L'Office de la Protection du Citoyen (OPC), en partenariat avec le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), a organisé, ce vendredi 05 décembre 2025, un atelier de consultation entre les acteurs judiciaires et la société civile, autour du thème « Comment garantir l'accès à la justice aux femmes et aux filles victimes de violences sexuelles ? » Une activité qui tend à élaborer un plan d'action pour la mise en œuvre des recommandations relatives à l'accès à la justice pour les survivantes.
Cette journée de discussion s'inscrit dans le cadre des 16 jours d'activisme contre les violences faites aux femmes et aux filles. Elle vise non seulement à mettre en lumière ces abus contre la gent féminine, mais aussi à identifier de manière claire les obstacles qui entravent l'accès à la justice pour les victimes ; favoriser un dialogue participatif entre les acteurs judiciaires, de la société civile et les institutions publiques afin d'assurer une compréhension des défis et une mobilisation collective autour des priorités, et formuler des recommandations adaptées au contexte judiciaire haïtien dans le but de renforcer les mécanismes existants et améliorer la coordination entre les acteurs pour garantir un accès équitable au système judiciaire pour toutes les victimes.
Dans ses propos d'ouverture, le protecteur du citoyen, Jean Wilner Morin, a fait la mise en contexte de la crise multidimensionnelle, marquée par l'insécurité et la faiblesse des institutions publiques, qui accroît le taux d'impunité, notamment les violences sexuelles et sexistes. Qui, dit-il, ne sont pas de simples infractions, mais des crimes graves, des atteintes à la dignité humaine. Elles laissent des blessures physiques, psychologiques, familiales et communautaires, parfois impossibles à effacer.
Cependant, dénonce-t-il, malgré la gravité de ces crimes, les défis liés à l'accès à la justice et aux services de base demeurent un parcours semé d'embûches, tels que, la peur de représailles, les préjugés sociaux, la stigmatisation, l'absence, la lenteur ou l'inaction des institutions qui découragent souvent les victimes.
De surcroît, il souhaite que cette journée d'échanges ne soit pas une rencontre de plus sans aucune résolution sérieuse, mais un moment de rencontre pour produire des recommandations solides afin de les acheminer aux autorités judiciaires et aux décideurs politiques, en vue d'ouvrir la voie à une justice spécialisée, sécurisée et serviable.
De son côté, la ministre à la Condition féminine et aux Droits des femmes, Pédrica Saint-Jean, a déploré le contexte de crise actuel, marqué par une insécurité galopante, où les femmes dans les camps de déplacés, les zones rurales et les quartiers défavorisés, contrôlés par les gangs, se trouvent en première ligne de violences et sont utilisées comme des armes de terreur pour contrôler et intimider les localités.
Pour elle, cet atelier se doit d'être un espace de mobilisation, de solidarité et de responsabilité, pour interroger les institutions, renforcer les mécanismes de protection et bâtir des réponses concrètes face aux violences qui entravent la dignité et la citoyenneté des femmes. Pour y parvenir, elle plaide en faveur du renforcement des institutions en les adaptant aux réalités actuelles, ce qui doit passer par la formation des policiers, magistrats et personnel de santé à l'écoute active, à la prise en charge adéquate et à l'orientation efficace. Mme Saint-Jean demande à l'État de rendre les procédures plus simples, plus rapides, transparentes et d'alléger les processus pour les certificats médicaux et démarches judiciaires.
Pour sa part, Djénanne Félix-Désir, la cheffe d'unité gouvernance du PNUD, indique que les chiffres au cours de ces années révèlent une réalité alarmante des violences basées sur le genre en Haïti. Elle précise qu'entre janvier et septembre 2025, plus de 7 400 cas de VBG ont été enregistrés, avec une moyenne de 27 cas par jour, soulignant que la moitié de ces cas, soit environ 4 000, sont des violences sexuelles et 2 500 des viols collectifs.
Elle précise que ces données ne sont qu'une fenêtre partielle des actes, car la majeure partie des violences n'est pas déclarée par peur de stigmatisation ou en raison de l'absence de services. Elle estime que la réponse à cette crise ne doit pas être que juridique, mais sociale, psychosociale et communautaire. Ainsi, elle appelle à une meilleure coordination entre le parquet, les magistrats, les juges, la police nationale, le CSPJ, les structures spécialisées, les services médicaux, le MCFDF, les organisations de femmes, les tribunaux et le barreau.
La représentante du PNUD annonce qu'à travers son programme d'appui à la justice contre l'impunité, l'organisation travaille pour renforcer le système judiciaire, soutenir l'accès équitable à la justice, améliorer la coordination institutionnelle entre la justice, la protection et les services, accompagner techniquement le suivi du plan d'activité qui résulte de l'atelier et appuyer la collecte et l'utilisation de données fiables, tout en recommandant la mise en place d'un mécanisme opérationnel de coordination interinstitutionnelle sur les violences sexuelles et sexistes.
Présent à ces discussions, le conseiller du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ), Wando St Villier, informe que les autorités ont mis sur pied des séances de formation spécialisée et la formation des juges sur les techniques d'investigation pour mieux lutter contre les violences basées sur le genre.
Sheelove Semexant
