fonds mondial pour l’intégrité de l’information sur le changement climatique, créé dans le cadre de l’initiative, a déjà reçu 447 propositions provenant d’une centaine de pays. Doté d’un financement initial d’un million de dollars versé par le Brésil, il soutient une première série de projets – dont près des deux tiers dans les pays en développement.
Pour M. Canela, il est « très encourageant de voir le sujet adopté avec autant de force à la COP30 ».
« Les récits changent de visage »
Sur les réseaux sociaux, la bataille est quotidienne. Maria Clara Moraes, militante numérique et partenaire de l'initiative onusienne Verified de lutte contre la désinformation , cofondatrice de la plateforme Marias Verdes suivie par plus de 500 000 personnes sur TikTok, décrit une désinformation « hautement organisée » et « soutenue par des forces puissantes, notamment l’industrie des combustibles fossiles ».
Les arguments, dit-elle, se renouvellent sans cesse. « Il existe plusieurs formes de désinformation. L’une des plus insidieuses consiste à affirmer qu’il est trop tard – qu’on ne peut plus rien faire, ou que des événements comme la COP30 ne servent à rien. [...] Nous devons sans cesse réaffirmer la valeur du multilatéralisme et l’importance d’espaces comme celui-ci ».
L’espoir porté par la jeunesse
En produisant du contenu sur la durabilité et les données scientifiques, Maria Clara observe une prise de conscience croissante de l’urgence climatique. « Les jeunes générations représentent une immense source d’espoir et d’optimisme », estime-t-elle.
Elle plaide pour des « micro-révolutions » : ces gestes du quotidien qui, multipliés, peuvent amorcer les grandes transformations nécessaires à la transition écologique.
