En ce premier quart du 21e siècle, le monde est confronté à des défis environnementaux et climatiques majeurs, avec des effets directs sur la santé humaine, les écosystèmes et la biodiversité. On parle de la sixième extinction ou plus largement de l’Anthropocène, c’est-à-dire d’une nouvelle ère géologique marquée par la modification de son cadre de vie par l’homme, au risque de le détruire [Thomas Gomart]. A cela s’ajoutent la guerre, des antagonismes sur le plan géostratégique, idéologique, technologique et monétaire, qui le poussent au bord de bouleversements dont on ignore encore les issus.
1. Des expérimentations qui créent l’espérance
La question environnementale est un problème crucial en Haïti. Elle existe sous plusieurs formes, dont les plus courantes et critiques sont l’insalubrité, la déforestation et la pollution. Un grave problème de société, dont les causes sont largement documentées, pour lequel il importe de promouvoir des contributions intelligentes adaptées localement. Mes expérimentations au Centre Banyen Jardin Labo, initiées en 2018, ont montré que la technologie du jardin garde-manger peut être et, de fait, est un outil de reforestation et mieux encore une technologie régénérative adaptable. En 4 ans, j’ai pu avoir le jardin de mon rêve, grâce à cette technologie qui m’a permis de cultiver et de restaurer mes terres.
2. Processus et résultats
J’ai commencé avec le maraîcher dans un espace non boisé, alors que le reste du terrain évalué à 30 % était plutôt un bosquet dominé par un fromager (« mapou » ou « Ceiba pentandra »). Peu à peu, l’expérience s’est organisée en différentes parcelles qui allaient m’offrir la possibilité non seulement d’élaborer une typologie de jardin garde-manger, mais aussi de tester plusieurs nouveaux cultivars qui marchent. L’expérience s’est poursuivie par la plantation de différentes essences natives, que je récupère dans la zone et ailleurs dans le pays. S’ajoutent des variétés exotiques qui enrichissent le patrimoine végétal local. Chaque parcelle a subi une évolution qui aboutit à un espace restauré exhibant une riche biodiversité végétale, le total cumulé faisant un carreau de terre (12.9 ha) restauré.
Le succès est aussi l’abondance et la diversité de produits totalement naturels que je récolte, me garantissant plus de 70 % de ce que je mange. Je peux raconter la même histoire à succès pour un autre espace de 75/100 de carreau de terre, au Jardin école pépinière, qui est aussi bien couvert et protégé. D’autres espaces en cours d’aménagement, à Vallue, connaîtront dans les 3 prochaines années ce même destin. Si cette technologie est une approche parcellaire de production au rendement exponentiel, elle est également une méthode réaliste, gradualiste et accessible de restauration de grands espaces.
3. Son applicabilité au niveau du petit producteur
C’est le début qui exige le plus d’effort, comme lors du décollage d’un avion. La production végétale et la restauration environnementale peuvent se faire selon la capacité et l’ambition du producteur. Il peut se donner des objectifs d’étape, qui lui permettront de changer à son rythme la réalité de son jardin, de contribuer à la restauration de l’écosystème. Des expériences en cours avec un groupe de 8 familles apporteront des réponses pratiques. Pour l’instant et théoriquement, le secret réside dans cette double trilogie : d’une part, « Confiance, persévérance et patience » ; d’autre part, « Éducation, incitation et coercition ». L’intelligence est l’épice qui permettra de mieux répondre aux attentes.
Conclusion
L’importance de cette technologie pour Haïti, au niveau alimentaire, économique et écologique, se découvrira et se mesurera via la massification de son utilisation. Le Centre Banyen la recommande alors aux secteurs public, privé et de la société civile, pour son implémentation auprès des familles sur le territoire national, en vue de la création de richesses, d’un meilleur standard de vie dans nos campagnes et d’un environnement sécuritaire pour le bien-être des générations actuelles et futures.
Abner Septembre
Sociologue, Entrepreneur
Chercheur en Sociogronomie
Centre Banyen Jardin Labo
Vallue, 7 septembre 2023
