De la nécessité d'une politique publique de gestion des déchets

Dans les coins et recoins du pays, la question de l’insalubrité de jour en jour continue son petit bonhomme de chemin. Les lots d’ordures augmentent à un rythme vertigineux. Ils polluent l’atmosphère, engendrent des problèmes sur la santé humaine, des embouteillages montres... Cette situation fait peur à bon nombre d’Haïtiens résidant dans le pays ou à l’extérieur. Néanmoins, elle est due à l’absence d’une politique publique de gestion des déchets qui pourrait freiner les dégâts et générer en quelque sorte des emplois.

Suivant le rapport du Ministère des Travaux publics, Transports et Communications (MTPTC, 2009), et celui de la politique nationale des déchets solides en Haïti, du Comité interministériel pour l’Aménagement du Territoire (CIAT, 2016) ; au cours de ces 10 dernières années, Haïti produit plus de déchets que dans le passé.

Les zones les plus touchées par ce phénomène sont surtout celles des plus populeuses du pays, si l’on veut parler de l’Aire métropolitaine de Port-au-Prince (AMPAP) ,qui représente un gisement de déchets solides de 2 450 tonnes par jour, et pour une valeur de 900 000 tonnes par an, ainsi que la deuxième ville du pays dont le gisement journalier est de 221 tonnes, ce qui fait au total 80 700 tonnes par an.

Ceci dit, depuis longtemps la situation est grave. Jusqu’à date les ordures poussent en une quantité inestimable en milieux urbains surtout. Elles nous offrent à tout bout de champ des spectacles très déprimants. Parfois servent d’indicateurs d’adresse et très souvent sont à la base du blocage des voies routières. Quant aux précipitations, dans certaines villes, il faut bien se méfier, car en tombant, la pluie fait plus de mal que de bien. C’est la dame poussière qui se substitue à la dame de boue. Cela cause non seulement de fréquentes inondations après la tombée de quelques gouttes, mais augmente également le niveau d’exposition aux maladies et aux épidémies liées à la pollution comme le choléra, la rougeole, la malaria, etc.

Les déchets entraînent parfois bien d’autres faits ; qu’il s’agit de l’encombrement des égouts ou des canaux d’évacuations d’eau, ainsi que le phénomène de la poldérisation rencontré dans quelques villes impliquant un très fort pourcentage de déchets solides. En revanche, il faut souligner l’accumulation des ordures a toujours fait l’objet de préoccupation de tous les gouvernements. De nombreuses initiatives ont été opérées par eux et autres organismes, mais jusqu’ici restent inefficaces, surtout avec l’augmentation accélérée de la population.

Ça apporte de la frayeur et de la tristesse aux filles et fils du pays vivant ici et ailleurs, qu’en plein 21e siècle Haïti est privée d’un projet de planification urbaine incluant un plan de gestion de déchets communal. Elle ne bénéficie pas des pratiques de l’aménagement du territoire et d’une vision protectrice de l’environnement. Elle souffre d’une implantation des décharges sauvages et des sites informels de décharges à proximité des cours d’eau.

Face à la nécessité de répondre au caractère complexe de la problématique de l’insalubrité, il est indispensable qu’à chaque ville l’État ou les institutions étatiques (le ministère des Travaux publics, Transports et Communications, le ministère de l’Environnement, les mairies…) mette.ent en place une politique publique de gestion des déchets ayant un plan de communication et d’éducation efficace autour de la mise en œuvre d’un plan stratégique de gestion des déchets comprenant : la valorisation des déchets non dangereux (ordures ménagères, solides…), l’élimination des déchets dangereux. Pour ce faire, en voici quelques propositions :

-Renforcer la capacité des municipalités dans le but d’améliorer leurs services de voirie

-Les municipalités doivent placer de grandes poubelles publiques dans les zones de forte concentration humaine, et pour éviter tout risque, prévoir un plan de nettoyage systématique des marchés publics.

-Sensibiliser les ménages pour qu’ils ne déversent pas leurs ordures dans les rues pendant et après les pluies

-Identifier des points de décharges où les ménages peuvent déverser leurs ordures ou distribuer des poubelles à chaque ménage pour le dépôt des détritus. Les camions de leur municipalité respective viendront les chercher régulièrement suivant un calendrier bien défini

-Utiliser des récipients qui peuvent être réutilisés en lieu et place des sachets plastiques

-Bâtir un véritable plan d’assainissement de curage des égouts et des drains...

À noter que ces six (6) propositions pourraient appliquer au niveau d’un programme d’éducation civique où des animateurs sociaux pourront recevoir une formation adéquate en vue de conduire des campagnes de sensibilisation pour informer la population des différents points de collecte (lieux, heures d’entreposage, jours et fréquences de collecte par semaine) désignés par les instances concernées. Après la participation des agents de terrain, voilà un plan de traitement de déchets (bien détaillé) axé sur trois grands points : la collecte, le traitement et la valorisation des déchets.

 

1-Collecte des déchets

 Grâce au programme cité, leurs services de voirie arriveront à collecter un ensemble de déchets d’origines différentes. Certains sont recyclables et d’autres non recyclables. Ils doivent être acheminés vers un centre de décharge en vue de procéder à un éventuel triage.

 

2- Traitement et valorisation

Le traitement peut se faire en deux parties : mécanique et biologique. Primo, les matières plastiques récupérées comme les flacons de jus (tampico) de gazeuse (fiesta, toro, ragaman…)  peuvent être travaillées pour produire des articles tels que : sandales, gallons, fleurs, masques, paniers, couronnes mortuaires, etc. Les papiers plastiques des sucreries, on pourrait les utiliser dans le domaine artistique en faisant des sacs multicolores, des bourses, etc. Avec les gallons d’huile, on peut fabriquer des entonnoirs, arrosoirs, des cache-pots. Celles qui ne peuvent être recyclées, on les achemine vers le circuit d’incinération. Secundo, les ordures ménagères, les ordures d’origine végétale ou animale sont nécessaires pour la production de compost (ou engrais organique) pour alimenter les plantes, les sols (en proie à la dégradation ou pas) et pour la production de l’énergie (biogaz ou biométhane, briquettes de charbon, etc.).

À part les déchets mentionnés, les métaux comme le fer provenant des carcasses de véhicules, de réfrigérateurs, de congélateurs qui jonchent les rues doivent être également transportés vers un centre de démolissage. Car ils pourraient utiliser dans des usines spécialisées dans le traitement du fer. Ce fer peut être fondu puis transformé en barres de fer, tôles, plaques d’acier, etc. Ce même procédé peut s’appliquer pour l’aluminium provenant des cannettes, des boites de lait et autres récipients qui seront récupérées sur une grande échelle, peuvent utiles aux industries travaillant dans le secteur de l’aluminium, pour transformer en ustensiles de cuisine comme les chaudières… Les parties les plus légères de certaines carcasses en fer pourraient utiliser pour faire des réchauds, des objets artisanaux… De ce fait, il faut qu’il y ait des usines dotant d’équipements adéquats que ce soient pour la transformation des déchets (plastiques, végétaux, animaux…), des débris de fer, d’aluminium. Ensuite, faire la promotion de ces produits pour faciliter leur écoulement.   

Somme toute, les déchets sont un bien économique. Lequel a deux (2) valeurs : une valeur principale qui se réfère à son utilité et une valeur d’échange qui fait référence à son prix. Pour qu’on voie la portée économique, il faut que l’État définisse une politique publique de gestion des déchets (prenant en compte les propositions ci-haut décrites ainsi que le plan détaillé de traitement des…), une nécessité pour le pays ! À l’échelle internationale, les ordures sont utilisées à des faits divers. Il est temps chez nous de promouvoir et adopter « l’Économie circulaire ». D’une part, ces mesures permettraient une gestion rationnelle des déchets, d’avoir un environnement urbain sain ; d’autre part engendreraient de nouveaux emplois qui seraient une source de revenus pour bon nombre de gens.

 

Jimmy DELISCA

 Ingénieur agronome, écologiste

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