Une année après les attaques des malfrats contre le quartier de Carrefour-Feuilles, des milliers de personnes en fuite, se trouvant dans une situation très difficile, n'ont cessé de demander aux autorités de l'État de les prendre en charge. Ces personnes vulnérables ont partagé leurs péripéties durant ces 12 mois, période pendant laquelle elles n'ont rien reçu de la part d'aucune instance étatique.
En effet, le 13 août 2023, des hommes lourdement armés ont pénétré plusieurs quartiers de Carrefour-Feuilles, notamment Do Savann, Savane Pistache, l'impasse Eddy, et Decayette, causant de nombreux dégâts. Sur leur passage, les criminels ont vandalisé et incendié des centaines de maisons, ce qui a conduit à un déplacement massif de la population vers des endroits relativement calmes tels que des établissements scolaires publics, le Gymnasium Vincent, le Rex Théâtre, et bien d'autres lieux aux alentours du Champs de Mars.
Peu de temps après, les gangsters ont progressé jusqu'à la place Jérémie, où des centaines de personnes fuyant Carrefour-Feuilles ont été provisoirement hébergées dans les locaux de l'École Nationale République du Paraguay. Après cette exaction, les déplacés ont dû se rendre dans les espaces de l'École Nationale République du Brésil ainsi que dans le Lycée Jean-Jacques Dessalines, également attaqué par les malfrats en moins de trois mois.
Pour échapper aux griffes des criminels, des centaines d'habitants de Carrefour-Feuilles ont été provisoirement hébergés au local de l'École Nationale République du Chili, à l'avenue Magloire Ambroise, au Lycée Fritz Pierre-Louis à la rue Saint-Honoré, à l'École Nationale Caroline Chauveau, et au Rex Théâtre à la rue Capois. Ils ont également trouvé refuge dans les locaux du Lycée du Cent-Cinquantenaire et de Marie-Jeanne à l'avenue Jean-Paul II.
Quelques mois plus tard, soit en mars 2024, à la suite des attaques répétées des gangs de la coalition dénommée «Viv Ansanm», des milliers de déplacés ont quitté l'avenue Magloire Ambroise et la rue Saint-Honoré pour se réfugier au Lycée Anténor Firmin à l'avenue Charles Sumner, dans les locaux du ministère de la Communication, à l'École Nationale Colbert Lochard, dans le bâtiment flambant neuf du Lycée Marie-Jeanne, à la Faculté de Linguistique Appliquée (FLA) à Bois-Verna, avant de se réfugier dans les locaux du Bien-Être Social et de Recherches, d'où des agents de police les ont brutalement repoussés.
Cependant, d'un espace à un autre, les dirigeants, que ce soit sous le gouvernement du Dr Ariel Henry ou celui du Dr Garry Conille, sont restés muets. Privés de différents droits primaires, les déplacés sont confrontés à d'énormes difficultés : pas d'eau potable, satisfaction des besoins fondamentaux presque impossible, livrés aux caprices de la nature, ces victimes n'ont fait que garder l'espoir que les autorités étatiques vont les prendre en charge afin de leur permettre de rentrer chez eux ou, du moins, de leur donner les moyens de louer un logement pour quitter les espaces où ils vivent de façon indécente.
Par ailleurs, après une année à espérer l'intervention de l'État, ce 13 août 2024, des personnes hébergées dans les locaux du Lycée du Cent-Cinquantenaire (LCC) ont sévèrement critiqué les responsables, les accusant de les avoir méprisés durant cette période. Plusieurs d'entre eux nous ont confié qu'ils se sentent oubliés, qu'ils dorment mal, qu'ils s'entraident pour trouver de quoi se nourrir, et que leurs enfants sont incapables d'aller à l'école. Leur seul souhait est de quitter cet espace qu'ils considèrent comme un lieu infernal.
Une jeune femme a profité de l'occasion pour nous montrer une salle où s'entassent plus d'une vingtaine de personnes, soit six familles. Dans cette classe, on peut voir les bancs qui servent de lit pour la majorité d'entre eux, ainsi que quelques couvertures qu'ils utilisent pour fabriquer des couchages pour leurs enfants, âgés de 5 à 10 ans. Plus loin, elle a mentionné que l'eau utilisée leur provoque souvent des démangeaisons et autres anomalies corporelles.
Lors des épisodes de pluie, ils sont obligés de rester debout puisque la salle est souvent inondée, et ils utilisent des morceaux de tissu pour sécher le sol afin de pouvoir dormir un peu malgré les conditions lamentables. Après une année de souffrance et de misère, les déplacés, qui sont des milliers, ne cessent de lancer des SOS envers les instances concernées pour qu'elles prennent en considération leur cas.
Véron Arnault