Dès 17 heures, le vendredi 3 octobre 2025, un mouvement subtil mais élégant anime le triangle Courcelles–Wagram–Monceau. Des silhouettes bien habillées, portées par une même énergie, convergent discrètement vers une adresse prestigieuse : l’Ambassade de la République d’Haïti en France. Le rendez-vous est donné pour une cérémonie d’accueil en l’honneur des étudiants haïtiens fraîchement arrivés sur le territoire français.
L’ambiance, feutrée et solennelle, contraste avec l’effervescence de la rentrée universitaire. Pourtant, au cœur de ce lieu chargé de symboles, tout est pensé pour placer les nouveaux venus sous les meilleurs auspices.
À partir de 18 heures, les arrivées s’accélèrent. Costumes sobres, robes élégantes, regards à la fois fiers et intimidés : les jeunes franchissent les portes de l’ambassade, accueillis par un protocole millimétré. Le grand salon se remplit peu à peu, prenant l’allure d’un carrefour entre mémoire et ambition. Diplomates, représentants d’associations et personnalités de la diaspora observent, échangent, sourient. Le professeur Jean Marie Théodat, ému, tombe dans les bras de l’un de ses anciens étudiants qu’il avait dirigé à l’Université de Limonade en Haïti.
Ce soir-là, l’ambassade entend, en honorant ces étudiants, célébrer l’intelligence, l’effort et l’espérance d’une génération appelée à écrire de nouvelles pages de l’histoire commune entre les deux pays, liés par la nécessité de résoudre leurs contentieux historiques dans un esprit de dialogue et de paix. En toile de fond, les drapeaux français et haïtiens se dressent côte à côte, comme pour immortaliser l’instant — seul manque le drapeau européen, pourtant intégré au protocole diplomatique en France. Cette cérémonie initiée par le nouveau chef de mission vise à reconnaître la place essentielle des jeunes dans le renouveau des relations entre Haïti et la France. Chaque étudiant y appose symboliquement son nom dans un registre, signe d’appartenance et d’engagement.
« L’avenir passe par vous ! »
Comme le veut le protocole, l’ambassadeur Louino Volcy ouvre la cérémonie. Dans son discours, il souligne la responsabilité et l’espoir que représente cette nouvelle génération d’étudiants, rappelant qu’ils peuvent compter sur le soutien des institutions diplomatiques et consulaires haïtiennes présentes en France.
Récemment accrédité auprès du président Emmanuel Macron, l’ambassadeur multiplie les échanges avec la communauté haïtienne afin de renforcer le lien entre diplomatie et jeunesse. Son message est clair : « L’avenir d’Haïti passe par vous. »
L’ambassadeur a voulu rassurer les nouveaux étudiants haïtiens : malgré les 7 300 kilomètres qui séparent Haïti de la France, ils ne sont pas seuls. Il a rappelé que l’Ambassade, le Consulat général et la Délégation permanente auprès de l’UNESCO travaillent main dans la main pour les accompagner dans leurs démarches et répondre à leurs besoins.
La deuxième intervenante, Madame Lilas Desquiton, ambassadrice et déléguée permanente d’Haïti auprès de l’UNESCO, a présenté le rôle de cette institution comme un espace où l’éducation, la science et la culture unissent les peuples. Elle a encouragé les étudiants à voir l’UNESCO comme un tremplin pour leurs ambitions, rappelant que la Délégation d’Haïti y offre des stages, appuis logistiques et opportunités de formation en diplomatie et en culture.
Elle a souligné que les jeunes sont une priorité pour l’Organisation, qui les accompagne dans la lutte contre les inégalités et la promotion du développement durable à travers divers programmes et forums internationaux. Dans la seconde partie de son intervention, l’ambassadrice a rappelé l’existence de structures organisées de la diaspora haïtienne en France, notamment le FLECH et l’AMEF, des associations étudiantes qui accompagnent les nouveaux arrivants dans leur adaptation et leur réussite universitaire.
Monsieur Jean Jocelyn Petit, à la tête du Consulat, prend la parole avec gravité pour rappeler le rôle essentiel de cette institution, première représentation d’Haïti en Europe en matière communautaire. Il compare le Consulat à une maison-mère chargée de protéger ses enfants éparpillés loin de leur terre natale. Mais cette maison, souligne-t-il, souffre de fissures profondes : des difficultés bien connues, héritées en grande partie de l’état général du pays lui-même.
Pour lui, il ne s’agit pas seulement de réparer quelques murs, mais de lancer une véritable reconstruction : « Il faut remettre le Consulat sur ses deux pieds », insiste-t-il, « comme on relève un arbre déraciné pour qu’il reprenne vigueur. »
Tant que l’institution chancelle, la communauté haïtienne en France ne peut recevoir les services dont elle a vitalement besoin : papiers, accompagnement, assistance. Dans ses mots résonnait l’idée d’une réforme profonde, comparable à une cure de jouvence nécessaire pour transformer le Consulat en un phare stable, capable d’éclairer et de guider les pas de la diaspora.
L’information une boussole précieuse
Les associations étudiantes, véritables sentinelles du quotidien et artisanes du bien-être de nos compatriotes, étaient également présentes et prirent la parole. Elles ont livré des conseils aux nouveaux arrivants, rappelant combien l’information demeure une boussole précieuse pour éviter les chausse-trappes qui guettent ceux qui découvrent un nouvel univers académique et social.
À ce titre, les deux associations phares de la communauté — le FLECH (Forum des Leaders pour l’Encadrement des Compatriotes Haïtiens) et l’AMEF (Amicale des Étudiants Haïtiens en France) — ont pris la parole par la voix de leurs porte-paroles respectifs. Leurs messages, à la fois pratiques et inspirants, résonnaient comme des phares dans la nuit, éclairant le chemin des primo-arrivants : comment naviguer entre les formalités administratives, anticiper les exigences universitaires, tisser un réseau solide et s’intégrer sans perdre de vue ses racines.
En tout, plus d’une quarantaine d’étudiants avaient fait le déplacement. Ce n’était pas une première, mais cette rencontre avait un parfum particulier : celui d’une communauté soudée, où chaque ancien tend la main au nouveau, comme on passe le témoin dans une course de relais, assurant ainsi la continuité d’un destin collectif.
Sous la bannière de ces trois missions diplomatiques, se dessine une continuité de l’État, gage de confiance et d’avenir. Tant mieux : dans un monde où les repères se brouillent, voir les représentants d’Haïti parler d’une seule voix et tendre une main ferme à leur jeunesse est déjà une victoire — et peut-être le signe d’un nouvel élan collectif.
Maguet Delva