Primé en 2023 dans le cadre de la deuxième édition du Prix international de l’Invention poétique, le dernier recueil de la poétesse Nathanaël, Tempes, vient de paraître chez LEGS ÉDITION.
Tempes est un livre qui fait au total 106 pages. L’illustration de couverture est l’œuvre de l’artiste-peintre Sergine André. Une note d’éditeur, en guise de préambule, portant la signature de Dieulermesson Petit Frère situe les conditions et contextes de publication du livre tout en revenant sur la naissance du Prix international de l’Invention poétique en 2021. L’on apprend que le livre a fait l’objet d’une censure, suite à un conflit opposant d’abord l’autrice et l’éditeur, ensuite l’autrice et l’association. Devant paraître sous le label de la maison d’édition initialement attachée au prix – il semblerait que ce soit LEGS ÉDITION – selon un protocole établi en amont au lancement du prix, l’œuvre a été confiée à un nouvel éditeur. Refusant de se courber aux injonctions de cet éditeur et un membre influent de l’association, l’autrice est revenue vers l’éditeur initial. Par la suite, Petit Frère propose une lecture critique qui entend dégager les grandes lignes de l’œuvre, ses qualités esthétiques et littéraires et sa dimension poétique.
Constitué de quatre sections portant chacune un titre, Tempes est un vrai chant d’amour à la terre, l’eau, l’air et le feu – les quatre éléments matrices de l’univers. Chaque partie comporte une photo qui fait œuvre d’illustration du propos. Sans pour autant verser dans l’occultisme, Tempes présente un côté hermétique. Ni merveilleux ni fantastique, il s’y dégage une forme de sagesse qui électrise le lecteur de la première jusqu’à la dernière page. L’ensemble du poème est porté par une voix qui lui concède un ton narratif. Ce qui fait parfois, il donne lieu à une forme de modulation entre une sorte de soliloque intérieur et de discours narrativisés.
La première partie du recueil s’intitule Interdiction. Il ne s’agit aucunement d’une privation dans le sens premier du terme, c’est-à-dire dans le sens d’une atteinte à de la liberté, mais d’une invitation à faire front contre la solitude. « Ne pas être seule, seulement. », tels sont les mots de la poétesse qui tombe comme une consigne pour bousculer l’absence et l’abandon. La deuxième partie, Contemplation, est un monologue qui donne à voir l’univers et ce qu’il contient : la flore, la faune, le marin, le climat, le temps et des phénomènes de la nature. Portes, la troisième partie, revient au récit et s’ouvre sur un autre monde, celui de la peur probablement, ou plutôt de la mort comme le laisse entendre ce vers évoquant une noyade : « tu seulement vu les faces des eaux ? La petite déchirure qui de fuite en abîme projette les corps, tout de cœurs, tout de mers, tout de désolance ? ». Puis, ce qu’il advient de ces corps et tout le silence et le regret qui se lisent dans « les yeux comme rivés aux vents qui dévalent les visages. ». Et comme s’il s’agit d’un point de non-retour, la voix se lâche : « la mer m’appelle à toi. Je vais jusqu’à elle et je dépose ma voix. ». La quatrième et dernière section, épilogue, comme le titre l’indique, ferme le recueil. Le vers « Quelqu’un crie au large » fait référence à une odyssée, un voyage lointain « qui a traversé les âges. »
Tempes est d’une écriture lumineuse. La dissémination des références dans l’ensemble du volume dit long sur le dialogue intertextuel opéré dans l’univers du poème. Que faut-il retenir ? L’œuvre littéraire est l’une des plus belles/grandes formes d’altérité qui soit !
Nathanaël, Tempes, Port-au-Prince, LEGS ÉDITION, 2024, 106 pages.
Lucas Saint-Jean
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