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De la poésie tout court !

« Tempes », titre d’un recueil de poésie de ...Nathanaël paru au Legs édition. Un ouvrage soigneusement illustré avec une gracieuse peinture de l’artiste haïtienne, Sergine André. Une écriture hors du commun !

 

Née au Québec en 1970, l’écrivaine n’est pas à son premier coup d’essai. À son actif, vingt recueils de poésie, des romans, en tout plus de quarante ouvrages publiés.

 

Tempes – le dernier en date - est tellement beau avec ses magnifiques poèmes qu’on a envie après l’avoir lu de le lire à haute voix. Ses constructions poétiques belles comme le bleu du ciel de l’Île-à-Vache ont de quoi subjuguer le lecteur. Ses magnifiques métaphores nous émeuvent, avec des images tantôt gaies, tantôt attendrissantes, voire désopilantes. Magie d’une construction linguistique rendant une langue-parure. Un petit bijou qu’on dirait sortir tout droit de l’imaginaire du poète américain Robert Frost tant la magie de mettre des mots sur nos maux se fait incandescente.

 

Il est incontestable que ce recueil illustre à la perfection, ce à tous les niveaux, la réinvention poétique par sa profondeur, son originalité, et sa capacité à transcender les conventions traditionnelles. En utilisant la langue de manière si innovante, en jouant avec la syntaxe et la structure des vers pour créer un rythme unique et envoûtant, elle a accouché d’une œuvre forte. Son écrit riche en métaphores et en images oniriques transportent le lecteur dans un monde où la réalité et le rêve se confondent, telles les descriptions évoquant le passage du temps et l'intensité des émotions humaines.

 

Les poèmes se présentent souvent sous une forme fragmentée, reflétant la nature éclatée de l'expérience humaine. Cette structure permet une lecture dynamique où chaque fragment contribue à une mosaïque poétique plus large. Dans un style volontiers fluide, Nathanaël explore des thèmes universels : l'amour, la perte, la mémoire et l'identité. Sujets sensibles abordés avec une sensibilité et une profondeur qui touchent les lecteurs de divers horizons. Tout cela à cause de sa maîtrise de l'art de l'écriture visuelle, en créant des scènes poétiques qui s'animent devant les yeux du lecteur. Chez elle, cette capacité à peindre avec des mots et des anaphores est une forme de réinvention poétique qui renforce l'impact émotionnel de chaque texte.

 

Les anaphores sont construites de telle manière que le lecteur non averti ne verra pas forcément le colossal travail réalisé. Dans un acte de renouvellement de la langue, Nathanaël fait dégager dans sa poésie des parfums d’authenticité, résultat d’un travail implacablement minutieux où il déploie un kaléidoscope de sensations et de pensées, de saveurs tissées avec une finesse d’écriture qui envoûte et captive. Son art est comparable à une danse délicate.

 

Chez elle, les mots deviennent des pinceaux, et les images qu'ils dessinent s’assemblent en une tapisserie mouvante, toujours changeante, comme les reflets dans un miroir d’eau. L’auteur excelle dans l’art de la mise en scène poétique, où chaque vers est une scène, chaque strophe un acte d'un théâtre intime. Une mer de tempes battantes, un espace où les pensées et les émotions se croisent et se heurtent, se mêlent et se séparent, telles des vagues incessantes. Les anaphores à répétition rythmique donnent une cadence hypnotique aux poèmes, chaque retour d’un mot ou d’une phrase semblant résonner comme une incantation, un souffle régulier dans la symphonie poétique de l’autrice. « J'ai pourchassé le siècle tel que l'on fuit un idéal, et j'ai trouvé à l'heure des remontrances que le mensonge s'était infiltré dans le socle effrité du corps attendu, penché sur sa misère. En l'hébétude, le mot désarçonné se contrefait, épuise l'arrivée, en un lieu déjà repu. Tu étais ce lieu, et moi j'étais son souffle exténué. Un lieu sans visage, une respiration accablée, et eaux mortes comme si nous en exigions la preuve. Tu n'avais rien prévu de cela. »

 

Imaginaire et émotion sont au rendez-vous pour notre plus grand plaisir, car dans ce recueil tout est beauté, suggéré avec un sens aigu de la sublimation.

 

Sans cesse, elle joue avec les sens et l’imagination du lecteur. Les poèmes, comme des éclats de verre, reflètent la lumière sous des angles multiples, offrant des visions fragmentées, mais lumineuses du monde intérieur de l’artiste. Les images à la fois vaporeuses et oniriques nous invitent à plonger dans un univers où la réalité et le rêve se confondent, où chaque mot est une porte vers une nouvelle dimension de perception. Le lecteur ne cessera de s’extasier devant tant d’images sur fond de grandioses paysages qu’elle dépose sous nos yeux éblouis par ces rituels poétiques séduisants et humains à la fois. Nathanaël fait voyager le lecteur dans les labyrinthes de ses pensées poétiques les plus époustouflantes. Une pente tout à fait convaincante, car toute création poétique a une dimension humaine et là-dessus, Nathanaël est à son aise, car sa poésie par endroits symbolique contient des pensées philosophiques.

 

Pour le lecteur averti, Tempes est un défi délicieux, un labyrinthe de mots à explorer, chaque détour révélant de nouvelles couches de signification et de beauté. Pour le profane, c’est une invitation à se perdre dans la mélodie des vers, à se laisser emporter par le flot des images et des émotions, sans chercher à tout comprendre : il suffit de ressentir chaque nuance, chaque vibration poétique. C’est aussi un livre où la poésie devient une musique, chaque vers une note qui résonne longtemps après l’avoir été lu. C’est aussi un voyage à travers les tempêtes de l’âme, un dialogue entre le silence et le son, une exploration des profondeurs cachées de l’être, rendue avec une maîtrise artistique qui touche au sublime.

 

Plus qu'une simple collection de poèmes, c'est une œuvre d'art en perpétuel mouvement, une ode à la beauté de la langue et à la complexité de l'expérience humaine. Ce petit joyau poétique mérite bien le « Prix international de l’invention poétique » que Nathanaël a remporté l’an dernier.

 

Maguet Delva

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