L’année 2024 a été marquée par une crise politique sans précédent dans le pays, exacerbée par la montée en puissance des gangs armés et l'instabilité gouvernementale. Cette année, Haïti a vécu l'une de ses pires crises politiques avec des tensions internes, des démissions, des tensions sociales, des tentatives de rétablir l’ordre, mais aussi des échecs notables dans la gestion de la situation par les autorités nationales et internationales.
Démission d'Ariel Henry et transition politique
En février 2024, sous le signe de l'incertitude, le Premier ministre, Dr Ariel Henry, suite à une pression croissante des gangs et de la population, en particulier dans un contexte d’escalade de la violence, a remis sa démission. En ce qui concerne, après plus de deux années de gestion chaotique, il a quitté le pouvoir à Porto Rico, en menant la barque d'une gouvernance ponctuée par la fragilité de l'État. Alors qu'il était parti solliciter une mission de sécurité internationale au Kenya en février, sa démission ne parvenait pas à apaiser la situation, qui se dégrade chaque jour davantage à Port-au-Prince, où la violence des gangs atteint des niveaux alarmants.
En effet, la crise politique a pris une ampleur sans précédent en 2024. De même, les gangs ont intensifié leurs attaques contre les institutions de l'État, y compris le palais national, les commissariats et les prisons. À la fin de février 2024, plus de 360 000 Haïtiens ont été déplacés, fuyant les violences et les affrontements entre forces de l’ordre et groupes criminels, suivant certains rapports. Des agressions sexuelles, des tortures et des kidnappings ont rythmé ce climat de terreur. « L’effondrement des services publics et l’évasion de milliers de prisonniers ont aggravé la situation, forçant l’Union européenne et les États-Unis à évacuer leur personnel diplomatique en mars. » Pendant ce temps, l’intérim est assuré par l'ancien ministre de l’Économie et des Finances, Michel Patrick Boisvert avec les mêmes tensions internes.
Face à ce vide politique, un nouveau gouvernement de transition a été mis en place sous l'égide de la Communauté internationale notamment de la CARICOM. Le Conseil présidentiel de transition (CPT), formé le 12 avril 2024 et installé le 25 avril, a pris les rênes du pays après la démission d'Ariel Henry. Composé de sept membres et de deux observateurs, ce gouvernement intérimaire a pour mission de rétablir l'ordre, organiser une conférence nationale, et préparer une réforme constitutionnelle menant vers les élections honnêtes et démocratiques. Mais cette transition s’est vite heurtée à des obstacles internes, notamment au sein même du CPT. Toujours en ce qui a trait au CPT, Edgard Leblanc Fils a assumé la présidence du Conseil présidentiel de transition du 30 avril au 6 octobre 2024, avant d'être remplacé par Leslie Voltaire à partir du 7 octobre 2024, dans le cadre d'une présidence tournante visant à favoriser le consensus au sein du gouvernement de transition, mais les décisions continuent d'être entravées par des tensions persistantes.
Aussi, à partir de juin 2024, le gouvernement a vu la nomination de Garry Conille au poste de Premier ministre, un mandat marqué par des conflits internes.
Entre-temps, en juillet 2024 un scandale de corruption secoue le Conseil présidentiel de transition, impliquant trois de ses membres : Louis Gérald Gilles, Smith Augustin et Emmanuel Vertilaire. Selon les révélations du président du Conseil d'administration de la Banque nationale de crédit (BNC), Raoul Pascal Pierre-Louis, ces conseillers lui auraient réclamé un paiement de 100 millions de gourdes pour garantir son maintien à son poste. Cette information a été dévoilée dans une lettre datée du 24 juillet 2024, adressée au Premier ministre d'alors Garry Conille.
En novembre 2024, après plusieurs semaines de bras de fer avec le CPT, Garry Conille a été limogé et remplacé par Alix Didier Fils-Aimé, dans une décision qui a provoqué des contestations notamment de la part de M. Conille. Pour sa part, Alix Didier Fils-Aimé a pris ses fonctions comme Premier ministre toujours dans un contexte d’instabilité, son gouvernement devant faire face aux mêmes défis, la violence des gangs et la gestion de la transition politique.
En somme, l’année 2024 restera gravée dans les mémoires comme une période où la crise politique a atteint son paroxysme en Haïti. Alors que le pays se trouve à un tournant historique, la classe politique haïtienne devra faire face à un défi de taille en 2025, rétablir l’ordre et la sécurité tout en redonnant confiance aux citoyens et en construisant un avenir politique durable.
Vladimir Predvil