Elle est née en 1977 dans les Hauts-de France. Franco- Marocaine, issue d’une famille d’origine berbère marocaine. Après l’obtention de son baccalauréat en 1996, elle rejoint l’université Paris -Créteil dont elle sort diplômée en santé au travail préventeur. Elle se spécialise également ensuite en audit-santé-qualité et en formation préventive auprès des entreprises françaises. Entre 2015 et 2016, elle organise et participe des cafés littéraires entre Afrique du Nord et France et devient chroniqueuse à Radio Confluences à Marseille en 2016 pour la rubrique culture. En 2017, elle participe à la délégation marocaine du salon du livre comme médiatrice culturelle. Membre du jury du prix littéraire « D’ailleurs et d’ici » 2020 et présidente du « Prix René Depestre » en 2023, elle a été nommée Marraine de la troisième édition du festival de poésie « La Tour Poétique » organisée par l’association Apulivre. En septembre 2024, elle intègre la direction collégiale de la quatrième édition de ce festival en juin 2025. Également Voix off pour documentaires comme pour la FENIP au Maroc.
Rachida Belkacem reste actuellement incontournable dans le milieu culturel parisien, elle incarne aujourd’hui ce qu’il faut d’accessibilité, de bienveillance, d’humeur joyeuse et reste une acharnée de travail.
Le National : Pouvez-vous nous parler de votre enfance et de vos premières influences en tant que franco-marocaine issue d’une famille berbère en France ?
À l’origine, nous sommes plutôt une famille ordinaire, cependant mon père a toujours eu envie de nous voir apprendre et évoluer et ce dans tous les domaines. Cela m’est arrivé souvent au cours de mon temps libre d’aller à la bibliothèque de la ville en compagnie de ma sœur ou d’une amie. La bibliothèque, un lieu fascinant de découverte en découverte, c’était un réel espace de liberté pour moi, cela a nourri mon imaginaire, j’ai eu un certain nombre de projets dans ma tête très tôt du fait de ma curiosité.
De plus ma grand-mère a exercé une grande influence sur moi c’était une femme forte, déterminée et d’une certaine manière assez libre dans un Maroc en changement.
Dans les valeurs qui m’ont été transmises par mes parents, je retiens celle du travail et du partage.
Enfin la rigueur et le respect de l’autre comme notions fondamentales, j’ai grandi avec cela, comme un socle solide cela m’a permis d’être plus aligné à mes aspirations profondes. Vous savez, j’ai beaucoup lu dans ma jeunesse. Je continue d’aimer lire j’essaie de transmettre ma passion du livre.
LN : Quel rôle avez-vous joué en grandissant dans la préservation de votre culture berbère, et comment cette identité a-t-elle façonné votre parcours personnel et professionnel ?
Avec l’amazighité, j’ai découvert une langue, un univers, ses codes ce n’est pas du folklore : c’est une part essentielle de l’histoire et de l’identité nord-africaine avec la valeur forte de liberté.
La transmission de cette identité par mes parents a eu pour but aussi de lutter contre sa disparition et la préservation de sa culture, pouvoir le faire à travers un livre pour ma part reste essentiel à mon sens.
Qui peut ignorer que l’immigration en France est majoritairement nord-africaine et berbérophone ? L’identité berbère est un tissu complexe de diversité régionale et national, d’héritage historique et de fierté culturelle qui continue de prospérer et de contribuer à la diversité culturelle de l’Afrique du Nord et même au-delà.
Le concept du patrimoine culturel immatériel est de très grande importance pour des sociétés traditionnelles et des cultures d’essence orale comme le berbère, par exemple la langue amazighe est mieux conservée dans les traditions et les expressions orales que dans n’importe quel dictionnaire, et la disparition de l’un entrainera inévitablement la disparition de l’autre.
Rester vigilant à sa préservation voilà une de mes obsessions.
LN : Après votre baccalauréat en 1996, vous avez poursuivi vos études à l’université Paris-Créteil. Pourquoi avez-vous choisi la santé au travail et qu’est-ce qui vous a poussé à vous spécialiser ensuite en audit-santé-qualité ?
La santé préventive et la promotion de la santé sont essentielles pour conserver et améliorer le bien-être, j’aime être en lien conseiller et apporter mon expertise pour accompagner les entreprises et les salariés dans leurs quotidiens au travail.
La mission d’auditrice reste une manière d’accompagner les professionnels à répondre aux exigences de normes des tutelles.
LN : En quoi consiste votre travail de prévention dans les entreprises et comment vos compétences ont-elles évolué au fil du temps ?
Être au contact de l’humain au quotidien, conseiller sur la santé mentale et physique m’apporte énormément de satisfaction, c’est cela que j’exerce au sein d’un cabinet inter-entreprises.
Je remercie pour cela depuis quelques années Efficience santé au travail et les entreprises pour la confiance et la collaboration.
LN : En 2015-2016, vous avez organisé des cafés littéraires entre l’Afrique du Nord et la France. Quelles étaient les thématiques abordées et quelle a été l’importance de ces événements dans la promotion de la culture maghrébine ?
Aucune thématique, un grand espace de liberté, j’avais surtout eu envie de mettre en avant les nouveaux talents de la culture de l’Afrique du Nord.
Permettre une visibilité de nouveaux talents c’était l’objectif principal !
LN : Comment votre rôle de chroniqueuse à Radio Confluences vous a-t-il permis d’élargir votre engagement dans la diffusion de la culture ?
La radio est venue à moi comme une évidence. Je ne l’ai pas choisie. C’était pour moi un fabuleux champ d’improvisations, je découvrais que j’avais « une voix ». Fantasque, curieuse, j’ai vogué sur ces ondes avec sérieux, en demande d’apprendre, de me former au métier de chroniqueuse, je remercie d’ailleurs Boualem Mécabih pour cette opportunité. Au sein de Radio G j’ai pu mettre en valeur des portraits d’écrivains, de producteurs de musique de film, etc… d’Afrique du Nord, chroniquer est une discipline particulièrement exigeante m’ayant permis d’incroyables libertés.
LN : Que représente pour vous le prix littéraire « D’ailleurs et d’ici », et comment abordez-vous votre rôle de membre du jury ou de présidente de prix, notamment le Prix René Depestre en 2023 ?
Participer à la découverte de nouveaux talents du monde entier, ce fut pour moi l’occasion de découvrir de nouveaux horizons et de permettre aux nouveaux auteurs de partager leurs créativités.
En ce qui concerne la présidence du prix « René Depestre » en 2023, il s’agissait de mettre en avant la diversité, son potentiel et sa créativité et de rendre hommage à ce grand écrivain, pour ma part cela m’a permis de continuer aussi à découvrir la littérature de l’Amérique latine, Haïtienne, cela m’a ravie.
Je remercie les Editions Milot en l’occurrence Donel Saint Juste et Marc Cheb Sun.
LN : Comment percevez-vous l’évolution de la poésie francophone à travers vos propres publications, comme « La révolte des secrets » ou « Phronésis » ?
La révolte des secrets est un roman édité en 2019 par les éditions Orion, je remercie Abdelhak Najib pour cette opportunité, parler de transmission, aborder la maladie, la séparation et surtout la transmission à travers ce livre fut un réel accomplissement pour moi.
En revanche « Phronesis » ou « l’Odyssée des possibles » des Editions Mindset à Paris sont des recueils de poésie comme des mantras pour dépasser nos difficultés du quotidien et extraire des morceaux lumineux de beauté et d’espoir.
Il est important aujourd’hui encore plus qu’à n’importe quelle époque d’apporter des nuances dans nos existences, y distiller de la beauté ; la poésie permet cela.
LN : Vous vous êtes engagée activement dans la lutte pour l’égalité des sexes. Quelles initiatives concrètes avez-vous mises en place pour soutenir cette cause, à la fois en France et au Maroc ?
Au Maroc par exemple par des initiatives concrètes de lever de fonds pour des associations pour mères célibataires des rues en 2016.
J’ai très envie de poursuivre cela en 2025.
LN : Pouvez-vous nous expliquer votre vision du « vivre ensemble » et comment vous défendez les valeurs républicaines françaises à travers vos actions ?
J’estime que les valeurs républicaines françaises sont des valeurs nobles de liberté et de respect.
Mais il reste très important que, dans un pays comme la France, qui est un pays qui a une très longue histoire, on se souvienne et que l’on ait, ensemble, des symboles communs qui nous unissent. Nous vivons dans un monde où tout est fait pour nous différencier, nous séparer, continuer à mettre du lien, organiser des initiatives culturelles comme Apulivre à Paris pour permettre au citoyen synergie et partage.
La meilleure manière de défendre est la transmission également auprès de la jeunesse, c’est essentiel !
LN : Vous luttez aussi pour la meilleure prise en charge médicale des femmes au travail. Quels sont, selon vous, les principaux défis dans ce domaine et comment envisagez-vous d’y répondre ?
Absolument, dans mes consultations je suis très attentive à la santé des femmes, je tente continuellement de me former pour être à la hauteur des besoins des femmes au travail aujourd’hui.
LN : En tant que défenseuse de l’identité berbère, comment sensibilisez-vous le public aux richesses de cette culture, notamment à travers vos activités de Voix Off pour les documentaires ?
Mon activité Voix off n’a rien avoir avec ma berbérité, il s’agit d’une autre activité, j’ai dernièrement enregistré des capsules documentaires pour la FENIP au Maroc, je remercie par ailleurs Lynx Média de Casablanca pour son accompagnement et la collaboration.
LN : Vous êtes impliquée dans la direction collégiale de la quatrième édition du festival « La Tour Poétique » en 2025. Quel est l’objectif de ce festival, et en quoi votre contribution pourrait-elle enrichir cette initiative ?
Tout d’abord par amour des livres et de la poésie, de plus j’ai mis en place une belle collaboration à l’international entre différents pays comme la Grèce et le Mexique.
Il s’agit d’une bonne manière de potentialiser nos talents culturels je remercie par ailleurs Hacen Lefki et Amar BenHamouche pour la confiance et le professionnalisme au sein d’Apulivre.
LN : Quels sont vos projets à venir, tant dans le domaine littéraire que dans l’engagement social ?
Juste continuer à m’investir, à faire des ponts entre les cultures et à partager !
LN : Avez-vous des projets spécifiques qui vous tiennent à cœur en 2024 et au-delà ?
Il y aura de belles surprises pour 2025 !
LN : Comment avez-vous vécu les distinctions que vous avez reçues, notamment le « Coup de cœur » au Salon du livre de Soissons en 2023 et votre titre d’ambassadeur de la Divine Académie des Arts et des Lettres ?
Je suis à la fois très reconnaissante pour l’attribution de ces prix, tout en essayant de garder la tête froide. Continuer coûte que coûte à écrire, à forger en moi un rapport encore plus intime à l’écriture, continuer à conter demeure en moi intact, quoi qu’il arrive. Ce plaisir lié au livre reste et restera mon ultime récompense.
Le reste, je l’accueille à bras ouverts avec gratitude.
LN : Quel impact ces honneurs ont-ils eu sur votre parcours et votre vision de l’art et de la culture dans la société contemporaine ?
Aucune, ce qui m’anime reste l’humain dans sa complexité, sa différence et dans son intimité.
Continuer à explorer l’humain à travers ma profession et l’art sous toutes ses formes m’anime et me comble tout simplement.
LN : En rétrospective, quels conseils donneriez-vous aux jeunes générations souhaitant s’engager dans la culture, la littérature et les causes sociales ?
Lire et oser toujours et encore, se souvenir que la notion de partage reste centrale dans l’écriture.
LN : Enfin, comment aimeriez-vous être perçue par les futures générations, notamment dans votre double rôle de militante culturelle et d’écrivain ?
Le seul impact que je souhaite avoir est d’instiller dans l’imaginaire des futures générations le champ des possibles, savoir qu’il reste toujours réalisable de dépasser les frontières pour s’accomplir pleinement.
Se souvenir que nous sommes tous richesses et mouvements.
« Il faut toujours connaître les limites du possible. Pas pour s’arrêter, mais pour tenter l’impossible dans les meilleures conditions », Romain Gary.
Je vous remercie infiniment pour cette interview et souhaite à tous mes lecteurs une douce année 2025.
Propos recueillis par Godson MOULITE