La Bibliothèque de l’Université Quisqueya a vibré le mardi 12 août 2025 au rythme d’un rendez-vous inédit entre mémoire, culture et numérique. Le lancement de Wiki Loves Littérature Haïtienne 2025, organisé par Wikimedia Haïti, a réuni chercheurs, écrivains, universitaires et acteurs du numérique autour d’une ambition commune : hisser la littérature haïtienne à la place qu’elle mérite dans l’espace mondial du savoir libre.
La salle de la Bibliothèque, pleine à craquer, a accueilli la cérémonie d’ouverture conduite avec élégance par Ashly Alfred. Dans un climat à la fois studieux et convivial, l’assistance a immédiatement compris que ce rendez-vous ne serait pas seulement académique, mais aussi profondément engagé. Dès son allocution, Jimmy Borgella, directeur de la Bibliothèque de l’Université Quisqueya, a donné le ton. « Réparer l’oubli par une présence littéraire haïtienne forte dans les encyclopédies du monde », sa communication a été un plaidoyer vibrant. Pour Borgella, il est urgent que « la mémoire haïtienne cesse d’être reléguée en bas de page » et prenne toute sa place dans le concert des voix universelles. La journée a ensuite été marquée par des interventions de haut niveau. Nesmy Manigat, ancien ministre de l’Éducation nationale, a livré une réflexion visionnaire sur « Littérature et oraliture haïtiennes : vers une mémoire multilingue, libre et vivante dans l’espace numérique ». Sa prise de parole a rappelé que l’identité haïtienne ne peut se comprendre sans sa diversité linguistique et l’oralité qui irrigue ses récits. Selon l’ancien ministre, le numérique peut devenir un outil de sauvegarde et de rayonnement de cette richesse.
Dans la même veine, Olrich Exantus, professeur à l’ENARTS, a insisté sur la valeur patrimoniale de la littérature haïtienne. La qualifier de « trésor de mémoire et d’identité » a résonné fortement dans l’assemblée. Pour lui, la valorisation sur les plateformes collaboratives comme Wikimedia ne se limite pas à un simple accès au savoir : elle constitue aussi un espace de résilience pour une société en proie aux crises, une source d’inspiration pour les générations à venir.
Construire une communauté autour des communs numériques
La dimension stratégique n’a pas été oubliée. Rency Michel, président fondateur de Wikimedia Haïti et wikipédien de longue date, a invité le public à réfléchir à l’organisation d’une communauté forte et solidaire. Dans son intervention, « Pourquoi s’organiser comme communauté autour des communs numériques », il a rappelé que seule une action collective et structurée peut permettre à la voix haïtienne de peser dans l’univers collaboratif mondial.
Au-delà des discours, l’événement s’est imposé comme une véritable célébration de la culture haïtienne. Chaque intervention, chaque échange a réaffirmé la volonté de faire entrer la littérature nationale dans la modernité numérique, de lui donner une visibilité internationale, et surtout de l’ancrer durablement dans l’espace des savoirs partagés.
En clôture, une conviction a traversé la salle : Wiki Loves Littérature Haïtienne 2025 n’est pas un simple événement académique, mais un acte de résistance culturelle. Il s’agit de défendre une mémoire, de la porter sur la scène mondiale et de refuser qu’elle demeure marginalisée. En plaçant la littérature haïtienne au cœur des communs numériques, cette édition marque une étape décisive dans le combat pour sa reconnaissance internationale. L’objectif est clair : inscrire cette mémoire comme composante essentielle du patrimoine universel. Avec Wiki Loves Littérature Haïtienne 2025, Port-au-Prince n’a pas seulement accueilli une rencontre savante. La capitale a ouvert un chapitre nouveau : celui où la littérature haïtienne s’écrit aussi sur les encyclopédies libres, pour être lue, partagée et transmise au monde entier.
Jean Yvenson Auguste
