Duckens Nazon : « Je serais prêt à tout pour Haïti !»

Duckens Nazon : « Je serais prêt à tout pour Haïti !»

L'Haïtien Duckens Nazon revient sur les qualifications pour la Coupe du Monde de la FIFA 26 et notamment son triplé contre le Costa Rica (3-3) qui a bien failli ne jamais avoir lieu.

Duckens Nazon et la sélection haïtienne sont toujours en course pour une qualification à la Coupe du Monde 2026. L’attaquant passé par Quevilly - Rouen Métropole a inscrit un triplé lors du match nul 3-3 face au Costa Rica. L'idole de 31 ans n’est plus qu’à cinq réalisations de devenir le meilleur buteur de l’histoire de sa sélection.

À chaque fois qu’Haïti a besoin d’un héros, Duckens Nazon est là, prêt à revêtir sa cape. Son dernier exploit en date est survenu plus tôt ce mois-ci : entré en cours de match, il a inscrit un triplé et offert aux Grenadiers une remontée spectaculaire de deux buts pour décrocher un nul 3-3 face au Costa Rica, dans le cadre des qualifications de la Concacaf pour la Coupe du Monde de la FIFA 26™.

Ce résultat maintient la sélection caribéenne dans la course à une qualification directe pour la Coupe du Monde, avec seulement deux points de retard sur le leader du Groupe C, le Honduras, alors qu'il reste encore quatre matches à disputer. Que ce soit en qualifications, en Gold Cup ou en Ligue des Nations de la Concacaf, Duckens Nazon a cette capacité à toujours répondre présent. Du haut de ses 43 buts en sélection, l'ancien joueur du Stade Lavallois et de Quevilly - Rouen Métropole n’est plus qu’à quatre longueurs de l'inoubliable Emmanuel Sanon, le meilleur buteur de l’histoire d’Haïti.

La grande histoire derrière l'exploit de Nazon à San José en cache une autre. Son triplé au Costa Rica a en effet bien failli ne jamais avoir lieu : l’attaquant qui évolue désormais sous les couleurs du club iranien de l’Esteghlal a en effet dû opérer un choix cornélien et choisir entre ce match de qualification décisif et la naissance de son enfant. Au final, tout s’est bien terminé pour celui qui a confié une exclusivité à la FIFA toute l’étendue des sacrifices qu’il est prêt à consentir pour mener son pays vers le succès.


FIFA : Quel regard portez-vous sur les performances d’Haïti lors de ces deux premiers matches du troisième tour ?

Duckens Nazon : C’est vraiment dommage, car je pense qu’on aurait pu glaner six points. Jouer à Curaçao, sur ce gazon synthétique, c’est compliqué pour beaucoup d’équipes. Pour nous, au contraire, c’est l’occasion de prendre des points, car nous sommes habitués à ce type de terrain. Mais je garde confiance, car nous sommes toujours dans la course à la qualification. La cohésion du groupe grandit aussi, car revenir de 0-2 à 3-2 [au Costa Rica], c’est tout simplement magique. On a montré du caractère et désormais, tout le monde sait qu'on a cette force en nous.

Quels points positifs retenez-vous du match d’ouverture (0-0) face au Honduras, disputé non pas chez vous mais à Curaçao ?

Le seul point positif, c’est qu'on n'a pas perdu. Pour le reste, je suis un compétiteur et je ne pense qu’à gagner. Honnêtement, on aurait très bien pu s’incliner aussi. Ils ont touché la barre et se sont procuré quelques occasions. Dans ce type de compétition, personne ne se connaît vraiment et il y a toujours un round d’observation. Je pense que si l’on commence fort et qu’on surprend l’adversaire, on peut en tirer un vrai avantage, car aucune équipe n’est vraiment prête.

Vous étiez menés 2-0 à la mi-temps au Costa Rica. Comment avez-vous renversé la situation ?

J’ai commencé le match sur le banc, et quand je suis entré au vestiaire, l’ambiance était vraiment étrange. Je suis allé voir les gars et j’ai tout fait pour leur redonner confiance. Je leur ai dit qu’à 2-0, rien n’était perdu. Il restait 45 minutes, et il fallait tout donner.

Qu’est-ce que cela vous a fait d’affronter un gardien de la trempe de Keylor Navas ?

Keylor et moi, on avait déjà eu l’occasion de discuter. Il m’avait invité à des matches à Paris. Je connais la personne qui gère ses affaires, et le Parc des Princes est à cinq minutes de chez moi, en banlieue parisienne. Keylor est le meilleur gardien du monde sur sa ligne. C’est un vrai félin. D’habitude, quand j’ai un penalty, je suis sûr de moi : je n’en rate jamais avec la sélection. Alors je me suis dit : je vais tirer du même côté que d’habitude. Mais face à Keylor, j’ai douté, car il est tellement rapide et il est bien renseigné. Il connaît chaque tireur et sait où il aime frapper. C’est la grande différence entre les grands gardiens et les autres. Après mon but, j’ai vu la réaction des Costariciens : ils ont commencé à douter, à avoir peur. Alors j’ai dit aux gars qu’il fallait y aller à fond.

Vous avez marqué votre deuxième but d’un retourné acrobatique. Qu’avez-vous ressenti en inscrivant un but aussi spectaculaire ?

J’étais au cœur de la surface, j’ai légèrement poussé Frantzdy [Pierrot] qui était à la lutte avec un défenseur, il est allé au contact, le ballon est arrivé sur moi et… boom ! C’est l’instinct qui a parlé. J’ai entendu les cris des supporters, alors je me suis mis à courir. Je ne savais même pas que j’avais marqué. C’était un moment magique.

Comment vivez-vous les hauts et les bas de votre rôle d’attaquant ?

Un attaquant qui ne marque pas est un attaquant malheureux. Si je ne marque pas pendant une ou deux semaines, je peux être de très, très mauvaise humeur. Tout tourne autour de ça, parce que le football c’est notre passion. Marquer un but est une sensation indescriptible, c’est ma raison de vivre.

Vous êtes parti disputer ces deux matches de qualification en sachant que votre fille pouvait naître à tout moment. Ça a dû être très difficile pour vous, non ?

Face au Honduras, l’entraîneur m’a fait jouer une vingtaine de minutes, et ça m’allait puisqu’il m’avait dit avant que je ne jouerais pas plus que ça. J’ai dit : "D’accord, on est là pour qualifier Haïti, et je ne suis pas plus important que mon pays." Après le match contre le Honduras, on a eu plusieurs séances d’entraînement. Et comme vous le savez, on voit tout de suite qui va débuter selon à qui on donne la chasuble… et moi, je n’en ai pas eu. J’étais très frustré de ne pas être dans le onze de départ contre le Costa Rica. J’étais en colère, parce que j’étais là et que j’étais le plus en forme. J’étais venu de très loin pour aider mon pays et je n’allais même pas être sur le terrain. Ma femme devait avoir une césarienne après le match contre le Costa Rica, mais elle m’a appelé pour me dire que le bébé pouvait arriver à tout moment. Alors j’ai dit à l’entraîneur : "Je crois que je ne vais pas jouer ce match. Je vais prendre l’avion et rejoindre ma femme."

Il m’a dit que j’étais important pour l’esprit du groupe, mais certainement pas là pour amuser la galerie, vous voyez ? Je suis un footballeur, je suis là pour jouer et aider mon pays. Il voulait que je reste et m’a dit que le meilleur scénario serait que j’entre en jeu et que je marque le but de la victoire. Je lui ai dit, en toute humilité, que ce serait une erreur, parce que c’était moi qui devais débloquer la situation le lendemain. Et que si on obtenait un bon résultat, ce serait grâce à moi. J’ai appelé ma femme et je lui ai dit que je prenais le risque de rater la naissance. Elle pleurait, mais je devais mettre tout ça de côté et me concentrer sur le match. Et puis tout s’est enchaîné, le voyage retour a été incroyable, et je suis arrivé juste à temps [pour la naissance], comme dans un rêve. Je crois que Dieu voit tout.

Vous allez affronter le Nicaragua lors de votre prochain match en octobre. Comment cela va-t-il se passer selon vous ?

Il faut qu’on gagne. Leur niveau n’est pas très éloigné du nôtre, mais on doit engranger des points dès maintenant. Pour se donner le droit de rêver, il faut gagner. C’est aussi simple que ça.

Haïti peut-elle se qualifier pour la Coupe du Monde ?

Bien sûr. On est arrivés au dernier tour de qualification. On est là pour se qualifier et j’espère qu’on y arrivera.

Jouer pour Haïti en Coupe du Monde, ça représenterait quoi pour vous ?

Je ne sais pas… Je n’ai pas les mots pour dire ce que ça représenterait si on se qualifiait pour la Coupe du Monde. Pour moi, ça veut dire tout, parce que j’ai donné tellement de moi-même. Je fais énormément de sacrifices pour Haïti, et les gens ne s’en rendent même pas compte. Je serais prêt à tout pour Haïti. J’ai été très critiqué, mais je suis toujours là et je me donne à fond pour eux. Il y a tellement de gens en Haïti qui méritent d’être heureux, et j’espère qu’en se qualifiant, on pourra vraiment changer beaucoup de choses dans le pays. C’est la clé pour améliorer la situation, et ça générerait plein de choses positives. Je ne peux pas dire exactement quoi, mais c’est pour ça qu’on doit se qualifier : pour apporter du positif à Haïti.

 

Source: FIFA

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