LE Recteur Fritz Deshommes a lancé le colloque « traumatismes psychiques et insécurité en Haïti »

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J’aimerais, pour commencer, exprimer toute ma fierté personnelle et toute la gratitude du Conseil Exécutif de l’Université d’État d’Haïti à l’endroit des organisateurs de ce colloque qui a pour titre : « Insécurité et traumatismes psychiques en Haïti ». Réaliser un tel événement dans la présente conjoncture constitue un véritable exploit. Mais la vitalité du laboratoire de recherche, du LADIREP, ainsi que sa capacité de convocation sont maintenant connues. Et pour la problématique qui fera l’objet des échanges durant ce colloque, l’implication personnelle, tenace et discrète du Professeur Ronald Jean-Jacques, nous le savons tous, a permis de rassembler tous ces intervenants.

L’énoncé du titre de ce colloque est tout à fait évocateur : nous vivons, dans la souffrance, dans l’amertume et l’impuissance un des moments les plus douloureux de notre histoire. Le banditisme, ses acteurs directs, ses promoteurs, ses complices sont dans la ville! Ils sont aussi dans nos sections communales! Et nous ne saurions passer sous silence les stigmates qui sont déposés dans les corps, dans la mémoire et dans la psychologie non seulement des victimes directes de l’insécurité, mais d’une certaine façon dans la psychologie de la plupart d’entre nous.

Et alors spontanément, nous pensons aux filles et aux femmes abusées, à toutes les victimes du kidnapping, de mutilations, de meurtres. Nous vient immédiatement à l’esprit l’appauvrissement de ces familles obligées, pour obtenir, ou non, la libération des leurs, de verser de lourdes rançons. Nous pensons à ces couples disloqués. Nous avons aussi en mémoire la violence exercée sur les enfants, sur les jeunes et les moins jeunes; sans oublier l’exil intérieur vécu par d’innombrables ménages obligés d’abandonner leurs maisons construites dans la longue durée et le dur labeur. Que de drames aboutissant parfois à la migration externe et à l’obligation de tout recommencer!

Une société livrée à elle-même, sans recours! Dans le silence, dans l’impuissance, dans l’indifférence parfois, de ceux-là qui ont pour mandat de la protéger contre toute insécurité et contre toute violence!

Pour bien appréhender le moment présent, ce colloque nous invite aussi à affiner notre regard et quelque part à interpeller, comme le suggère l’un des intervenants, la scène coloniale elle-même. Nous aurons toujours en mémoire et, d’une certaine façon, sous les yeux, la tragédie des temps présents; mais, dans le cadre de ce colloque, nous serons aussi invités à inscrire cette tragédie dans notre histoire profonde et même dans notre géographie. Pour parvenir à une véritable intelligence de l’actuelle insécurité et des traumatismes créés, ce colloque nous propose d’en arriver à une véritable archéologie des stigmates déposés en nous tout au long de notre histoire. Nous serons invités à effectuer sur ces stigmates un travail en profondeur.

Dans le cadre des consultations préparatoires aux États Généraux de l’UEH tenus les 15 et 16 mai 2019, il était demandé à notre Université de construire une parole pertinente face aux grands défis auxquels est confrontée la société. Jeter un regard scientifique sur l’insécurité et les traumatismes créés s’inscrit dans cette recherche de pertinence à laquelle est conviée l’Université d’État d’Haïti. Nous sommes tous, à des degrés divers, exposés à cette insécurité et à ses effets; et organiser un colloque sur cette problématique participe de cette construction d’une parole pertinente.

Dans le cadre de la réalisation de ce colloque, deux approches ont retenu tout particulièrement mon attention. Tout d’abord l’interdisciplinarité. Parce qu’il s’agit des traces laissées avec violence sur les corps, les lieux, la mémoire, l’âme, et même les institutions (que l’on pense par exemple à l’école), un enrichissement du simple regard psychologique s’imposait. S’imposait aussi une large et généreuse réflexion sur les conditions de possibilité d’une telle emprise de cette insécurité et, en quelque sorte, du sentiment d’impuissance dégagé non seulement par l’État, mais aussi par la société elle-même.

J’ai été aussi impressionné par la dynamique intergénérationnelle adoptée. À l’éclairage savant de chercheurs reconnus, viennent s’ajouter les premiers balbutiements de jeunes chercheurs qui, dans le cadre même de leurs études, ont engagé des recherches sur la problématique d’intérêt. Jetant un regard sur des aspects spécifiques de l’insécurité et des traumatismes créés, ces nouveaux chercheurs méritent un encouragement particulier. Leur proximité avec l’objet concret de la recherche peut apporter un gain de connaissance qui ne sera sans doute pas négligé par les seniors.

Vous l’avez compris, ce colloque constitue un temps fort dans la vie de notre université appelée à se transformer en un lieu de débats permanents. Il initie en quelque sorte une étape importante dans l’effort que l’UEH engagera pour, comme cela a été demandé à plusieurs reprises, construire une parole pertinente face aux grands défis. Qu’il me soit permis de remercier à nouveau les organisateurs de cet événement. Ils sont parvenus à actualiser une composante essentielle de la mission universitaire, celle du service à la communauté que certains appellent maintenant la troisième mission.

À vous tous, je souhaite une bonne participation à ce Colloque sur l’insécurité et les traumatismes créés.

 

Je vous remercie!

 

22 FÉVRIER 2024

FRITZ DESHOMMES

RECTEUR

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