Le pays de plus en plus s’enfonce dans sa boue. Le pire, c’est quand la démission, le mépris et l’indifférence envers la souffrance d’une population commencent à s’agiter par peur, par couardise, et se mettent brusquement à parler de légalité, de démocratie et de droits de l’homme. Peut-on avoir le droit de parler, d’opiner quand on se tait quand le sang est versé à flots, quand les biens privés sont vandalisés, quand des années de dur labeur sont allégrement piétinées par des voyous ?
Le pays s’enfonce encore plus quand ceux qui ont la charge de le diriger ne peuvent pas rendre des comptes. Peuvent-ils se permettre de rendre des comptes quand la gouvernance pour eux ne signifie que la jouissance de privilèges pour eux, leurs familles et leurs clans ? Peuvent-ils rendre des comptes quand ils se font les domestiques de secteurs n’ayant aucune attache avec la nation ?
Le pays s’enfonce encore plus avec des classes moyennes réduites à leurs plus simples expressions, ceux qui devraient être leurs têtes pensantes se mettant continuellement sur les rails de l’enrichissement personnel.
Nous sommes dans un total galimatias. La population, excédée, se rend de plus en plus compte que les gangs sont partout. La question qui revient sur toutes les lèvres : À qui faire confiance ? Les bonnes familles se révèlent être des antres de féroces prédateurs. Les institutions nationales et internationales censées promouvoir le « vivre ensemble » ne sont plus que les garantes du chaos et de la délinquance.
Nous parlons souvent de reddition de compte. Une notion pour nous abstraite avec notre conception nauséabonde du pouvoir. Les budgets de la nation se succèdent sans qu’on présente un rapport sur les dépenses et les réalisations des exercices précédents. Le gouvernement avait un budget de guerre. On ne sait trop ce qui a été fait de cet argent. La Police nationale ne semble pas disposer de matériel adéquat pour sa mission. Les drones explosent sans résultats significatifs. Les axes routiers stratégiques demeurent bloqués aux bénéfices des affairistes de tout bord. Les déplacés ne savent plus à quel saint se vouer.
On ne peut se sortir que par le renouvellement du personnel de l’appareil de l’État par les élections. Mais, comme des élections libres, transparentes et honnêtes ne peuvent aboutir qu’à la disparition de ce personnel en grande partie incompétent et kleptomane, on risque fort de ne jamais avoir d’élections, sinon que des élections frauduleuses pour la survie de la bête.
Dans ce galimatia, le chemin de croix du peuple haïtien peut encore durer longtemps.
Gary Victor
