Quatre ans après l’assassinat de l’ancien président Jovenel Moïse, la justice haïtienne peine toujours à instruire ce dossier emblématique. En cette date commémorative, le Centre d’analyse et de recherche en droits de l’homme monte une fois de plus au créneau. Dans une note publique, l’organisation dénonce l’immobilisme judiciaire et renouvelle son plaidoyer pour la mise en place d’un tribunal spécial ou d’une chambre spéciale en Haïti, seule solution selon elle pour faire la lumière sur ce crime d’État.
En effet, dans la nuit du 6 au 7 juillet 2021, le président Jovenel Moïse a été sauvagement assassiné dans sa résidence privée à Pèlerin 5, en présence de son épouse. Le crime a été perpétré par un commando lourdement armé, composé de mercenaires, principalement colombiens, et d’anciens agents liés aux services de renseignement américains. Plusieurs responsables des unités spécialisées chargées de sa sécurité, telles que le CAT-TEAM, l’USGPN et l’USP, sont soupçonnés de complicité passive ou active, suivant le rapport.
Le CARDH rappelle qu'aux États-Unis, six accusés ont déjà été condamnés par la justice fédérale, dont Rodolphe Jaar, John Joël Joseph, Joseph Vincent, Germán Alejandro Rivera García, Mario Antonio Palacios Palacios et Frederick Bergmann. Cinq autres attendent leur jugement. En Haïti, malgré les nombreuses promesses, le dossier reste enlisé. Aucun procès n’a été ouvert.
Dans son communiqué publié à l’occasion de ce quatrième anniversaire, le CARDH insiste sur le fait que les institutions haïtiennes, dans leur configuration actuelle, ne sont ni prêtes ni capables d’offrir justice dans cette affaire. L’organisation estime que seule la mise en place d’un tribunal spécial ou d’une chambre spéciale permettrait de garantir une instruction rigoureuse et indépendante. Elle précise qu’il ne s’agit pas de créer un tribunal international, mais plutôt une juridiction hybride, élaborée en collaboration avec des instances internationales tout en respectant la souveraineté nationale.
Le CARDH rappelle qu’il plaide pour cette structure exceptionnelle depuis le 19 août 2021. Pour l’organisation, ce type de juridiction offrirait une voie crédible pour juger les responsables de l’assassinat, tant les exécutants que les commanditaires intellectuels et financiers. Elle évoque l’intérêt de cette formule dans la recherche de vérité et la consolidation de l’État de droit, tout en renforçant la confiance du peuple dans les institutions de justice.
Pour le CARDH, ces expériences prouvent que des solutions existent, à condition d’une volonté politique forte et d’un engagement international coordonné. L’organisation souligne que ces structures mixtes ont l’avantage d’être plus flexibles, moins coûteuses et mieux intégrées aux systèmes judiciaires nationaux que les tribunaux pénaux internationaux traditionnels.
Alors qu’une une messe de requiem a été chantée en mémoire du président Moïse ce lundi 7 juillet, le CARDH appelle à transformer ce moment symbolique en un signal fort en faveur de la justice. Pour l’organisation, le temps du recueillement doit céder la place à celui de l’action. Il ne suffit pas de commémorer, il faut juger.
Vladimir Predvil