Dans une correspondance datée du 19 août 2025, le Centre d’analyse et de recherche en droits de l’homme (CARDH) a exhorté l’État haïtien à assumer ses responsabilités, à la suite des révélations du PDG de Black Water affirmant la signature d’un contrat de dix ans avec l'état Haïtien. Cet accord viserait à lutter contre les gangs armés et à mettre en place un système de collecte des taxes au niveau de la frontière haïtiano-dominicaine. Pour le CARDH, un tel contrat devrait comporter des clauses limitatives et se réaliser dans le strict respect des droits et de la dignité du peuple haïtien.
Dirigée par Me Gédéon Jean, l’institution de défense des droits humains estime que le recours à Black Water ne saurait constituer une solution durable à la crise sécuritaire que traverse le pays depuis plusieurs années. Cette démarche traduit plutôt la faiblesse de la Police nationale d’Haïti, dépourvue de moyens logistiques suffisants, ainsi que la présence très limitée de la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS). « Trois décennies après la démobilisation des Forces armées, Haïti dispose d’une police nationale aux moyens réduits, appuyée par une force multinationale restreinte, incapable de remplir pleinement sa mission », souligne le CARDH.
Dans cette perspective, le CARDH précise que le recours à une firme telle que «Vectus Global» n’est pas en soi une mauvaise initiative. Toutefois, une bonne coordination devrait être assurée entre cette entreprise, l’État et la force multinationale déjà déployée en Haïti depuis plus d'une année. Il est impératif, selon l’organisation, d’élaborer un plan de sécurité global basé sur des objectifs stratégiques, tactiques et sur le renforcement de la lutte contre l’insécurité. Dans le cas contraire, les ressources financières de l’État risquent d’être gaspillées, sans qu’une solution durable ne soit apportée.
Néanmoins, le CARDH insiste également sur l’intégration, dans les clauses du contrat, de dispositions garantissant la protection des droits humains lors des interventions de “Vectus Global”. Me Gédéon Jean plaide pour l’établissement de mécanismes de contrôle et de supervision, ainsi que pour le respect strict des procédures légales.
S’agissant du contrôle frontalier, le CARDH rappelle que, si un dispositif rigoureux doit être mis en place, il revient exclusivement à l’État haïtien, par le biais des Forces armées d’Haïti (FAD’H), de gérer ses frontières. « Tout engagement lié à la collecte des taxes pour l’État doit respecter les normes de transparence et de gouvernance démocratique », a insisté l’institution, soulignant que cette démarche ne saurait se faire en marge de la Constitution. Tout projet de contrat, d’accord ou de convention doit, selon elle, être soumis à l’avis de la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif (CSCCA).
Dans le contexte difficile actuel, le CARDH estime que si le Conseil présidentiel de transition (CPT) juge nécessaire de recourir à une entité pour lutter contre la violence des gangs et améliorer la collecte des recettes publiques, cette démarche doit viser à renforcer la Douane et les autres institutions compétentes. Elle doit également s’accompagner de moyens matériels et de compétences permettant une réelle efficacité opérationnelle.
Enfin, le CARDH appelle à protéger les ressources naturelles du pays dans une logique de développement durable, à privilégier la coordination entre les forces de l’ordre et la MMAS, et à exiger une évaluation technique et scientifique préalable avant l’entrée en fonction de toute firme étrangère. Car, conclut l’organisation, c’est l’avenir de tout un peuple qui est en jeu.
Oberde Charles