Grangou ! Stade final de la précarité ! La faim qui court les rues, qui frappe aux portes ! La menace qui plane sur le quotidien de centaines de milliers de compatriotes ! La menace qui propulse à genoux, puis ventre à terre hommes et femmes et les transforme en proies pour ces prédateurs qui font du grangou une mine d’or, un piège à gibier, une machine infernale à fabriquer des richesses; machine infernale aussi parce que le grangou assèche les esprits et détruit les âmes.
La menace ! La peur ! Qui n’a pas été abordé dans les rues par une citoyenne ou un citoyen ? « M grangou ! » C’est toujours choquant. Dans notre culture, un adulte qui le dit de cette manière à un inconnu abdique un peu de sa dignité. C’est accepter déjà d’être sous la coupe de l’autre.
Grangou ! Arme de destruction massive de l’être humain très prisée des politiciens. Elle permet d’acheter des votes, de remplir les urnes, les manifestations.
C’est l’âge d’or de l’Hippolyte. Un Hippolyte égale mille gourdes. Florville Hyppolite doit bien s’agiter dans sa tombe. La prostitution féminine, mais aussi masculine, modernité oblige, bat son plein. Tout se mesure à l’aune d’un Hippolyte.
Un homme qui demande à une femme de lui être fidèle !
Un souhait à un citoyen ou à une citoyenne d’être honnête, performant dans son nouveau job ! On court le risque d’entendre cette réponse : « M p ap kite grangoutouye m ».Grangou est devenu un grand guignol, ce macoute menaçant, brandissant non pas une machette, mais sa faucille, pour faire courber les échines, pour trancher les têtes. Tout devient petit, glauque, visqueux.
Ce n’est plus l’impérialisme stade suprême du capitalisme. C’est grangou, stade final de la précarité ! Nous y sommes. On se bat, on s’entretue pour un rien. Le grangou, le drame, attaque le cerveau, les neurones. Les riches chez nous aussi sont des grangous, des affamés. Les riches, grangou et affamés, sont plus dangereux que les pauvres grangou et affamés. Ils s’entretuent, tuent pour garder un marché. Pour empêcher une avancée qui serait bénéfique pour la Nation, mais leur enlèverait quelques pécules. Il leur faut toujours encore plus. Toujours plus.
Grangou, affamés, les riches trouvent des grangou dans les rues pour faire le sale travail pour eux. Des grangou à motos ! Des grangous armés qui éjaculent leur faim pour une poignée de dollars.
Les grangous, les affamés, sont dans tous les couloirs de l’appareil d’État. Pour eux, l’avenir se résume à la sécurité de leur ventre et de leur bas-ventre. Alors il leur faut engranger vite. Très vite.
Lajan ! Anpillajan ! Les enfants dans les rues, les femmes sur les trottoirs, les hommes à genoux… Détails !
Pendant ce temps, la Nation s’enfonce, se délite, s’enlaidit, s’abime dans sa faim de lumière, sa faim de beauté, sa faim de grandeur, sa faim d’humanité.
La Rédaction