Dans le dictionnaire artistique des Benjamin en Haïti, l'excellence dans la créativité ne se résume pas uniquement à la musique et au spectacle. Mario Benjamin a su inscrire son nom très tôt dans les registres des arts plastiques et visuels, jusqu'à recevoir en 2010, le Prix de la Fondation Blachère à la biennale de Dakar.
Dix ans plus tôt, en 2015, Mario Benjamin a participé à l’inauguration du Mémorial Acte en Guadeloupe, avec une de ses œuvres majeures qui représentent l'image des personnages historiques tels que Toussaint, Dessalines, Christophe. Cette pièce à été ajoutée dans la collection permanente du musée à Point-à-Pitre.
Des tableaux partagés entre de grands formats dans la plupart du temps, et influencés par l'univers abstrait, des ombres ou des reflets de portraits et des personnages visibles, vivants, vibrants ou inventés, tous nuancés par les contrastes et les gammes de couleurs fluorescents: rouge, verte, jaune, entre autres.
Dans l'histoire du carnaval national en Haïti, il faudrait du temps pour rattraper l'un des premiers chars allégoriques construit ou composé exclusivement de drums ou fers découpés qui illuminait dans tous les sens par des motifs abstraits autour de multiples couleurs sur tout le parcours de la plus grande festivité culturelle et populaire du pays. Ainsi signait Mario Benjamin, son passage dans le carnaval national en 2005.
Dans les couloirs et les salles de cours de Haïti Tec, au parc industriel de la Sonapi. La complicité des deux génies artistiques Mario Benjamin et Pascale Monnin, allait offrir l'occasion de découvrir le premier décor vivant pour un centre de formation technique et professionnel qui inspirait l'innovation et la modernité dans l'environnement éducatif en Haïti, lors de de l'inauguration de l'institution le 11 septembre 2001.
Des exemples pour rappeler que le génie artistique et la créativité intemporelle de ce talent ne se limitent pas au seul cadre réduit des tableaux. C'est un maître de peinture haïtienne qui pense, qui explore à la fois la matière tout en anticipant son impact sur l'imaginaire et nos sens. Il ne prend pas de chance. Il dégage la puissance de son pouvoir créatif pour mieux recréer l'ambiance abstraite, surréaliste et infinie.
Dans sa biographie synthétique, on peut lire : “Mario Benjamin est né en Haïti en 1964. Il s'est investi dans les champs artistiques tels la peinture, collage/assemblage, performance, installation, vidéo/cinéma.”.
Disciple de l'art contemporain, son riche parcours ascensionnel lui a permis de faire le tour du monde. Parmi ces expositions de références retenues dans sa biographie, on peut citer en premier lieu ses expositions individuelles réalisées respectivement à : la Maison Revue Noire, Paris (2012) ; Galerie Afronova, Johannesburg, Afrique du Sud (2007) ; Museum of Contemporary Art, North Miami, États-Unis (2003) ; Art Museum of the Americas, Washington DC, États-Unis (2000).
Du nombre de ses principales expositions collectives figurent : la Biennale de la Havane, Cuba (1997); Kréyol Factory, la Villette, Paris (2009); la Biennale de Venise, Italie (2011); La Grande exposition Haïti, deux siècles de création artistique, Grand Palais, Paris (2014).
Difficile de ne pas rattraper que cet artiste peintre, sculpteur ou plasticien dans sa conquête chromatique et esthétique, qui le pousse plus d'une fois à se tourner vers des collaborations croisées et complémentaires, entre les créateurs du fer découpé de la Croix des Bouquets et ceux qui occupaient la Grand rue, dans la capitale haïtienne, entre autres.
Des rapprochements tant philosophiques, esthétiques ou socialisants entre Mario Benjamin une figure incontournable de l'art moderne en Haïti, avec les artistes issus des tendances influencées par l'art naïf, le Vodou entre autres. Il a travaillé avec le sculpteur Nasson, artiste de la Rivière froide, avec les artistes émergents de la communauté (Atis rezistans) de la Grand rue, comme André Eugène et Céleur, Guyodo.
De telles collaborations professionnelles, cohabitations culturelles, ou de connexions multidimensionnelles permettent de confirmer la dimension humaniste et sans complexe chez cet artiste issu des élites, qui fréquente les milieux des masses et cohabite avec toutes les couches sociales locales et internationales. Face à une des œuvres de l'artiste disponible sur son compte Facebook, Maguy Vermande ne pouvait pas s'empêcher d'opiner : "Je vois un visage humain déformé par la haine ou la folie. Est-ce ce que tu veux montrer ?".
De nombreux critiques se sont déjà tournés vers l'analyse des œuvres et l'univers de cet artiste. Vingt ans plus tôt, en 2005, on pouvait lire dans le média en ligne Alterpresse, "L’artiste haitien Mario Benjamin et son homologue chilien Felix Lazo, travaillent depuis le week-end dernier à une fresque commune sur une façade du ministère de la culture, au centre de Port-au-Prince.", sous le titre :"Reportage-Photo : Haïti / Chili - Une fresque à 4 mains.".
Dans le répertoire des artistes du Centre d'Art, on y trouve une riche biographie de l'artiste, rapportant :" Mario Benjamin est né à Port-au-Prince le 12 mai 1964 d’un père architecte et violoniste et d’une mère pharmacienne. Dès l’âge de quatorze ans, il s’initie à la peinture. Dès sa première exposition, à la galerie Festival Arts à Lalue, en 1984, il vend toutes ses toiles. Son style est alors hyperréaliste, privilégiant les portraits en gros plans et insistant sur le regard. Peu après, il opère un revirement, en déconstruisant la symétrie et l’harmonie de ses toiles, mû par l’exigence de trouver son propre langage.".
De son trône artistique, il est reconnu en tant que : "Chef de file de l’art contemporain et pionnier de la performance en Haïti, Mario Benjamin est connu internationalement. Ses résidences artistiques, entre autres, l’emmènent en Europe, en Asie et en Amérique. Il représente régulièrement Haïti dans de nombreuses biennales prestigieuses dont Johannesburg en Afrique du Sud (1997), La Havane à Cuba (1997), Venise en Italie (2001), Gwangju en Corée du Sud (2008), Dakar au Sénégal (2010). Il participe au projet itinérant TRANS, mis en œuvre par la Maison Revue Noire en 2016.".
De nombreux jeunes évoluant dans la capitale et dans plusieurs villes du pays peuvent se sentir honorés de profiter des savoirs et savoirs faire de Mario Benjamin, grâce aux ateliers de formation, les causeries et rencontres animés par ce peintre majeur à l'initiative du Centre d'Art. Les retours des activités artistiques, culturelles organisées au Cap Haïtien en 2025, peuvent justifier les semences artistiques et les récoltes esthétiques nourries par Mario Benjamin et plusieurs autres grands noms de l'art haïtien.
Depuis sa première exposition organisée pendant son adolescence, qui a été un succès avec la vente de toutes les toiles, depuis son initiation à la fin des années 70, Mario Benjamin s'est positionné dans la plupart des cas à contre courant de certains mouvements artistiques ou esthétiques, parmi les plus connus depuis plus de quatre décennies. Son nom, son style, son parcours et sa vie suffisent pour apprendre et comprendre la profondeur du sens de la pensée de Jean Michel Basquiat, selon laquelle : "Je n'écoute pas ce que disent les critiques d'art. Je ne connais personne qui ait besoin d'un critique pour savoir ce qu'est l'art.".
Dominique Domerçant
