Joseph Harold Pierre : les jeunes, salut d’Haïti, à condition de créer leurs propres sources de revenus

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Invité au congrès des jeunes catholiques de la Grand-Anse qui a réuni 600 jeunes à Jérémie, l’économiste et politologue Joseph Harold Pierre a présenté la conférence « Décryptage de la crise nationale en vue de l’engagement social des jeunes pour une nouvelle Haïti ». Dans son décryptage de la crise nationale, il a rappelé que pendant toute l’histoire d’Haïti, de 1804  aujourd’hui, les grandes crises d’Haïti sont toujours cristallisées dans les mobilisations populaires pour la matérialisation d’une (même) triple aspiration, à savoir l’établissement d’un régime démocratique, la modernisation économique c’est-à-dire l’amélioration des conditions de vie de la population et l’intégration réelle dans la communauté nationale de la grande majorité des populations déshéritées des villes et des campagnes.

Il a aussi rappelé que les grandes crises d’Haïti ont toujours pris naissance dans un d’exacerbation (aggravation) des conditions d’existence de la population soit à cause de la chute du volume ou du prix de certains produits clés comme le café et le coton au 19e siècle ou d’une grande dépréciation de la gourde comme à la veille de l’occupation américaine ou au moment actuel. De plus, il a mentionné l’affaiblissement accentué de l’État comme une condition nécessaire des grandes crises systémiques en Haïti telles que les crises du 19e siècle  de 1843-48 et de 1867-70 sous les leaderships respectifs d’Acaau, de Salnave, les mobilisations populaires du 20e siècle de 1908-15 et de 1986-94 et la crise de 2001-2004.

Suivant le conférencier qui est expert en Amérique latine, la crise actuelle a deux caractéristiques particulières dont la plus importante est l’inexistence totale de l’Etat, alors que, dans les cas précédents, il s’agissait d’un État affaibli ou failli. L’autre caractéristique est qu’elle est la crise systémique la plus longue dans toute l’histoire d’Haïti, soit une décennie environ. Elle a commencé avec les manifestations relatives à la nationalité du Président Martelly en 2012 jusqu’à aujourd’hui, avec l’intermède de Privert, alors que la durée des autres crises a varié entre trois ans et 7 ans.

Dans ce congrès organisé par le Père Luxo Louis, directeur de la pastorale des jeunes du diocèse de Jérémie, Joseph Harold Pierre a invité les jeunes à s’engager en présentant les stratégies de sortie de crise dans le passé. Il a rappelé les aspirations de justice, d’amélioration des conditions de vie et d’intégration sociale des masses appauvries ne sont jamais matérialisées, il y a toujours eu soit des alliances anti-populaires des forces dominantes (secteurs public et privé) comme au 19e siècle soit l’intervention étrangère comme 20e siècle.

Il a exhorté les jeunes de s’engager puisqu’au 21e siècle (si on fait commencer le siècle « historique » avec le départ de la MINUSTAH) ils demeurent la seule force capable de transformer Haïti, car, souligne-t-il, l’Etat, de par son inexistence, et les autres acteurs, de par leurs divisions,  n’ont pas la capacité pour résoudre la crise. Or, la communauté internationale, ajoute-t-il,  se refuse à une participation réelle dans la résolution de la crise.

Toutefois, l’expert en économie et politique de l’Amérique latine explique aux 600 jeunes leaders qui ont participé à ce congrès que l’amélioration de leurs conditions économiques est une condition préalable pour mener la lutte pour la nouvelle Haïti. En effet, pour le professeur Pierre, il est extrêmement difficile à un citoyen de diriger une lutte sociale, encore moins politique, si ses problèmes de base ne sont pas préalablement résolus. D’ailleurs, l’histoire a montré que, depuis les luttes d’Acaau et de Salnave, en passant par la lutte des pétrochallengers, jusqu’au moment actuel, les « forces dominantes » ont toujours eu gain de cause de la fragilité économique des « révoltés » en leur offrant postes, argent et même rang social, même si, pour nombre d’entre eux, la mobilisation populaire n’est qu’un tremplin pour accéder au pouvoir sans la moindre volonté d’améliorer les conditions de vie de la population.

De plus, se référant à la conférence inaugurale du congrès par Monseigneur Joseph Gontrand Décoste, SJ, qui a rappelé aux jeunes que, de par leur baptême, ils sont prêtres, prophètes et rois, Joseph Harold Pierre a fait savoir aux jeunes qu’améliorer leurs conditions de vie matérielle et celle de leur communauté est une responsabilité de tout chrétien, car un roi ne peut et ne doit pas vivre dans la misère. Sans langue de bois, il leur a déclaré que ce sera un travail difficile puisqu’il n’y a pas d’emploi en Haïti et qu’ils devraient créer eux même, dans la dignité, leurs propres sources de revenus.

Enfin, il a déclaré aux jeunes un grand blocage au développement d’Haïti est la méfiance. D’où la nécessité de s’engager dans les activités de leur communauté pour créer des relations d’amitié et ainsi vaincre la méfiance au bénéfice d’un climat de confiance et d’une culture de transparence.

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