Le gouvernement a sollicité une aide –une intervention- étrangère pour venir en aide à une Police nationale apparemment impuissante face aux menées des gangs qui continuent à gagner du terrain. À Carrefour-Feuilles, les bandits continuent à ravager la zone. Soupçonnant les liens entre cette administration et celles d’avant avec le banditisme légal, un grand nombre de citoyens pensent que cette intervention est vue par les hommes au pouvoir, souvent délinquants eux-mêmes, comme un moyen de se protéger, car tôt ou tard la situation arrivera à un tel point de pourrissement qu’on ne pourra plus prévoir ce qui peut arriver. La venue des troupes du Kenya est hypothétique et les nationalistes, tous ceux qui ne veulent pas que les bottes étrangères foulent notre sol, se frottent les mains de satisfaction. Ceux-là pensent, curieusement, que la Police nationale peut redresser la situation. En théorie oui, mais dans la pratique nous savons tous l’état de notre Police nationale et comment de nombreux gangs ont pris naissance à partir de policiers, individus parvenus à être admis dans l’institution souvent sous recommandation politique ce qui montre comment la police est aux ordres du pouvoir politique et aussi comment le processus de recrutement laisse à désirer. Ne parlons même pas des Forces armées d’Haïti qui n’ont aucun moyen de passer à l’action. Et puis, les hiérarchies des deux côtés sont aux ordres des politiques, plus préoccupés de jouir de leurs privilèges que de se soucier d’une société détruite par la délinquance avec la complicité des étrangers.
La population elle, dans la réalité de sa souffrance, n’est pas dans les considérations philosophiques ou pseudo-nationalistes. Sa réalité n’est pas de ceux qui aboient sur les réseaux sociaux au chaud dans leur illusoire confort de petits bourgeois ici ou en diaspora. On la massacre. On la force à quitter ses demeures. Ses filles sont violées. Ses enfants ne peuvent pas aller à l’école. Elle a vu comment le déploiement de la Police nationale ne sert pas à grand-chose. On apprend surtout que les policiers n’ont jamais reçu l’ordre vraiment de faire reculer les bandits. C’est un jeu macabre dont les simples citoyens sont les seules victimes. Du pouvoir à l’opposition c’est la manifestation délirante d’une glauque incompétence, d’une méchanceté liée aux traditionnels instincts de rapines de nos hommes politiques. Alors la population ne veut qu’une chose. Qu’elle retrouve sa paix et que les politiciens traditionnels, ceux qui lui ont construit cet enfer, soient écartés de la scène. Qui lui donnera cette paix, même momentanée, pour l’instant, elle ne s’en soucie pas. Après on verra.
Il est triste d’en arriver là. Entre la méchanceté et la folie de pouvoir des uns, les délires des autres, la population est prise en étau. Il y a ceux qui se croient à l’abri de l’explosion finale. Mais ceux qui se croient à l’abri sont toujours complices, même pour leur lâcheté et leur silence.
Gary Victor