Haïti/Migration /Nicaragua

Fuite de capitaux et de cerveaux

Les vols en provenance d'Haïti vers le Nicaragua ont fortement augmenté au cours de ces dernières semaines. Le lundi 23 octobre 2023, une foule immense composée majoritairement de jeunes s'était massée sur la cour de l'aéroport international Toussaint Louverture en attendant leurs documents de voyage pour quitter le pays.

M. Legrand, communément appelé par ses clients, est responsable d'une agence de voyage. Pour la journée du lundi 23 octobre, il a à sa charge plusieurs dizaines de citoyens qui doivent quitter le pays à destination du Nicaragua. «Les demandes pour ce pays d'Amérique latine ont augmenté ces dernières semaines. De plus en plus de jeunes veulent quitter le pays pour des raisons politiques et sécuritaires. Pour ce mois d'octobre, nous avons déjà planifié des voyages pour plus d'une centaine de personnes. Ils ont payé plus de 3 000 dollars américains pour le voyage. Ils ont seulement soumis leurs passeports comme pièces d'identité pour le processus», a fait savoir Legrand.

En revanche, il souligne qu'après le versement de la somme requise et du passeport, il faut attendre une à deux semaines pour les démarches nécessaires et l'achat du billet d'avion.

 

À la recherche du bien-être

Au milieu de cette immense foule présente à l'aéroport Toussaint Louverture, on trouve des représentants de toutes les couches de la population civile. Parmi eux, des jeunes femmes et des hommes de tous âges patientent dans les files d'attente, espérant avec impatience d'obtenir leur billet d'avion pour le Nicaragua.

Nérelus Jeannot, un père de plusieurs enfants, se trouve dans la situation de devoir quitter sa famille en Haïti pour se rendre au Nicaragua. Son plan est ensuite de se diriger vers la frontière du Mexique, dans l'espoir de rejoindre les États-Unis, où vivent déjà plusieurs de ses amis et membres de sa famille.

«Je suis fatigué de vivre ici. J'ai tout essayé, mais le destin a fait les choses autrement. Nous sommes dans un pays où nous ne pouvons pas circuler librement, les gens font face à l'insécurité au quotidien. Il n'y a pas d'avenir pour nos enfants. En fin de compte, j'ai décidé de prendre ce risque et d'utiliser une bonne partie de mes économies pour aller dans un pays étranger. Ce voyage me coûte près de 5 000 dollars américains," a déclaré le cinquantenaire.

D'un autre côté, un citoyen d'une trentaine d'années qui préfère rester anonyme explique qu'il a vécu l'enfer dans le pays. Il se considère comme un homme chassé de sa terre natale. La jeunesse, qui est l'avenir du pays, a été malmenée par les autorités de l'État, dit-il.

«J'ai fait de mon mieux pour vivre dans mon pays, mais aujourd'hui la flamme d'espoir en moi s'est éteinte. Après mes études classiques et universitaires, pour faire face au chômage, j'ai essayé le commerce, mais ça n'a pas marché. La route nationale #1 par laquelle je passais avec mes marchandises en provenance du Port de Saint-Marc est totalement bloquée depuis plus d'un an. Je ne peux pas rester sans rien faire. Il vaut mieux aller ailleurs plutôt que de rester dans de telles conditions inconfortables », a déclaré le jeune homme.

 

Un appel à la conscience citoyenne

Ces citoyens faisant partie de la population active du pays, dont de jeunes hommes et femmes en âge de travailler, soutiennent qu'ils sont obligés de partir pour trouver de meilleures conditions de vie. Par ailleurs, ils évoquent que c'est la mauvaise gouvernance des aînés et des responsables de l'État qui a conduit le pays à ce niveau de précarité économique et d'instabilité.

Joerline, qui se trouve dans la foule, indique que les politiciens, une fois arrivés au pouvoir, ne font que remplir leurs poches au détriment de la population, qui pour sa part est dépourvue de tout, pendant que des milliards de dollars et de gourdes sont dépensés chaque année au niveau des institutions publiques.

En ce sens, Joerline reste pessimiste quant au renversement de la situation qui pourrait ramener le calme et la stabilité dans le pays. Jeannot, un autre jeune, appelle à une prise de conscience citoyenne, afin d'éviter cette fuite de cerveaux et de cette main-d'œuvre, qui devrait servir au développement des activités économiques et sociales à travers tout le pays.

En effet, durant les dates du 20 et du 21 octobre 2023, un chiffre record a été enregistré concernant les vols aériens d'Haïti à destination du Nicaragua. Selon le journal EFE Noticias, 28 vols ont été recensés. Malgré le programme humanitaire des États-Unis, les Haïtiens utilisent massivement le Nicaragua et le Mexique comme pays de transit pour atteindre le territoire américain.

 

 

Oberde Charles 

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