Dans notre société, le débat public est souvent réduit à sa plus simple expression. Depuis 1986, en Haïti, nos échanges se limitent souvent aux lignes ouvertes. Bien qu'utile, ce format ne saurait remplacer un véritable débat public structuré, inclusif et respectueux. Pourtant, héritière d'une tradition séculaire d'intolérance et de musèlement, notre société aurait tout à gagner à créer des espaces de débat favorisant le dialogue constructif, l'engagement et la participation des citoyens.
Un exemple récent illustre parfaitement ce phénomène : l'entrevue d'Étzer Émile sur la plateforme Guy Wewe Network a déclenché une levée de boucliers extraordinaire après que 43 secondes de déclaration ont été amplifiées au point de devenir le point central, éclipsant ainsi le reste de l'entretien. Cela donne l'impression que quelqu'un a écarté 99,2 % du contenu du discours d'Étzer Émile pour se concentrer sur 0,8 %. Cette distorsion de la réalité vise à créer une impression négative du jeune économiste en le dépeignant comme un apatride, un conzé, un anti-dessalinien.
En réalité, le contenu de l’entrevue entier est intéressant, riche et varié. Les différents points abordés font un tour d’horizon de la situation générale de la réalité sociopolitique et économique de la société haïtienne. Étzer Émile critique la crise de moralité et l’échec du CPT, la mainmise des partis politiques sans base populaire sur le pouvoir et leur désintérêt pour les élections, le déficit de leadership de nos représentants politiques, le déplacement du pouvoir de la république d’Haïti à Washington et de notre représentativité entre les mains d’Abinader (qui joue le rôle de président de l’ile). De plus, il évoque la mauvaise image d’Haïti à l’international, la participation insipide des représentants d’Haïti aux forums internationaux, sans agenda, sans plan, sans feuille de route.
Je vous invite à visionner sur le net l’extrait devenu viral pour comprendre le contexte, mais également l’émission entière pour saisir la profondeur et la richesse des points abordés. En vérité, l’extrait ne concerne pas directement le culte des héros de l'indépendance, mais plutôt un appel à pérenniser le legs de 1804 de manière responsable et tournée vers l’avenir. Étzer Émile estime que certains parmi nous exerçons une focalisation excessive sur le passé glorieux de l'indépendance, au détriment des problèmes actuels et des défis futurs. Il dénonce la stagnation de la société haïtienne, sa stérilité et l’état de perdition dans laquelle nous pataugeons depuis la chute d’Estimé. le respect pour les ancêtres et l'héritage du passé ne signifie pas nécessairement vivre dans le passé, mais plutôt tout en le vénérant mais utiliser cet héritage comme une base pour construire un avenir meilleur.
La meilleure façon d’utiliser un héritage, c’est en le gérant de manière stratégique pour satisfaire tous les héritiers et en formulant des objectifs à long terme de gestion et de transmission aux générations futures. En effet, vénérer les ancêtres ne signifie pas nécessairement se reposer sur leurs lauriers. Au contraire, Étzer Émile nous démontre une approche responsable et tournée vers l’avenir pour faire honneur à Dessalines avec l'idée d'optimiser l’héritage de l’empereur et le transmettre aux générations futures. Cela implique de prendre en compte les défis et les opportunités de notre époque. C’est ce qu’ont fait nos héros qui nous ont donné l’indépendance, ils ont parachevé le travail des précurseurs tels que Boukman, Makandal, Cécile Fatiman, Toussaint Louverture.
En fin de compte, c'est une question de créer un cycle vertueux de transmission et d'amélioration continue, où chaque génération bâtit sur les fondations posées par les précédentes, tout en innovant et en progressant vers un avenir meilleur. Nous devons considérer que nous sommes des acteurs importants dans la chaîne des générations, avec la responsabilité de préserver le pays et ses ressources pour notre descendance. Il est nécessaire de penser que nous sommes tous destinés à devenir des ancêtres pour les générations à venir. Étzer Émile souhaite qu’en prenant conscience que nous sommes des acteurs importants dans la chaîne, nous pouvons être incités à agir de manière plus responsable vis-à-vis notre pays que nous appelons « chéri » et nos compatriotes que nous disons « nos frères ».
Chers compatriotes, je vous laisse méditer sur ce proverbe africain : « Nous n'héritons pas de la terre de nos ancêtres, nous l'empruntons à nos enfants ! »
Aly Acacia
