Le ministère de la Culture et de la Communication (MCC) a réuni trente opérateurs culturels autour d’un atelier sur l’entrepreneuriat culturel, organisé pendant une semaine à la bibliothèque du centre Pyepoudre. Du 15 au 18 décembre, les participants ont bénéficié de modules variés allant des concepts clés du marketing et de la communication au b-a-ba de l’entrepreneuriat dans l’économie orange. Selon le directeur général du MCC, Jean Gary Denis, cette initiative visait à renforcer les capacités en entrepreneuriat culturel afin de combler les manquements du secteur.
Tôt dans la journée du lundi 15 décembre 2025, le ministère de la Culture et de la Communication, sans trop fanfaronner, a lancé la première session de formation. Dans son discours circonstanciel, le directeur général, Jean Gary Denis, a présenté la culture comme une forme de résistance du peuple haïtien et a appelé les opérateurs à s’impliquer activement aux côtés du MCC pour faire fructifier le secteur. Tout en les encourageant à agir et à créer, il leur a rappelé le rôle de régulateur et d’accompagnateur du MCC, apte à les soutenir dans toute démarche citoyenne liée à la culture. Après des vœux de bonne participation adressés à l’assistance, il a cédé la place au premier formateur de la session, l’expert en communication et en marketing numérique, Jean Boisguéné.
Introduit par le maître de cérémonie Paul Villefranche, M. Boisguéné est intervenu sur un double volet : « Marketing et communication dans le contexte des entreprises culturelles / intelligence artificielle au service de la création ». Il a démarré par une question de fond : pourquoi vouloir communiquer et pour quels résultats réels ? Sa première démarche a consisté à amener l’assistance à identifier les besoins réels en communication avant de lui fournir les outils nécessaires à une communication efficace, qu’il définit comme la capacité à influencer le public. Il a ensuite établi une distinction entre la communication et le marketing, deux éléments indispensables en entrepreneuriat, particulièrement en entrepreneuriat culturel, où la subjectivité et l’originalité occupent une place essentielle. Il a, par ailleurs, plaidé en faveur de l’intelligence artificielle (IA), qu’il a présentée comme un outil certes à double tranchant, mais efficace dans le processus de création. Loin de remplacer la pensée humaine, M. Boisguéné a soutenu que l’IA l’accélère et qu’il est important et urgent que les créateurs sachent en faire bon usage. Même si sa position n’a pas fait l’unanimité parmi les participants, tous se sont accordés sur l’utilité de l’IA, marquant le début d’une session riche et stratégique.
La deuxième journée, poursuivie sur un ton moins officiel, a constitué un cadre propice pour permettre aux participants d’approfondir leur compréhension des notions de culture, d’industrie culturelle et, plus spécifiquement, d’entrepreneuriat culturel. Ordinairement présentée comme un ensemble identitaire englobant savoir-faire, croyances, pratiques, créations et arts, la culture a été exposée par Stéphanie St-Louis comme une ressource exploitable, un levier économique et un facteur de développement. À ce titre, elle requiert une gestion spécifique axée sur la formalité, la structuration et la rentabilité. Grâce à cette intervention, les participants ont mieux compris leur rôle dans l’avancement du secteur culturel, saisi les enjeux de l’économie orange et identifié les moyens de valoriser leurs créations. Saluée par l’assistance, elle a ensuite passé la parole à son confrère Ronald Verdiner pour un exposé détaillé sur le MCC, de son rôle et de sa mission à son cadre réglementaire. En tant qu’instance étatique mandatée pour réguler, orienter et définir les grandes lignes de la politique culturelle, le MCC demeure incontournable dans la mise en place d’une industrie culturelle prospère.
Si la structuration du secteur culturel relève du MCC, elle demeure également la responsabilité des acteurs, créateurs et producteurs, appelés à s’approprier, revendiquer et défendre leurs œuvres. Mais comment ? La troisième journée a été consacrée aux mécanismes de structuration et de formalisation des offres culturelles, ainsi qu’à la création d’entreprises liées aux activités culturelles. Madame Edwige Jean-Baptiste, directrice adjointe des affaires juridiques du ministère du Commerce et de l’Industrie, a présenté les étapes à suivre pour monter une entreprise en bonne et due forme et a détaillé les procédures d’enregistrement, quelle qu’en soit la nature. En marge de cette séance, les participants ont pu procéder à un enregistrement sur le portail du Ministère du commerce et de l’industrie, une étape essentielle à toute activité commerciale.
Cette dynamique autour de la formalisation a été renforcée lors de la dernière journée par l’intervention de l’avocat spécialiste en droit d’auteur, Maxène Dorcéan. Relevant du domaine de la création, de l’art et de l’originalité, l’offre culturelle à potentiel économique doit être protégée et sécurisée à des fins de valorisation. Le spécialiste s’est ainsi penché sur les mécanismes de protection de la création, tout en ouvrant une fenêtre sur la mission du Bureau Haïtien du Droit d’Auteur (BHDA) et les formes d’accompagnement qu’il octroie aux opérateurs en matière de propriété intellectuelle.
Au terme de la formation, chaque participant a été gratifié d’un certificat de participation signé par le ministre Délatour, lors d’une cérémonie tenue au local de la Direction Nationale du Livre (DNL). Un geste accueilli avec beaucoup de satisfaction. Reconnaissants, les bénéficiaires n’ont pas lésiné sur les témoignages de gratitude à l’égard des organisateurs. Selon Bertil Victorin, plus connu sous le pseudonyme Tikòk, chanteur et propriétaire du groupe Rapadou, cet atelier constitue le meilleur cadeau reçu du MCC en vingt-cinq ans de collaboration, soulignant qu’il pourra désormais mieux gérer son entreprise. De son côté, Darline Alegrand, danseuse professionnelle au sein de la troupe Ayiti Tchaka Danse, affirme que cette formation lui a permis de maîtriser les étapes d’enregistrement d’une structure et s’engage à partager ces nouvelles connaissances avec d’autres jeunes de son entourage.
Symbole d’une nouvelle orientation et reflet d’un dynamisme renouvelé, cet atelier en entrepreneuriat culturel s’inscrit dans une série. L’objectif est de favoriser le développement des industries culturelles et créatives comme moteurs de croissance économique et de création de richesse à l’échelle nationale. Selon le directeur général Jean Gary Denis, le prochain cap sera le Nord, précisément la ville du Cap-Haïtien, pour une nouvelle initiative dédiée à l’entrepreneuriat culturel.
Odca Valcourt
