Comme le veut la tradition, le 1er octobre marque l’ouverture officielle de l’année fiscale en Haïti. À la veille de cette échéance, soit le mardi 30 septembre, le gouvernement haïtien, sous la direction du Premier ministre Alix D. Fils-Aimé, a tenu un Conseil de Gouvernement consacré à l’examen du projet de loi de finances pour l’exercice 2025-2026.
Dans un communiqué publié par la Primature, l’exécutif affirme avoir présenté les grandes orientations budgétaires, lesquelles s’inscrivent, selon ses propos, dans le respect des priorités nationales, des principes de bonne gouvernance et des engagements de l’État en faveur du développement durable et de la justice sociale.
Cette séance s’est déroulée dans un contexte particulièrement difficile, marqué par une insécurité persistante, une fragilité institutionnelle croissante et une contraction notable de l’activité économique. La lettre de cadrage budgétaire 2025–2026, émise par le ministère de l’Économie et des Finances, deux priorités jugées incontournables: le rétablissement progressif de la sécurité publique et l’organisation d’élections pour le renouvellement du personnel politique.
Ces objectifs sont présentés comme les piliers de la transition en cours, conditionnant la stabilité durable du pays.
La lettre de cadrage insiste également sur la nécessité de consolider les actions du budget rectificatif 2024–2025, tout en corrigeant les faiblesses structurelles, notamment le faible taux d’exécution du budget d’investissement. Des mesures d’accompagnement sont envisagées pour renforcer la planification, le suivi et la mise en œuvre des projets publics.
Le projet de budget 2025-2026 devra également s’aligner sur les priorités stratégiques définies dans l’accord du 3 avril 2024, notamment la sécurité publique, les réformes constitutionnelles et l’organisation des élections. Ces chantiers sont jugés essentiels pour la réorganisation de la société, le redressement économique et la sécurité alimentaire entres autres.
Selon les données disponibles au 30 juin 2025, le taux global d’exécution des dépenses publiques reste faible, à seulement 54,3 %. Le budget d’investissement affiche un taux d’exécution particulièrement bas de 36 %, bien en deçà des attentes. Sur une enveloppe de 36 milliards de gourdes prévue par le Trésor public, seulement 7 milliards ont été mobilisés, soit un taux d’exécution de 18,7 %. L’analyse sectorielle révèle que cette faiblesse touche l’ensemble des ministères et institutions décentralisées, illustrant des contraintes budgétaires structurelles persistantes.
Sur le plan commercial, les déséquilibres se creusent. Les importations ont augmenté de 14 % entre 2024 et 2025, tandis que les exportations stagnent. Le déficit commercial devrait atteindre 4,2 milliards de dollars américains cette année, principalement en raison de la hausse des achats de produits alimentaires, de carburants et de matériaux de construction.
La gourde haïtienne poursuit sa dépréciation face au dollar américain. La Banque de la République d’Haïti (BRH) a tenté de stabiliser le taux de change par l’injection de devises étrangères et le relèvement des taux d’intérêt directeurs. Toutefois, ces mesures n’ont pas permis de contenir l’inflation, qui demeure élevée en raison des contraintes du côté de l’offre et de l’insécurité généralisée.
Le cadrage macroéconomique du budget 2025-2026 repose sur des prévisions prudentes comme une croissance réelle du PIB estimée à +0,3 %, une inflation de fin de période projetée à 23,4 %, une pression fiscale stabilisée à 4,4 %, avec un objectif de retour à 5 % dès l’exercice 2026-2027.
L’avis de l’économiste Kesner Pharel
Interrogé sur le projet de loi de finances, l’économiste Kesner Pharel souligne que le budget rectificatif 2025-2026 n’a pas encore été publié, rendant toute analyse approfondie prématurée. Ce document n’a pas encore rendu public par le gouvernement malgré cela était prévue pour ce 1er octobre.
Selon l’economiste, la fiscalité constitue un pilier fondamental du budget de la République, permettant à l’État de collecter des recettes auprès de la population pour financer ses dépenses annuelles. Il rappelle que l’exercice fiscal s’étend du 1er octobre au 30 septembre, et que les priorités du gouvernement doivent s’inscrire dans ce cadre temporel.
Kesner Pharel note également que la lettre de cadrage met l’accent sur les crises sociales, notamment la situation des déplacés internes, la sécurité, et le financement des forces de l’ordre. Il estime qu’il ne faut pas s’attendre à de grands bouleversements par rapport au budget précédent, qui avait déjà montré des faiblesses notables. En effet, selon lui, une part importante des ressources avait été allouée au fonctionnement de l’État, tandis que seulement 24 % des projets d’investissement avaient été exécutés.
À l’heure de la rédaction de cet article, le budget rectificatif 2025-2026 n’a toujours pas été rendu public, malgré les annonces du gouvernement. Une publication rapide de ce document serait essentielle pour permettre une lecture critique et éclairée des choix budgétaires à venir.
Likenton Joseph