Prendre l’OEA au mot !

Le dernier communiqué de L’Organisation des États américains (OEA) intitulé « Démocratie et sécurité » a fait l’effet d’une bombe à Port-au-Prince. Le texte a été si loin et de manière si objective dans l’analyse de nos malheurs qu’il a fallu se reprendre à deux fois pour s’assurer qu’il s’agissait bien d’un document émanant de l’organisation régionale.
Cette organisation a dans le sous-continent la sulfureuse réputation de soutenir la «  stabilité » à tout prix, quel que soit le « client » au pouvoir ! Les Haïtiens n’ont jamais pu comprendre la position de cette structure dans les moments difficiles de leur histoire au cours de ces cinquante dernières années. Son attitude tantôt complaisante, tantôt passive face à des situations révoltantes a renforcé l’ image d’organisation bureaucratique souvent frappée d’immobilisme.
Toutefois, ce communiqué constitue un tournant dans l’appréciation générale de la question haïtienne par une institution qui nous avait jusqu’ici familiarisés avec le « business as usual » et le « tout va très bien, Madame la Marquise ». Le texte va très loin dans l’explication du mal haïtien. Les auteurs reconnaissent l’échec de la politique des « amis d’Haïti » sur au moins une génération et cela l’opinion publique nationale l’attendait depuis des lustres  : « Les 20 dernières années de présence de la communauté internationale en Haïti constituent l’un des échecs les plus importants et manifestes de mesures mises en œuvre et d’actions réalisées dans le cadre de quelque action de coopération internationale que ce soit…20 ans plus tard pas une seule institution n’est plus forte qu’elle ne l’était auparavant. »
Voilà un aveu important capable d’augurer d’une approche différente de la problématique haïtienne. Des mots parfois incandescents et débordants de triste vérité : «  Sous le parapluie de la communauté internationale, les bandes criminelles qui assiègent aujourd’hui le pays et son peuple ont fermenté et germé, sous ce parapluie le processus de désinstitutionalisation et de crise politique que nous connaissons a germé et couvé ».
Des propos qui ont le mérite d’être aussi clairs que l’eau de roche et dans la lettre et dans l’esprit. Il s’agit d’une situation, que nous autres Haïtiens expérimentons chaque jour dans notre chair, mais qui est nouvelle sous la plume de bureaucrates à Washington.
Le communiqué met aussi l’accent sur les forces endogènes de blocage, celles qui de tout temps ont voulu maintenir le statu quo à leur unique avantage. Toutes les responsabilités ont donc été relevées dans ce document qui fera date, tout simplement parce qu’il aura dit la vérité toute nue sur le drame haïtien. Et qu’il reconnait sans langue de bois, la responsabilité de tous dans la transformation de ce coin de terre en un lieu hostile pour ses habitants. « On ne peut nier que la solution à cette situation revient aux Haïtiens, mais la communauté internationale a elle aussi un rôle à jouer ».  
Les partisans du progrès en Haïti et tous ceux qui, ici et ailleurs, ont enfin compris que pour avoir fait partie du problème, ils peuvent contribuer à le solutionner doivent profiter de ce changement de direction du vent.
Les Haïtiens doivent créer les conditions pour prendre au mot L’OEA et exiger justement que les actes suivent les mots. 
Nous devons savoir que désormais nos alliés ne sont peut-être pas uniquement auprès d’ONG progressistes, mais quelque part dans certains bureaux à l’OEA, au Congrès des États-Unis. C’est donc à nous de savoir tirer profit de ces nouvelles voies qui portent.
Tel article du New York Times sur la dette de l’Indépendance ou tel reportage de CNN à bord d’un véhicule blindé de la PNH  relatant la saga de policiers non corrompus doivent faire partie de nos préoccupations stratégiques pour faire avancer la cause haïtienne. Le pragmatisme est ce qui nous reste, après avoir presque tout perdu.


Roody Edmé

 

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