En publiant Les Aimables Petits Diables de la Rue Bijou, le premier roman de l’auteur Jacob Jean-Jacques, Littéra marque, après son lancement officiel son grand début dans une aventure littéraire unique, portée par des valeurs de créativité, de diversité et de soutien aux voix émergentes. Ce premier texte, qui selon l’éditeur, est riche en émotions et en profondeur, plonge le lecteur dans un univers intime avec les survivances qu’apportent les gestes de l’ enfance pour l’adulte qu’on est aujourd’hui, où le narrateur souvent naïf et généreux, invite à lire comme on se redécouvre soi-même à travers les yeux d’un enfant.
À travers cet entretien, plongeons dans l’histoire de l’éditeur des Éditions Littéra, Calems Fleurit, tout en explorant les défis, sa vision de la littérature et les ambitions qui façonnent l’avenir de Littéra..
Le National : Pouvez-vous nous parler de la genèse de Calems Fleurit ?
CALEMS FLEURIT : Je ne sais jamais quoi dire sur moi. Parler de soi en utilisant le « Je » me met souvent mal à l’aise . Mais toute fois, mon enfance est partagée entre Carrefour et Petit-Goâve. J’ai fait toutes mes classes à Petit-Goâve, au National Borno Lamarre et au Lycée Faustin Soulouque. Maintenant, je suis étudiant en L2 à l’École Normale Supérieure. J’ai été initié de très tôt à la Littérature, bientôt 10 ans. J’ai des appréhensions de critique Littéraire (Je m’invente critique parfois afin d’aider à palier cette dérive qui sévit dans la littérature contemporaine), ce qui me permet d’aider certaine fois des camarades dans l’écriture de leurs textes. Vivant pour la chose littéraire en tant qu’opérateur culturel et passeur de culture, j’anime souvent à Petit-Goâve des ateliers de lecture et d’écriture en Collaboration à des Poètes et Journalistes de renom dans le milieu, comme Samuel Clermont, Jacob Jean-Jacques, Kerby Vilma, Penn Yserve… Enfin, Je suis directeur de plusieurs associations Littéraires, comme Aventure Littéraire, LABA (La Bibliothèque Ambulante) et depuis 2022 des Éditions Littéra.
LN : Qu’est-ce qui vous a motivé à fonder cette maison d’édition et quelles étaient vos ambitions initiales ?
CF : J’ai créé Littéra afin d’offrir un espace aux jeunes auteurs, qu’ils puissent partager leurs voix et leurs perspectives uniques dans le milieu littéraire. Souvent, les jeunes écrivains rencontrent des obstacles liés au manque de visibilité ou aux ressources nécessaires pour publier leurs œuvres. Littéra vise à briser ces barrières en leur fournissant un espace où leur créativité et leurs idées peuvent s’épanouir. J’ai compris tout en grandissant et en lisant que, par sa conviction que chaque écrivain, peu importe son âge ou son expérience, a une vision du monde qui mérite d’être entendue. C’est pour cette raison qu’à travers Littéra, je chéris une démarche inclusive et collaborative, en valorisant non seulement les talents émergents, mais aussi en stimulant l’engagement des jeunes dans la sphère culturelle et intellectuelle du pays.
LN : Quel est le positionnement de Calems Fleurit sur le marché de l’édition actuelle ?
CF : Je me distingue par mon engagement envers les jeunes écrivains et la promotion d’une littérature alternative et inclusive. Contrairement aux grandes maisons d’édition, souvent centrées sur des auteurs confirmés ou des tendances commerciales, Littéra se concentre sur l’accompagnement des talents émergents, en particulier ceux qui n’ont pas toujours les moyens ou les réseaux nécessaires pour se faire publier.
LN : Quel rôle accordez-vous à la littérature locale et à la diversité des voix dans vos choix de publication?
CF : Pour moi, la littérature locale occupe une place centrale dans nos choix de publication. Je m’engage à préserver et valoriser le patrimoine culturel et linguistique du pays, notamment en mettant en avant ses langues et les récits qui reflètent nos réalités historiques et sociales. Offrir un espace aux écrivains haïtiens, qu’ils soient débutants ou confirmés, permet de renforcer leur visibilité et de promouvoir une littérature qui parle directement au peuple. Par ailleurs, j’accorde une grande importance à la diversité des voix, car elle enrichit le paysage littéraire et déconstruit les représentations uniformisées. En publiant des œuvres variées, je valorise des récits souvent marginalisés, tout en créant des ponts entre les cultures et en favorisant les dialogues interculturels.
Chaque voix compte et contribue à refléter une humanité plurielle. La diversité est une force, et je crois que les histoires, qu’elles soient locales ou globales, méritent d’être entendues. Ainsi, avec Littéra je m’attache au fait de conjuguer identité culturelle et ouverture au monde, en donnant vie à une littérature plus inclusive, porteuse de sens et fidèle aux expériences humaines, notamment celles haïtiennes.
LN : Quelle place accordez-vous aux auteurs émergents et aux récits originaux ?
CF : Chez Littéra, nous valorisons les auteurs émergents et les récits originaux, car ils apportent une fraîcheur et une diversité essentielles à la littérature. Nous offrons un accompagnement personnalisé pour aider les jeunes écrivains à concrétiser leurs projets et à se faire une place dans le milieu éditorial. Les récits innovants, qu’ils abordent des thématiques inédites ou des formes nouvelles, sont au cœur de notre mission. En mettant en lumière ces voix singulières, nous voulons participer à la construction d’une littérature plus inclusive et créative, ouverte à toutes les cultures.
LN : Calems Fleurit semble avoir un intérêt particulier pour les récits intimistes et les voix singulières ?
CF : Oui très certainement. En 2023, J’ai eu la chance de lire les travaux de Deleuze et Guattari faites sur la littérature marginale, depuis lors mon engagement envers ces œuvres reflète une volonté de valoriser les histoires qui osent explorer des thématiques personnelles ou marginales, souvent négligées par les circuits traditionnels de l’édition. C’est cette même souci de comprendre les écrits des marges, de mettre en lumière les marginaux de la littérature haïtienne qui anime notre ligne éditoriale aujourd’hui, faisant de ces récits un pilier essentiel de notre catalogue.
LN : Est-ce que cela correspond à une volonté de redonner de la place à une littérature plus humaine et proche du quotidien ?
CF : Tout à fait. Ma proposition avec Littéra correspond bien à une volonté de redonner à la littérature une dimension profondément humaine et ancrée dans le quotidien. En m’intéressant aux récits des marges, nous tentons de valoriser des voix souvent étouffées par les structures dominantes et replacent l’expérience individuelle au cœur des problématiques collectives. Selon moi, cette approche fait de la littérature un outil de résistance et d’expression des réalités vécues, tout en rapprochant l’écriture des préoccupations concrètes, sociales et politiques. En somme, elle s’éloigne des abstractions littéraires pour mettre en lumière des récits sincères, enracinés dans la vie quotidienne et porteurs d’une forte charge humaine.
Propos recueillis par Godson MOULITE