Haiti/ developpement rural

« Nord-Est : de la pauvreté à la prospérité », l’économiste Joseph Harold Pierre propose des pistes de solution

À l’initiative du Père Hugues Louis, vice-recteur de l’Université Notre-Dame d’Haïti à Fort-Liberté, des centaines d’écoliers et universitaires ont participé, les 7, 8 et 9 mars derniers à une série de conférences prononcée par l’économiste Joseph Harold Pierre, afin de sensibiliser les jeunes sur la nécessité d’œuvrer à la valorisation et le développement de leur région. Satisfait de cette tournée, le professeur Pierre dit inscrire ces activités dans une perspective de l’émergence d’une nouvelle opinion publique en Haïti ainsi qu’à la construction des élites du pays.

C’est au Collège Dominique Savio que s’est déroulée, le lundi 7 mars, la première conférence à laquelle des élèves de NS4 de plusieurs institutions scolaires de la ville de Trou du Nord, au tour du thème « Libérer le potentiel de développement de Trou du Nord ». Le mardi 8 mars, à l’Institution Jean-Paul II de Ouanaminthe, l’économiste a abordé le thème : « Voir Ouanaminthe dans le miroir de Dajabon », alors que le mercredi 9 mars, il a été reçu au Centre culturel Legacy par étudiants des universités et des écoles professionnelles, pour aborder le sujet « De la pauvreté à la prospérité : la possibilité du miracle économique du Nord-Est ».

Dès l’introduction de toutes ces conférences, l’économiste a procédé à un état des lieux du département. Il également présenté les indicateurs et enjeux sociodémographiques et environnementaux de ses différents arrondissements. À cette première partie fait suite un exposé sur les services publics, les infrastructures et les administrations locales des différentes sous-régions. Les autres parties consistaient à présenter, tour à tour, le potentiel de développement des différents arrondissements et les stratégies à mettre en oeuvre pour atteindre les objectifs visés.

« Si on compare les départements frontaliers du Nord-Est (Haïti) et de Dajabon (République dominicaine) ou plus précisément les villes frontalières de Ouanaminthe et de Dajabon, on se rend à l’évidence de la gravité et donc de l’urgence de la situation de Ouanaminthe. Ce dernier a une croissance démographique de 5% contre 0.86% pour Dajabon. La densité de la population de Dajabon en 2021 est de 119 habitants par km2, alors que celle de Ouanaminthe est de 986 habitants par km2. La commune de Dajabon a six postes de police (destacamentos) contre le seul commissariat de Ouanaminthe »

Le Nord-Est est le deuxième département le plus pauvre d’Haïti, après le Nord-Ouest. Suivant une enquête de l’USAID réalisée en mars 2021, 80% des ménages du Nord-Est n’ont assez de nourriture ni non plus assez d’argent pour en acheter. L’économiste a rappelé que le Nord-Est dispose, néanmoins, d’un grand potentiel de développement économique dans les secteurs suivants : la sous-traitance, l’agriculture, l’industrialisation, le tourisme et les mines. Joseph Harold Pierre a proposé aux jeunes des pistes de solutions aux problèmes de développement du département. Selon lui, le miracle économique du Nord-Est, c’est-à-dire pour passer de la pauvreté à la prospérité, comprend plusieurs dimensions. Pour l’analyste économique, le département du Nord-Est doit tourner le dos à Port-au-Prince, c’est-à-dire de ne plus penser que le développement d’Haïti viendra de la capitale. Pour cela, il faut renoncer à l’idée de la décentralisation au bénéfice d’une autonomisation, car décentralisation sous-entend une délégation de pouvoir des autorités centrales aux collectivités territoriales. Or, le pouvoir central est, au pire, inexistant et, au mieux, autoritaire, cacique et centralisateur. Cela dit, il ne fera pas ce transfert de pouvoir aux autorités locales qui sont, d’ailleurs, tout aussi incompétentes et caciques.

L’idée de l’autonomisation doit émerger d’une élite locale formée des universitaires, des leaders communautaires, du secteur privé, des autorités religieuses des différentes communautés qui, étant donné leur prise de position et organisation, vont orienter les politiques publiques locales, propose le politologue. Mais pour parvenir à ce développement, Joseph Harold Pierre estime que certains problèmes (tels que l’énergie) doivent être résolus avant de penser au développement de chacun des secteurs proposés. La microfinance, selon lui, devrait être la première source de financement pour le démarrage de l’économie du Nord-Est. De nombreuses expériences de développement local de certains pays latino-américains tels que le Mexique, le Pérou, le Salvador, le Guatemala ont été présentées lors des conférences.

Laurent Eugène

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