Alexandre Pétion, 205 années après sa mort

Hier 29 mars 2023 ramenait le 205e anniversaire de la mort d’Alexandre Pétion qui est l’un des héros de l’Indépendance d’Haïti. Un homme qui avait d’abord embrassé une carrière militaire et qui fut président de la République entre mars 1807 et mars 1818, soit une durée de 11 années. Il ne serait pas de bon ton de laisser passer sous silence cette date sans rendre hommage à cet homme qui a fortement marqué l’histoire de notre pays. Il s’agit dans cet article de souligner les étapes de sa vie et de sa double carrière militaire et politique.

La vie d’Alexandre Pétion

Né le 2 avril 1770 à Port-au-Prince, Alexandre Pétion était le fils d’un colon blanc du nom de Pascal Sabès et d’une affranchie noire, d’où le nom de Alexandre Sabès Pétion sous lequel certains auteurs le présentent. Il n’avait pas porté le patronyme de son père qui n’avait pas admis que son fils portât son nom en raison de son origine maternelle.

Le nom auquel nous sommes habitués serait issu, selon une légende, du fait que le futur président avait décidé de l’adopter après que le surnom Pétion lui eut été collé par une femme du cercle de son père qui, le prenant en affection, avait pris l’habitude de l’appeler « mon petit », ce qui, dans un fort accent méridional, sonnait «mon p’chio».

Pétion était considéré comme un homme de bon caractère, voire débonnaire. À preuve, il avait effectué pendant sa présidence des distributions de terres aux sous-officiers et soldats de l’armée de l’Indépendance qui lui avaient voué en conséquence une reconnaissance infinie. On a évoqué aussi son « indulgence excessive envers une coterie d’intrigants, les uns plus influents que les autres, et sa concubine, Madame Joute Lachenais, dont les infidélités étaient connues de tous ». À sa mort, il fut pleuré par une foule immense. Chose rarissime dans l’histoire de ce pays.

Le jeune Alexandre était devenu toutefois le protégé de son père par l’intermédiaire d’amis qui avaient assuré son éducation et l’avaient aidé à acquérir une formation professionnelle grâce à laquelle il était devenu « argentier », le nom qu’on donnait sous l’ancien Régime à une personne chargée des finances d’un seigneur ou d’un prince en France.

La carrière militaire d’Alexandre Pétion

Très tôt, Alexandre Pétion avait manifesté son intérêt aux arts militaires, ayant grandi près d’une garnison. À l’âge de 18 ans, il s’était enrôlé dans la milice et avait pris une part active en 1791, à l’âge de 21 ans, dans la révolte des affranchis contre les colons blancs où il s’était distingué « par son courage, sa bravoure et son sens d’humanité ». En plusieurs occasions, il n’avait pas hésité à s’opposer à ses frères d’armes pour protéger un prisonnier colon ».

Durant la guerre civile de 1799-1800, qui avait mis aux prises André Rigaud à Toussaint Louverture, dite Guerre du Sud ou Guerre des couteaux, il avait pris parti pour le général mulâtre, assumant le commandement de Jacmel qu’il défendit avec audace jusqu’à ce que la ville tombât sous les assauts répétés des troupes commandées alors par Jean-Jacques Dessalines. Après cette défaite des mulâtres dont 10 000 furent massacrés, Pétion avait dû s’exiler en France pour avoir la vie sauve.

 

Il était revenu dans la colonie lorsque Napoléon Bonaparte avait pris la décision de l’envoyer à Saint-Domingue dans le cadre d’une force expéditionnaire qui était placée sous le commandement de son beau-frère Leclerc qui lui avait assigné le commandement d’une garnison au Haut du Cap.

 

Mais, il avait viré sa cuti quand il avait compris que le vrai motif de Bonaparte était de rétablir l’esclavage dans la colonie, après l’écrasement des chefs rebelles.

 

Par la suite, il avait rencontré secrètement Dessalines dont il avait reconnu l’autorité comme plusieurs autres mulâtres. Ce qui fut matérialisé par le Congrès de l’Arcahaie qui avait scellé officiellement l’union des deux groupes raciaux dans la colonie, pourvu l’armée indigène d’un étendard (le drapeau haïtien) et changé le cours de la Guerre de l’Indépendance

Après plusieurs batailles dont la plus éclatante était celle de Vertières, l’armée française avait été défaite et avait capitulé au début de décembre 1803. L’ancienne colonie de Saint-Domingue avait été déclarée indépendante et rebaptisée « Hayti » au cours d’une cérémonie solennelle tenue sur la place d’armes des Gonaïves, le premier janvier 1804.

La carrière politique d’Alexandre Pétion

Pétion était parmi ceux qui avaient prôné l’assassinat de Dessalines perpétré le 17 octobre 1806 à la suite duquel Henri Christophe, l’un des protagonistes du complot, avait été élu président de la République. Mais la rupture était vite consommée entre les deux hommes dans le contexte d’une lutte pour le pouvoir où le Sénat acquis à la cause de Pétion n’avait plus reconnu Christophe comme président. Et finalement Pétion était élu à sa place.

Il s’en était suivi une guerre qui avait opposé les partisans des deux rivaux et la division d’Haïti en deux États, le premier mauvais exemple de l’instabilité du pays qui avait fait des émules pendant deux siècles jusqu’à la République éphémère qui a été créée par les Cacos dans le Plateau central sous l’Occupation américaine.

Le Nord, fief traditionnel des factions noires radicales, était contrôlé par Christophe tandis que le Sud où les gens de couleur étaient enracinés était dirigé par Pétion.

L’opposition entre les deux hommes et les deux parties du pays dura jusqu’à la mort de Christophe en 1820, sous le couvert d’antagonismes idéologiques. Pétion, dans l’Ouest et le Sud, avait institué un régime républicain avec pour principes « la séparation des pouvoirs », la lutte contre la tyrannie qui serait ainsi représentée par le roi Henri et sa cour. Il n’avait pourtant pas hésité à bénéficier de la complicité du Sénat pour se faire nommer président à vie, avec le droit de nommer son successeur et celui-là fut Jean-Pierre Boyer quand il était mort de la fièvre jaune le 29 mars 1818, une maladie qui avait décimé l’armée française pendant la Guerre de l’Indépendance.

Trois grandes actions avaient dominé le gouvernement de Pétion, à côté des premières négociations avec la France pour la reconnaissance de l’indépendance.

- une distribution de terres aux sous-officiers et aux soldats de l’armée de l’indépendance ;

- la création du premier lycée de garçons à Port-au-Prince et d’une école secondaire pour les jeunes filles ;

- son appui à Simon Bolivar, leader vénézuélien, et l’aide qu’il lui accorda pour l’émancipation de l’Amérique latine qui reste toujours très reconnaissante envers Haïti.

 

Jean SAINT-VIL

jeanssaint_vil@yahoo.fr

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