De la mythique, artistique et touristique ville de Jacmel, à la capitale haïtienne Port-au-Prince dans le temps, le jeune Hérode Guirand allait dessiner ses pas dans l’art tout en inscrivant son nom dans l’histoire culturelle haïtienne.
Dessinateur, peintre et plasticien, il est issu d’une famille modeste, au sein de laquelle il affirme voir : “débuté dans l'art à l 'âge de 8 ans.”. “Mais je n'avais toujours pas été passionné par tout ce qui était manuel. Je cherchais cette connexion spirituelle avec la nature. Et c'est à l'école tout jeune que j'ai fait la rencontre de Jean Ménard Derenancourt qui a aiguisé mon talent d'artiste.” se rappelle-t-il.
Des influences esthétiques croisées dominent le parcours artistique de cet artiste, qui rapporte: “Après mes études en Business et Administration, je suis rentré à l'Ecole nationale des Arts (ENARTS), au département des Arts plastiques, où j'ai rencontré le célèbre peintre le professeur Cédor , Frank Louissant .”. Il poursuit:“Parallèlement j'ai eu une session de 2 ans en Art dramatique et poésie au Théâtre nationale avec le professeur Rasoul Labuchin, discipline à laquelle j'ai été initié depuis l'école classique avec Roudy Cilaire et Lobo Dyabavadra...”.
D’autres points importants à retenir, suivant les témoignages d’Hérode Guirand. Il raconte: “Le style de Jean Ménard Derenancourt a imprégné mes œuvres pendant un certain temps, mais comme je suis un chercheur dans l'âme, j'ai été booster par le non-conformisme pour retrouver ma voie.”.
Des nuages colorés servent de fond de scène pour un imposant Vèvè, dont le choix des couleurs qui dominent les lignes du symbole sacré laissent entrevoir le profil du personnage mystique en question, qui fait référence dans certains sens à l’amour et l’abondance dans le Vodou haïtien.
Dans une autre œuvre également symbolique ou mystique tout court. Un personnage féminin visiblement nu, dispose d’un tambour devant son bassin pour tenter de cacher un éventuel chemin qui mène à la vie. Autour, on observe un escalier et d’autres voies plus bas, qui mènent certainement vers un endroit sacré en dehors du temps. En vérité, nos observations portées autour de la majorité des œuvres picturales signées Hérode Guirand, au cours des quatre derniers mois dans le cadre de nos recherches sur le sujet, nous laissent croire que cet artiste plasticien ne rate jamais l’occasion d’imposer entre ses paysages figuratifs et les personnages centraux et symboliques qu’il héberge dans ses tableaux, une motivation manifeste, qui s’aligne autour d’une démarche à la fois initiatique et mystique.
Des quatre éléments de la nature, il en fait son cheval de bataille pour affirmer ses connexions avec l’être suprême, le divin, ou plus particulièrement les puissance mystique et invisibles qui habitent les multiples représentations qui donnent force et forme à l’eau, à l’air, au feu et à la terre.
Dans le parcours de ce peintre, plasticien, professeur et poète entre autres, Hérode Guirand les tableaux retenus, utilisant en particulier les techniques de peinture acrylique sur différents supports. Sa peinture ne cherche surtout pas à plaire aux esprits paresseux. Encore moins, elle ne vise pas à peindre le beau. Tout laisse croire que l’artiste utilise son art comme une forme d’écriture sacrées, ou les couleurs et les lignes se confondent à des mots codifiés dans le langage pictural et plastique.
Du ciel et de la terre, en passant par l’image d’un autre personnage visiblement féminin dans un autre tableau de Guirand, cette dernière œuvre magistrale est traversée par une source abondante séparée entre la montre qui symbolise le temps, et les écrits qui décrivent la parole sacrée. Ici tout est beau, et pratiquement bleu dans la dominance chromatique.
Dans l’étendue d’un ciel bleu, on constate les mouvements de tourbillon qui se déclinent à travers des éclairs. Cette partie du tableau confirme ainsi les mouvements d’une connexion à travers des éclairs en pleine communication. Tous les regards conscients peuvent constater que l’artiste tente par tous les moyens à capter à travers ces expressions, de l'énergie et des émotions qui se dégagent dans le visage silencieux du personnage central de l’œuvre qui alimente la source féconde.
D’où vient cette inspiration partagée par l’artiste peintre Hérode Guirand ? Et si ce personnage central de l’œuvre à la fois transparent et imaginaire, n’était autre que le portrait de la muse de l’artiste Hérode Guirand, que ce dernier voulait bien célébrer dans une forme d’hommage ?
Derrière son statut d’artiste peintre, il se confirme à la fois comme un éducateur artistique et en tant qu’entrepreneur social solidaire. A titre de rappel, il ne manque pas de souligner sa collaboration dans le temps avec les artisans de la Croix des Bouquets, et de plusieurs autres quartiers de la capitale, il y a plusieurs années. Son nom figure dans la mise sur pied de la Société Haïtienne des Arts Plastiques et de l’Artisanat (SHAPA), dont il était le coordonnateur.
D’autres actifs dans son parcours, notamment en 2001 il est devenu le coordonnateur-adjoint de “Konbit Lawouze” une organisation de jeunes plasticiens de sa promotion. En 2002, l’artiste rapporte qu’il a exposé ses œuvres en compagnie d’autres artistes haïtiens et curaçaolais à San Pedro de Marcoris, et au Secretaria de Estado à la Cultura, en République dominicaine dans le cadre du festival annuel “Festival del Tambour”.
Durant l’année 2003, Il a œuvré comme coordonnateur-adjoint de la Société de la Culture et des Arts (SOCARTS). Et en 2004, les notes qui composent sa biographie racontent qu’il a présenté une nouvelle figure de son travail en exposant une combinaison d’œuvres de céramique à la Bibliothèque du Soleil, la principale institution culturelle fondée et dirigée par l’artiste peintre et journaliste Pierre Clitandre, ancien directeur du journal L‘Union.
Dans les semaines qui suivent le tremblement de terre de 2010, qui a dévasté Port-au-Prince, l’artiste Hérode Guirand souligne qu’il a dû déménager à Jacmel, dans le cadre de ses activités humanitaires, où il a continué à enseigner la peinture et le dessin à l'École d'Art et de Métier de Jacmel et à la FOSAJ.
De nombreuses distinctions obtenues très tôt, Guirand s’en réjouit d'avoir reçu à ses douze ans, son premier prix au concours de dessin organisé par la maison d’éditions “Prix Henry Deschamps”, en 1985.
Déjà quarante ans, il se souvient autant des autres prix et certificats de mérite qui lui ont été décernés, notamment par l’UNESCO, l’OPDES (ancienne structure de la protection civile dans le temps), et celui du ministère des Affaires Sociales entre autres.
Dans la liste des anciens étudiants issus du département des arts plastiques de l’ENARTS, inscrits dans les dernières cohortes à la fin des années 90, l’artiste peintre Hérode Guirand figure parmi les plus dynamiques créateurs et acteurs culturel de sa génération. En dehors des crises et des catastrophes de toutes sortes sur le plan social et environnemental, ainsi des certaines des limites observées dans l’analyse respectives des œuvres et la trajectoire artistique et sociale de l’artiste, Hérode Guirand se confirme à la fois comme un artiste visionnaire, déterminé, polyvalent et influencé par l’univers sacré.
Dominique Domerçant