La Coalition des Regroupements Politiques pour l'Avancement de la Démocratie, Partis Émergents et Alliés (COREPAD/PEA) a procédé, ce jeudi 13 novembre 2025, au lancement officiel du Secteur Privé des Affaires Populaire (SPAP), une nouvelle structure citoyenne qui ambitionne de remodeler le paysage économique haïtien. Cette initiative, présentée comme un outil d’encadrement, de valorisation et de mobilisation des communautés, vise à promouvoir un secteur privé inclusif et solidaire, en rupture avec les modèles économiques traditionnels.
Le SPAP est né dans la continuité des Assises Nationales du 27 juin 2025, organisées par la COREPAD/PEA. Composé d’un comité exécutif responsable du suivi de ces recommandations, il se positionne comme un espace d’action et de plaidoyer pour les acteurs économiques issus des catégories populaires, souvent écartés ou ignorés dans les politiques publiques.
Dans son discours, la présidente de la structure, Marie Chantale Duméra, a insisté sur la portée symbolique et politique de ce lancement, qu’elle qualifie de renaissance du secteur privé des affaires. Cette initiative, dit-elle, vise avant tout à redonner aux Haïtiens le droit de rêver, de produire et de prospérer dans la dignité.
Mme Duméra rappelle qu’Haïti assiste depuis les années 1990 à une lente mais profonde disparition de la classe moyenne, pourtant considérée comme la colonne vertébrale de l’économie nationale. Pour elle, la création du SPAP répond à une nécessité historique : reconstruire cet espace social essentiel, devenu quasi inexistant dans un pays où les inégalités sont criantes. Selon les chiffres avancés, 5 % de la population détiendraient plus de 95 % des richesses nationales, une situation qu’elle qualifie d’injustice sociale enracinée depuis plus de deux siècles.
« Nous refusons désormais une société divisée, avec d’un côté une minorité privilégiée et de l’autre une majorité oubliée », a-t-elle martelé, dénonçant un écart devenu « trop grand, trop injuste, trop inhumain ».
Pour la présidente du SPAP, cette nouvelle structure se veut un pont entre les catégories sociales, un espace capable de reconnecter les acteurs économiques les plus modestes aux circuits de production, de financement et d’opportunités. Elle défend l’idée d’une transformation en profondeur du secteur privé, afin qu’il soit réellement accessible aux petits commerçants, aux artisans, aux travailleurs informels et aux micro-entrepreneurs, qu’elle désigne comme les bâtisseurs silencieux du pays.
Le SPAP se donne pour mission un plaidoyer pour la réorganisation de l’économie nationale : facilitation d’accès aux crédits, accompagnement des petites et moyennes entreprises, garantie des investissements locaux, valorisation de la production nationale et inclusion des travailleurs populaires dans la dynamique économique du pays.
Les valeurs fondamentales de la structure reposent sur la justice sociale, la solidarité communautaire, l’autonomie économique et le respect du travail populaire. Dans sa stratégie d’action, le SPAP prévoit plusieurs initiatives clés : appui et formation aux micro-entrepreneurs et commerçants, création d’un fonds solidaire, renforcement des coopératives économiques, plaidoyer auprès des autorités publiques et mise en avant de la production locale.
Mme Duméra estime qu’il est temps de cesser d’ignorer ou de marginaliser la classe moyenne, et de lui rendre sa dignité, sa place et ses droits. Elle insiste également sur la nécessité de réformer des institutions comme les douanes, qui, selon elle, doivent servir équitablement tous les acteurs économiques et non uniquement ceux qui détiennent du pouvoir. « Nous voulons une justice économique et une répartition équitable des opportunités pour la classe moyenne qui participe au développement réel du pays », a-t-elle ajouté.
Elle souligne aussi que le SPAP n’est pas seulement un mouvement économique, mais une révolution de conscience, un réveil de la fierté populaire, un instrument pour la justice sociale fondé sur le dialogue, la solidarité et l’engagement collectif, loin de toute division ou confusion.
De son côté, le vice-président de la COREPAD/PEA a expliqué que la mise en place du SPAP découle d’un constat établi depuis la création du collectif : la nécessité urgente d’un changement de paradigme en Haïti. Selon lui, la politique ne doit plus être un simple moyen d’accéder au pouvoir, mais un outil d’accompagnement, de transformation sociale et de développement humain.
Ce dernier affirme que l’État doit jouer un rôle clé pour permettre l’émergence d’un secteur privé populaire au service de tous. Il juge cette transformation essentielle pour relancer l’économie nationale, renforcer la classe moyenne et offrir de nouvelles perspectives aux citoyens.
À travers le SPAP, la COREPAD/PEA espère bâtir un modèle économique plus équitable et plus solidaire, capable de donner à la population haïtienne les outils nécessaires pour reprendre en main son avenir et participer pleinement au développement national.
Yasmine Sanon
