À 26 ans, René Peterson, connu sous le nom de Gabawou, fait de la création un acte de résistance. Loin d’être une échappatoire, l’art devient pour lui une manière de conjurer la grisaille. Son travail cherche à métamorphoser la douleur en lumière. Rencontre avec l’artiste…
Le National : Qui es-tu, Gabawou ?
Gabawou : Mon vrai nom René Peterson. Gabawou est mon nom d’artiste. Je suis né le 19 mars1999 à Port-au-Prince. Je poursuis actuellement des études à l’École Nationale des Arts (ENARTS) tout en faisant de la sculpture et de la peinture.
Le National : Parle-moi un peu de ton travail artistique !
Gabawou : Je pratique le dessin et la peinture depuis 2018, c’est à partir de 2023 que je me suis tourné vers la sculpture, une discipline dans laquelle je trouve une nouvelle dimension expressive.
Le National : Comment tu te situes du point de vue artistique ?
Gabawou : J’appartiens à cette nouvelle génération d’artistes haïtiens qui font de la création une forme de résistance, une manière d’habiter le monde avec lucidité et passion. Très tôt, j’ai découvert dans l’art une échappatoire, un moyen de transformation intérieure. L’art est d’abord apparu comme un antidépresseur, une manière de canaliser la douleur pour en faire jaillir la beauté.
Le National : Que cherches-tu à travers tes œuvres ? Quels sont tes thèmes ?
Gabawou : J’essaie d’explorer les grandes questions sociales et humaines. Mon travail s’articule autour de plusieurs thèmes : la place des femmes dans l’histoire, les droits de l’enfant, l’hommage aux combattants et la lutte contre la dépression.
Le National : Avec quel matériel tu travailles ?
Gabawou : Principalement avec l’argile et la résine. Je sculpte des figures symboliques, souvent habitées par une intensité émotionnelle et spirituelle. Mes créations constituent un appel à la conscience, une manière de rappeler que l’art peut encore éclairer les zones d’ombre de la société.
Le National : Quel est le sens du nom “Gabawou” ?
Gabawou : Pour moi, ce pseudonyme n’est pas qu’un nom d’artiste, mais une déclaration d’identité : l'incarnation, la manifestatio des invisibles. Il résume ma foi, mon combat, mon patriotisme et ma passion pour l’art. C’est la lumière qui brille à travers moi. Une flamme révolutionnaire de conscience et d’amour. Ce nom incarne la dimension spirituelle et militante de son œuvre, où chaque création devient un geste de foi et d’espérance.
Le National : On peut dire que tes œuvres sont porteuses de mémoire quand on considère certaines de tes réalisations, comme par exemple les bustes emblématiques telles que Sanité Bélair et Manno Charlemagne.
Gabawou : On le dire. L’œuvre dont je suis le plus fier, est le buste de Sanité Bélair. Elle résume toute ma philosophie artistique : rendre hommage à la femme combattante, symbole de courage et de dignité. Cette sculpture reflète parfaitement mes idées, mon idéologie de la femme guerrière, et me fait souvent penser à ma mère.
Le National : Mais tu n’as pas encore exposé. Pourquoi ?
Gabawou : Non ! Pas encore, mais je prépare actuellement un projet d’exposition consacré aux femmes icônes de la société haïtienne. À travers cette future série, je souhaite inspirer la jeunesse, féminine et masculine à cultiver le respect de soi, de la femme. Briser les stéréotypes de genre et montrer la femme comme actrice centrale du changement.
Le National : Quelle est ta vision de l’art haïtien ?
Gabawou : Pour moi, l’art haïtien doit continuer d’évoluer comme un espace de conscience et de solidarité, capable de dialoguer avec le monde tout en gardant son enracinement culturel et spirituel.
Le National : Quels ont été tes modèles ?
Gabawou : Formé à l’ENARTS et dans l’atelier Création Tob’s, j’ai été influencé par des artistes tels que Seize Berthony et Woodly Caïmite, dit Filipo, figures majeures de la scène artistique contemporaine haïtienne.
Le National : Quel message donnerais-tu aux jeunes artistes comme toi ?
Gabawou : Je leur adresse un message simple mais essentiel : « Croyez en la lumière que vous portez ! C’est par elle que vous changerez le monde ! »
(Propos recueillis par Régine Nicolas)
