Le Centre d’analyse et de recherche en droits de l’homme (CARDH) dans son dernier rapport alarmant, à l’occasion du quatrième anniversaire de la prise d’assaut de Martissant par les gangs armés, survenu le 1er juin 2021, dénonce le début d’une nouvelle ère de violence, de perte de contrôle de l’État et d’expansion territoriale des groupes criminels dans le pays.
En effet, le rapport revient sur cette date charnière, au cours de laquelle les gangs de Gran Ravin et de Village-de-Dieu, opposés à celui de Ti Bwa, se sont affrontés pour le contrôle de Martissant. Cette offensive a ouvert la voie à une série de conquêtes territoriales par des bandes armées qui, aujourd’hui encore, dictent leur loi sur une bonne partie du territoire. « Le rapport du CARDH évoque le concept de territoires perdus , cette expression tristement célèbre qui désigne ces zones abandonnées par les autorités et laissées à la merci des groupes criminels. »
Le Centre critique sévèrement l’inaction et le laxisme des autorités qui se sont succédé au pouvoir. Selon le rapport, si des décisions politiques et sécuritaires fermes avaient été prises en temps opportun, des régions entières comme le département de l’Ouest, le Bas-Artibonite ou encore la commune de Mirebalais n’auraient pas sombré sous la domination des gangs. Le CARDH pointe du doigt l’échec des opérations policières annoncées avec fracas mais jamais concrétisées, comme celle du 24 avril 2020 censée neutraliser le gang de Village-de-Dieu.
Entre 2021 et 2025, au moins 28 territoires sont passés sous le contrôle des gangs, selon les chiffres du CARDH. Cette expansion a entraîné la fermeture ou la délocalisation de 102 institutions publiques et de 622 établissements privés. On dénombre plus d’un million de personnes déplacées internes, et au moins 4 716 victimes d’homicides, parmi lesquelles 136 policiers. Par ailleurs, 3 363 personnes ont été kidnappées au cours de la même période. Le nombre de disparus continue, lui aussi, de grimper.
Le CARDH souligne également que la détérioration des conditions sécuritaires est alimentée non seulement par l’inaction des autorités, mais aussi par la complicité de certains responsables.
Parmi les mesures proposées par le CARDH figurent la révision de la loi régissant la Police nationale, la création d’unités spéciales antiterroristes, l’augmentation des effectifs de la police et de l’armée, la levée de l’embargo sur les armes, la mise en place de structures de réinsertion pour les jeunes enrôlés par les gangs, ainsi que la création d’un tribunal spécialisé pour traiter les affaires criminelles.
À travers ce rapport, le CARDH appelle à une prise de conscience nationale et internationale face à l’effondrement sécuritaire en Haïti, tout en invitant à une réponse coordonnée, rigoureuse et respectueuse des droits humains.
Vladimir Predvil
